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JUILLET 2003 A MARS 2011

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défense un peu, critique beaucoup Imprimer
Auteur : Luc Perrin
Sujet : défense un peu, critique beaucoup
Date : 2011-01-03 02:16:26

Le texte prône-t-il le syncrétisme ? Il est facile de répondre non et les mots sont choisis pour l'éviter. Le syncrétisme voudrait une religion mondiale faite de celles qui existent : nulle part il n'en est question. Au surplus, il est fait mention des non croyants.

L'objectif "mondain" est maintes fois réaffirmé : contribuer à la paix entre les peuples ce qui est dans la ligne de Pacem in terris, "construire un avenir de paix et de prospérité". Cela n'a rien de dogmatique et la foi chrétienne dans le Credo n'est pas atteinte.

Toutefois le texte véhicule, à l'image de certains passages de Nostra aetate de Vatican II et de plusieurs textes qui s'y réfèrent, des ambiguïtés préjudiciables à une bonne pédagogie religieuse et contradictoires avec la définition de l'Église comme évangélisatrice par essence.
- première ambiguïté et inexactitude mêlée : les religions non-chrétiennes ne confessent pas toutes un Dieu unique "riche en miséricorde et en bénédiction" ; je ne vois pas l'hindouisme souscrire à cela, pas davantage le bouddhisme, ni le shamanisme, ni les religions traditionnelles africaines etc.
- le Dieu des chrétiens est-il pleinement le même que celui qu'invoquent les autres religions monothéistes au-delà de l'équivoque du nom, un Nom divin sur lequel d'ailleurs presque toutes sont en désaccord ? Comment faire abstraction de la Sainte Trinité ? Dans tout ce texte, le Christ n'apparaît directement que dans un ajout se rapportant à l'oecuménisme qui est déconnecté du dialogue interreligieux. Le Nom de Jésus en dehors du biais de l'adjectif "chrétiens" une fois est soigneusement évité pour rechercher une sorte de plus petit dénominateur commun en terme de confession du divin.Un PPDC lexical illusoire comme je l'ai noté précédemment.
- ambiguïté extrême, conclusion venue de la Déclaration conciliaire, de la séquence : "en conservant intégralement et fermement ses propres croyances". S'il s'agit d'un procès-verbal de l'événement, purement descriptif, cela est acceptable mais est-ce la mission d'un pape, d'un évêque, d'un prêtre ou d'un baptisé quelconque de le souligner ? Plutôt celle du journaliste, du sociologue des religions ou de l'historien. S'il s'agit de se féliciter de ce constat, le texte est flou à cet égard et peut être lu de deux manières, là c'est bien plus gênant et on est dans la contradiction. Aucun baptisé ne peut se réjouir que quiconque soit dans l'erreur a fortiori quand cette erreur voile aux yeux de l'autre la figure de Jésus le Christ, le Rédempteur. Le "respect" est dû aux personnes non à l'erreur qu'elles professent, cela Jean XXIII l'énonçait en 1963 bien plus clairement que Jean-Paul II :

"157 - Les principes que Nous venons d'exposer ici trouvent leur fondement dans les exigences mêmes de la nature humaine, et sont le plus souvent du domaine du droit naturel. Assez fréquemment, dans la mise en œuvre de tels principes, les catholiques collaborent de multiples manières soit avec des chrétiens séparés de ce Siège apostolique, soit avec des hommes qui vivent en dehors de toute foi chrétienne, mais qui, guidés par les lumières de la raison, sont fidèles à la morale naturelle.

« Qu'alors les catholiques veillent avec grand soin à rester conséquents avec eux-mêmes et à n'admettre aucun compromis nuisible à l'intégrité de la religion ou de la morale. Mais aussi qu'ils ne considèrent pas leurs seuls intérêts et collaborent loyalement en toute matière bonne en soi ou qui peut mener au bien (66). »

158 - C'est justice de distinguer toujours entre l'erreur et ceux qui la commettent, même s'il s'agit d'hommes dont les idées fausses ou l'insuffisance des notions concernent la religion ou la morale. L'homme égaré dans l'erreur reste toujours un être humain et conserve sa dignité de personne à laquelle il faut toujours avoir égard. Jamais non plus l'être humain ne perd le pouvoir de se libérer de l'erreur et de s'ouvrir un chemin vers la vérité. Et pour l'y aider, le secours providentiel de Dieu ne lui manque jamais. Il est donc possible que tel homme, aujourd'hui privé des clartés de la foi ou fourvoyé dans l'erreur, se trouve demain, grâce à la lumière divine, capable d'adhérer à la vérité. Si en vue de réalisations temporelles les croyants entrent en relation avec des hommes que des conceptions erronées empêchent de croire ou d'avoir une foi complète, ces contacts peuvent être l'occasion ou le stimulant d'un mouvement qui mène ces hommes à la vérité." (Pacem in terris)

- A ces ambiguïtés s'ajoute une pétition de principe qui n'est guère étayée par les faits ni depuis Assise ni depuis ce message de 2001 : "le chemin parcouru au cours de ces années" ? lequel ?
Alors que se multiplient partout, spécialement en Afrique et au Moyen Orient, les atrocités commises par des musulmans envers les chrétiens, alors que dans l'hindouisme des courants extrémistes anti-chrétiens et anti-musulmans s'affichent de plus en plus, alors qu'à Sri Lanka hindouistes et bouddhistes se sont épuisés en une guerre impitoyable, alors qu'ailleurs des chrétiens s'entretuent, alors qu'au Rwanda des catholiques avaient exterminé d'autres catholiques ... la sinistre liste serait bien longue à égrener comme un chapelet de l'horreur, une "litanie" satanique, vraiment quel est ce "chemin parcouru" si mirifique ?
Oui quelques messages vides sont périodiquement adressés à la cantonnade par un Conseil pontifical créé à cet effet ; oui quelques cénacles se réunissent en conventicules pour doctement passer en revue deux ou trois notions sur lesquelles on parvient parfois, pas souvent, à des "consensus différenciés" aussi peu contraignants qu'une conférence internationale sur le climat.
Tout cela certes est mieux que rien, dans quelques cas rares et fragiles contribue même au bien commun de façon microscopique mais cela ne mérite pas qu'on embouche les trompettes d'un triomphalisme papal que je croyais suranné partout ailleurs.

In fine, autre ambiguïté, la paix véritable peut-elle exister comme un pape feint de le laisser croire dans ce message - mais aucunement dans ses autres textes (1) - sur la base précaire d'une fraternité humaine qui ne serait pas explicitement ancrée dans une ... pleine communion au sein de l'unique Église du Christ, une paix durable, juste et véritable sans le Christ en son centre ?
Là encore l'avant-dernier article de Pacem in terris sonne avec une tout autre clarté que la formulation amputée et claudicante de ce message wojtylien de circonstance :

"171 - C'est cette paix apportée par le Rédempteur que Nous lui demandons instamment dans Nos prières. Qu'il bannisse des âmes ce qui peut mettre la paix en danger, et qu'il transforme tous les hommes en témoins de vérité, de justice et d'amour fraternel. Qu'il éclaire ceux qui président aux destinées des peuples, afin que, tout en se préoccupant du légitime bien-être de leurs compatriotes, ils assurent le maintien de l'inestimable bienfait de la paix. Que le Christ, enfin, enflamme le cœur de tous les hommes et leur fasse renverser les barrières qui divisent, resserrer les liens de l'amour mutuel, user de compréhension à l'égard d'autrui et pardonner à ceux qui leur ont fait du tort. Et qu'ainsi, grâce à lui, tous les peuples de la terre forment entre eux une véritable communauté fraternelle, et que parmi eux ne cesse de fleurir et de régner la paix tant désirée."

(1) Ainsi dans son dernier Message pour la Journée mondiale de la Paix (2005) daté du 8 décembre 2004, le pape Jean-Paul II n'est plus dans l'enfouissement de la Lumière du Christ comme dans le message de 2001, tout au contraire, et il s'agit pourtant du même sujet mais sans la langue de chewing-gum de "l'interreligieusement correct" :

"Toutefois, des visions résolument réductrices de la réalité humaine transforment le bien commun en un simple bien-être socio-économique, privé de toute finalité transcendante, et le dépouillent de sa plus profonde raison d’être. Le bien commun, au contraire, revêt aussi une dimension transcendante, parce que Dieu est la fin ultime de ses créatures(9). De plus, les chrétiens savent que Jésus a mis en pleine lumière la réalisation du vrai bien commun de l’humanité. Cette dernière est en marche vers le Christ et c’est en Lui que culmine l’histoire : grâce à Lui, par Lui et pour Lui, toute réalité humaine peut être conduite à son plein accomplissement en Dieu."

n.b. "Duc in altum", prendre le large, renvoie au slogan biblique qui ouvre et conclut la Lettre Novo millenio ineunte de janvier 2001 qui clôturait l'année jubliaire. Certains dans le fil lui attribuent un sens fantaisiste, il ne s'agit que d'une citation, un clin d'oeil à une proclamation, elle, franchement évangélisatrice : "58. Allons de l'avant dans l'espérance! Un nouveau millénaire s'ouvre devant l'Église comme un vaste océan dans lequel s'aventurer, comptant sur le soutien du Christ." Une manière de ramener le Christ au centre mais, ambiguïté toujours du message de 2001, sans Le nommer ouvertement ... de façon enfouie. Le Prince de la paix camouflé et méconnaissable sous un déguisement pour que les autres ne s'en offusquent pas.


La discussion

 Les 15 ans d'Assise : message de Jean-Paul II, de Scribe [2011-01-02 20:05:45]
      Ben alors, n'y-a-t-il pas un palolâtre de service, de Scribe [2011-01-02 22:11:35]
          Marthe et Marie, de Cachalot [2011-01-02 22:18:53]
          A mon avis ils sont KO, de Pellicanus [2011-01-02 23:02:10]
          Me voici !, de Paxtecum [2011-01-02 23:09:19]
              Lisez bien tout..., de azur [2011-01-02 23:25:31]
              Merci de votre lumière Paxtecum, de Armaguedon [2011-01-02 23:48:33]
          défense un peu, critique beaucoup, de Luc Perrin [2011-01-03 02:16:26]
              Clair et limpide, de Tibère [2011-01-03 08:35:22]
      Quitte à souligner..., de Effata [2011-01-03 00:22:28]
          Oui, enfin..., de Gentiloup [2011-01-03 00:41:28]
          attention : "dialogue oecuménique" PAS  [...], de Luc Perrin [2011-01-03 02:35:10]
              Question pour M. Perrin, de Alonié de Lestre [2011-01-03 05:28:57]
                  Réponse partielle, de Tibère [2011-01-03 08:41:20]
                  Oui M Perrin, de Aigle [2011-01-03 09:12:18]
                      les papes ne parlent pas avec ambiguïté mais, de jejomau [2011-01-03 14:43:44]
                          merci jejomau, de jean-marie dobrée [2011-01-03 17:07:21]
                              ne me remerciez pas mon Père, de Luc Perrin [2011-01-03 19:51:48]
                          hélas jejomau hélas ce message de 2001, de Luc Perrin [2011-01-03 19:42:03]
                              si ,si la géopolitique a son importance, de jejomau [2011-01-03 23:11:11]
                                  que de fils emmêlés..., de Luc Perrin [2011-01-04 01:47:47]
                      en rebondissant sur l'analyse d'Aigle, de Luc Perrin [2011-01-03 18:11:55]