 | Un poème de Charles Maurras |
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| Auteur : Démétrius Cydonès |
| Sujet : Un poème de Charles Maurras |
| Date : 2003-07-07 23:50:19 |
Charles Maurras vécut un drame intérieur très profond, sur lequel il fut toujours très pudique, mais qu'il laissa cependant transparaître dans son oeuvre poétique. En provençal, comme il aimait à le dire, Mau-ras signifie "mal-rassasié". Désireux de se dévouer à une grande oeuvre, mais rongé, au secret de lui-même, par le scepticisme, il ne pouvait être ni un défenseur de la Foi, ni même un philosophe aristotélicien; il lui restait, comme à Barrès, le service du bien commun, qui ne dépassait pas, du moins le croyait-il, le niveau de l'empirisme organisateur. N'est-il pas d'autant plus intéressant de constater que le Martégal a su retrouver, d'une façon évidemment imparfaite, déformée même à certains égards, si l'on y tient, certaines vérités que la pensée politique catholique défendit très longtemps, et que l'on peut résumer dans la notion d'organicisme: dans une société bien faite, la personne conspire au bien commun par son insertion dans sa famille et dans les communautés intermédiaires, et non point par le mythe de la volonté générale. Face à cette doctrine partielle, mais, "salvo meliori iudicio", souvent vraie, on peut adopter deux attitudes: la rejeter au nom d'une conception intégrale de la vérité catholique, ce que font, bien curieusement, Ternisien et les autres; ou bien l'accueillir en la purifiant dans une perspective thomiste, comme ont cherché à le faire, avec plus ou moins de bonheur, les catholiques liés à Maurras, tels que Henri Massis, Marcel De Corte, Jean-Louis Lagor. Une fois de plus, on constate, à propos de Maurras, un étrange renversement: les esprits qui se veulent "ouverts" oublient aussitôt leur théorie habituelle de la "part de vérité", et les esprits que l'on décrit comme "fermés", "sclérosés", "nostalgiques", etc., sympathisent avec la critique maurrassienne de l'anarchisme contemporain. Nous voudrions demander aux uns et aux autres de lire le beau poème suivant, écrit par Maurras à la prison de Clairvaux en 1950, alors qu'il n'avait pas encore retrouvé la foi de sa mère. Nous avons respecté la ponctuation de l'édition citée. Seigneur, endormez-moi dans votre paix certaine Entre les bras de l'Espérance et de l'Amour. Ce vieux coeur de soldat n'a point connu la haine Et pour vos seuls vrais biens a battu sans retour. Le combat qu'il soutint fut pour une Patrie, Pour un Roi, les plus beaux qu'on ait vus sous le ciel, La France des Bourbons, de Mesdames Marie, Jeanne d'Arc et Thérèse et Monsieur Saint-Michel. Notre Paris jamais ne rompit avec Rome. Rome d'Athènes en fleur a récolté le fruit, Beauté, raison, vertu, tous les honneurs de l'homme, Les visages divins qui sortent de ma nuit: Car, Seigneur, je ne sais qui nous êtes. J'ignore Quel est cet Artisan du vivre et du mourir, Au coeur appelé mien quelles ondes sonores Ont dit ou contredit son éternel désir Et je ne comprends rien à l'être de mon être, Tant de Dieux ennemis se le sont disputé! Mes os vont soulever la dalle des ancêtres, Je cherche en y tombant la même vérité. Ecoutez ce besoin de comprendre pour croire! Est-il un sens aux mots que je profère? Est-il, Outre leur labyrinthe, une porte de gloire? Ariane me manque et je n'ai pas son fil. Comment croire, Seigneur, pour une âme que traîne Son obscur appétit des lumières du jour? Seigneur, endormez-la dans votre paix certaine Entre les bras de l'Espérance et de l'Amour. Clairvaux, juin 1950. Charles MAURRAS, "Oeuvres capitales", tome IV, "Le berceau et les muses", Paris, Flammarion, 1954, pp. 461-463. |
