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La maçonnerie française se porte bien Imprimer
Auteur : Jean KINZLER
Sujet : La maçonnerie française se porte bien
Date : 2003-06-19 18:08:22

Les francs-maçons : «La maçonnerie française se porte bien parce qu'elle est diverse» -le figaro-19/6/2003
Société initiatique – «secrète» pour le profane, plus simplement «discrète» selon ses adeptes –, la franc-maçonnerie française n'en sera pas moins sous les projecteurs lundi prochain, pour l'ouverture des cérémonies organisées à l'occasion de son 275e anniversaire. Les obédiences seront ce jour-là reçues par le premier ministre, puis par le président de la République. Depuis bientôt trois siècles, en effet, les francs-maçons n'ont cessé d'être présents dans l'histoire de notre pays, à travers ses institutions, à travers ses lois. Ils sont sans doute loin d'avoir retrouvé la force qui fut la leur sous la IIIe République, mais jamais ils n'ont abandonné les allées du pouvoir. Au gouvernement, souvent, mais plus encore dans les cabinets ministériels et dans la haute administration. Dans l'histoire récente, ils sont intervenus notamment dans le règlement de la guerre civile en Nouvelle-Calédonie. Au Parlement, ils facilitent régulièrement l'émergence de lois libérales en matière de mœurs (la contraception, l'IVG), et progressistes en matière de protection sociale (le RMI). On les a, en revanche, retrouvés dans nombre d'affaires qui ont défrayé la chronique de la Ve République. De tout cela, Alain Bauer, grand maître du Grand Orient de France, Michel Barat, grand maître de la Grande Loge de France, Jean Murat, représentant Jean-Charles Foellner, grand maître de la Grande Loge nationale française, Sylvia Graz, grande maîtresse du Droit humain, et Marie-France Picart, grande maîtresse de la Grande Loge féminine de France, ont accepté de parler sans faux-semblants. Et c'est au grand jour qu'ils prennent position sur le très actuel problème du port du voile à l'école. Alors que Jean-Pierre Raffarin et un certain nombre de dirigeants de l'UMP penchent aujourd'hui, selon Le Monde, en faveur d'une législation spécifique, les francs-maçons rappellent le principe de la laïcité et refusent, unanimement, toute idée de loi sur le sujet. «Les textes existent, disent-ils, il suffit de les appliquer.»
Propos recueillis par Alexis Brézet et Patrice Burnat
[19 juin 2003]



LE FIGARO. – Vous fêtez le 275e anniversaire de la fondation en France de l'ordre de la franc-maçonnerie. Qu'a à dire la franc-maçonnerie à la société française aujourd'hui?
Alain BAUER. – Son message est le même qu'il y a deux cent soixante-quinze ans: la franc-maçonnerie est un lieu où l'on peut parler de tout, être respecté, ne pas être interrompu, débattre sans violence, sans index, sans interdit. Ce message est plus que jamais d'actualité.
Michel BARAT. – Si l'on va au fond des choses, les questions qui se posent à nous aujourd'hui ne sont pas très différentes de celles qui se posaient au XVIIIe siècle. Nous continuons de penser et de dire qu'une république de l'esprit est encore possible.

Vous êtes cinq autour de cette table. En quoi vous différenciez-vous?
Sylvia GRAZ. – Ce qui nous distingue, c'est le fonctionnement interne de nos obédiences. Elles ont chacune leur règlement spécifique. Mais elles ont en commun un socle identique: le respect des valeurs de la franc-maçonnerie.
Marie-France PICART. – Nous avons, quant à nous, choisi de nous réunir entre femmes. Cette spécificité fonde notre originalité, mais il est clair que nous partageons, tous et toutes, une même méthode.
Jean MURAT. – Je dirais quand même que la Grande loge nationale française exprime une vraie différence. Première de nos obligations, la croyance en Dieu, grand architecte de l'univers, nous amène à une méthodologie différente. Alors que d'autres sont dans le concret, l'immédiat, nous nous inscrivons dans un système de formation personnelle, avec une connotation métaphysique qui nous permet une espérance.

Nous sommes assez loin des questions d'organisation...
Alain BAUER. – Sans doute, mais notre diversité permet la liberté. Nous sommes dans la même situation que le lecteur devant le kiosque à journaux. S'il n'y a qu'un seul journal, aussi bon soit-il, il n'aura pas la liberté de choisir.
Michel BARAT. – Entièrement d'accord. L'uniformité est mortifère. Si la maçonnerie française se porte bien, à la différence des maçonneries anglo-saxonnes, c'est parce qu'elle est diverse. Neuf obédiences sont installées, depuis longtemps, dans un espace français. Je suis heureux que, la GLNF ayant décidé de s'inscrire dans ce paysage, nous soyons dix pour fêter ce 275e anniversaire.

A cette occasion, les francs-maçons vont être reçus par Jacques Chirac et par les plus hautes autorités de la République. Est-ce le signe d'un engagement accru dans la sphère politique?
Sylvia GRAZ. – Tout dépend de quelle politique on veut parler. La politique au sens noble, citoyen, oui, mais pour ce qui concerne «l'autre politique», le Droit humain n'a pas vocation à s'engager dans celle-là.
Jean MURAT. – A la GLNF, nous nous sentons tous impliqués dans la vie politique et sociale française, mais nous nous engageons à travers une formation symbolique et non pas en discutant directement de sujets de société, qui ne peuvent que provoquer des fâcheries. Si l'on parle de politique en loge, on a plus de chance de s'opposer que d'aboutir à un consensus.
Michel BARAT. – La maçonnerie a été l'Église de la République. Ensuite, la République a eu peur des maçons. Elle a essayé de tuer le père. Aujourd'hui, nous sommes totalement laïques et nous voulons la séparation de la maçonnerie et de l'État. L'attention que l'on nous accorde montre que nous ne sommes pas seulement la mauvaise conscience de la République, mais que nous pouvons être sa bonne conscience.

Peut-on dire que les francs-maçons continuent d'inspirer les lois de la République?
Alain BAUER. – Avant la deuxième guerre mondiale, 60 % des hommes politiques français étaient maçons. Ils allaient dans leur loge et y trouvaient quelques bonnes idées. Le lendemain, ils se retrouvaient au Parlement, qui adoptait l'idée. Ces temps-là ne sont plus. Aujourd'hui, nous sommes dans une démarche de conviction. Quand nous affirmons que la liberté de la recherche est un enjeu majeur et que le législateur nous donne raison, c'est que, sur un point précis, à un moment donné, une sorte de relation particulière s'est établie entre l'opinion et les maçons. Nous sommes devenus la boîte à outils de la République.
Jean MURAT. – Au fond, c'est moins la maçonnerie qui est influente que les maçons.

Parmi vos grands thèmes de réflexion, quels sont ceux qui, demain, peuvent aboutir à des transformations sociales?
Marie-France PICART. – Nous réfléchissons beaucoup sur l'égalité hommes-femmes, l'évolution du statut des femmes et de la vie des femmes, mais aussi des enfants. Mais chaque maçon ou maçonne est libre d'avoir ou non un engagement personnel dans la société. Nul n'est obligé d'avoir une action de groupe. C'est plutôt un travail d'obédience.
Michel BARAT. – Nos travaux concernent surtout le domaine de la science. Aujourd'hui, nous vivons une régression sociale: la haine de la raison nourrit la haine de la science. Résultat: la liberté de la recherche est remise en cause. Si l'on en arrive, par exemple, à interdire le clonage, c'est un bond de géant en arrière. Au XIIIe siècle, on condamnait les médecins qui procédaient à des dissections. Les terreurs religieuses sont toujours là.
Sylvia GRAZ. – Je serais plus nuancée. Il y a derrière ces questions des choix de société, mais aussi des choix d'humanité. Jadis, tout ce qui relevait de la science concourait à l'amélioration de la vie des gens; aujourd'hui, nous ne sommes plus sûrs de rien.
Alain BAUER. – Le débat a été tranché par Newton, scientifique rationaliste, théologien hérétique, expérimentateur au service du progrès scientifique. La franc-maçonnerie est née de la recherche et du savoir. On ne peut restreindre la liberté de la recherche fondamentale, parce que la franc-maçonnerie, c'est la liberté. Mais nous ne pouvons pas non plus accepter le clonage reproductif, qui est la négation même de l'humanité. C'est pourquoi le compromis auquel nous avons abouti avec le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, me paraît bon: l'expérimentation ouverte sur une période de cinq ans, renouvelable de manière automatique, évitera aux scientifiques qui veulent apporter une réponse à ceux qui souffrent, qui meurent, ou qui ne peuvent pas avoir d'enfants, de perdre plusieurs dizaines d'années.

Vous travaillez aussi sur les questions de l'euthanasie et de la mort volontaire...
Marie-France PICART. – Nous avons tenu un colloque en mars sur le thème «Mourir dans la dignité»: 50% de nos membres pensent qu'il faut donner à cette question un cadre légal, tandis que l'autre moitié estime qu'il faut laisser la question à la libre appréciation de la personne.
Alain BAUER. – Dans une loge, tous les adhérents ne sont pas d'accord, évidemment. Mais, à force d'en discuter, nous sommes parvenus à une position commune. Plutôt que de nous interroger sur le droit de vivre ou de mourir dans la dignité, nous nous sommes demandé si c'est le corps qui est sacré ou si c'est la volonté. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il faut permettre la libre expression de la volonté.

Êtes-vous partisans d'une loi pour permettre cette expression?
Jean MURAT. – Le point, pour nous, n'est pas tranché. Nous sommes dans une phase de préparation. C'est en fonction de la formation et de l'éthique de chacun que va émerger, un jour, la bonne solution qui sera acceptée par tous. Il y faudra du temps.
Marie-France PICART. – Et mener un débat de société authentique et courageux, en pleine clarté!
Sylvia GRAZ. – N'oubliez pas que le temps maçonnique n'a rien à voir avec le temps profane. Il faut un long, très long travail en loge avant qu'émergent des solutions ou des propositions. C'est ainsi que, sur un certain nombre de questions sociales, nous donnons le sentiment d'être soit en retard, soit en avance sur notre temps.
Alain BAUER. – Prenez la laïcité: voilà cinquante ans que ce thème nous faisait passer pour des ringards. Depuis deux ans, c'est devenu un sujet à la mode. Pourquoi? Parce que nous sommes entrés dans l'ère des régressions et des crispations religieuses. La France reste un des rares pays laïques face à une superpuissance américaine qui ne l'est pas. Nous voyons, dans le monde entier, se développer les affrontements religieux. Notre frère de la GNLF a raison: là où il y a de la religion, il y a dispute. La meilleure manière d'éviter la dispute et la guerre, c'est d'être dans une structure laïque.




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