 | Episode 2 : "Jeux de mains..." |
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| Auteur : Tintin |
| Sujet : Episode 2 : "Jeux de mains..." |
| Date : 2003-01-30 22:14:10 |
Après un nouveau chant, la foule en délire entame un « Alléluia Amen » enthousiaste (c’est vrai que ça sonne mieux que « louez le seigneur okay »). Je mêle ma voix à la masse sonore. Qu’est-ce qu’on s’éclate, ici ! Vive Jésus ! ça ne vaut certes pas les chanteurs et guitares des groupes baroqueux « Harp Consort » (élégant) et « Al Ayre Espanol » (bouillonnant), mais nous sommes ici entre amateurs, et à défaut de grives… Le chant se terminant, un homme quitte sa place et s’agenouille sur les marches du podium. Que se passe-t-il donc ? Une dame lui met une main sur l’épaule. Une autre personne met une main sur l’épaule de la dame. Et ainsi de suite. Environ une vingtaine de personnes jouent ainsi au « train-train » à l’arrêt. L’homme se relève et le train-train se disloque ; il prend à son tour la parole et le micro de l’ambon. Il saisit un gros livre, qu’il ouvre. Il lit un passage de l’Evangile, et comme par hasard, c’est justement Mc 4 : 13-20, (la fin de) l’Evangile du jour (la parabole du semeur). Il retourne à sa place. Silence. On a distribué des livres dans l’assemblée. On médite l’Evangile. Mais les microphéraires veillent. Et après quelques minutes, voilà qu’un premier exalté réclame le crachoir : « merci Seigneur, sois béni ! nous avons entendu l’Evangile ce soir qui était celui de ce matin ! ». Ben voyons ! Effectivement, c’est merveilleux, merci Seigneur ! Et un autre de supplier le Seigneur d’ôter les ronces et les épines de son cœur. Et un autre de pleurer parce que x a perdu son chien ; soutiens-nous dans nos épreuves, Seigneur. Les silences et les prières privées proférées au micro s’alternent. Les minutes passent, ma chaise en plastique devient de plus en plus inconfortable. Ne peut-on pas porter nos prières privées chez soi, est-il indispensable d’être ici rassemblés pour cela ? Mais je reste. Après tout, si j’ai réussi à rester 24 heures dans un bus lors d’un voyage il y a quelques années, pourquoi ne tiendrais-je pas le coup ici juste une soirée ? J’oublie ma crampe naissance et les autres illuminés et je prie en silence, méditant une autre prière concluant l’homélie entendue à la Messe deux heures plus tôt : « Seigneur, laboure notre cœur ». Un homme prend à son tour la parole et le micro de l’ambon. « Prions pour l’Église… », à quoi l’assemblée (dont moi bien sûr) répond « Kyrie eleison ». Le tout chanté, style orthodoxe russe du plus bel effet. Tiens, c’est bien joli, ça, Athanasios pourrait s’en inspirer pour la prière universelle à sa Messe de mariage !…  Du mouvement à côté de l’autel. Trois hommes, deux vieillards et un jeune Africain, enfilent une aube et mettent une étole sacerdotale. Des Prêtres ! et en habit liturgique ! À quelle action liturgique allons-nous assister ? Pas une adoration du Saint-Sacrement : il n’est manifestement pas présent (aucun respect particulier et veilleuse éteinte) et il n’y a pas de chape, donc pas de Vêpres non plus. Une Messe va-t-elle commencer ? Passé neuf heures du soir ? Et où sont les chasubles ? Les prêtres montent à l’autel sans plus de cérémonie. Pas de procession d’entrée. Pas de Messe donc. Mais que font-ils sur le podium, autour de l’autel, en habit liturgique ?!? Un sacrement collectif de réconciliation ? Je pensais que c’était interdit. Ce doit être autre chose. Que vont-ils encore inventer ? Ils sont fous ces charismatiques. Des paniers circulent dans l’allée centrale et sont posés devant l’autel. De temps en temps, un laïc quitte sa place et vient y jeter quelque menu objet. Le Prêtre barbu aux cheveux blancs soulève un des récipients en terre cuite qui se trouvent sur l'autel et dit au micro : « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain… ». GLP ! ça ressemble à un offertoire, ça ! Et en effet, il saisit un autre récipient, avec lequel il verse quelques gouttes de liquide dans les 4-5 coupes disposées sur l’autel : « Comme cette eau… ». Je regarde le grand crucifix qui pend du plafond : que se passe-t-il ? expliquez-moi ! Déjà, l’assemblée entonne un joyeux « Dieu trois fois saint… ». Quoi, quoi ? Est-ce un Sanctus ? J’entends le Prêtre prononcer « Seigneur, nous te prions ; sanctifie ces offrandes… » ! Ceci est bien une Messe, Tintin, t’en doutais-tu donc* ? Je tombe à genoux, et l’assemblée avec moi. Tous sauf moi se relèvent à une espèce de « Mysterium fidei ». Tous sauf moi récitent ensemble la doxologie finale. Je réponds par un « Amen » peu convaincant. Le célébrant principal (puisqu’on assiste apparemment à une Messe concélébrée) introduit le Pater. Je me relève. Il faut se tenir la main. Soit. Nous chantons tous le « Notre Père de Rimsky » bien connu : je ne sais pas si c’est Rimsky Korsakoff qui a composé la musique, mais j’aime bien. Je me remets un peu. Le Notre Père terminé, je veux lâcher les mains de mes voisins, mais ils me retiennent : ce n’est pas fini. Hein, quoi ? On récite quelque chose encore. Que se passe-t-il ? Le « Onze Vader » (Notre père en néerlandais) s’affiche sur l’écran. Ach zo ! D’accord. Dommage qu’il ne soit pas chanté, je connais une belle mélodie, celle que j’ai apprise au collège, ils ne connaissent peut-être pas. Bon, et maintenant en latin ?! Non, c’est fini, on lâche les mains et on revient à sa place. « Je vous laisse la paix, je vous donne la paix…», continue le célébrant principal. Amen, répondons-nous. Silence tendu. Le célébrant principal rit et demande au micro : « alors, je le dis ? » « Oui ! oui !! OUIIIII !!!!!!! », répond l’assemblée, amusée par cette bonne blague. Le célébrant principal se laisse cependant … prier. Puis il finit par céder à la pression : « Sœurs et frères, dans la charité du Christ, donnez-vous la paix ! ». Je transmets poliment et sobrement la paix à mes voisins directs, et retrouve les mêmes mains que je viens de lâcher. Une dame insiste pour que je me penche, afin de franchir la rangée de chaises nous séparant « sinon ça n’ira pas, hein ! ». Certes, certes… Voilà qui est fait. Passons à la suite. La suite se fait attendre : les trois prêtres sont descendus de l’autel pour aller saluer leurs copains dans l’assemblée. D’autres fidèles laïcs sont montés à l’autel pour saluer d’autres copains. Tout le monde doit avoir donné la bise à tout le monde, dans une joyeuse effervescence. Je mords sur ma chique, lève les yeux vers le crucifix, soupire profondément et attends patiemment la fin du « rite de paix ». La salle est bien chauffée. On étouffe même, je suffoque. On sort un autre chant. « Shalom » machin, je connais vaguement, ce n’est pas moche, mais n’ai plus le cœur à chanter. Trois laïcs montent à l’autel pour communier avec les Prêtres. Tous les six descendent, un « calice » en main, et se disposent devant les marches du podium. La procession des communiants se forme. On communie debout dans la main, puis on continue sa marche vers l’autel, où l’on se sert soi-même d’une coupe. Après l’avoir essuyée, on revient à sa place. On peut, et c’est même recommandé, faire en retournant un clin d’oeil à Jean-Charles ou Madeleine qui va chercher sa ration. Je reste à ma place, priant le Seigneur pour qu’il pardonne à ceux qui ne savent pas ce qu’ils font. Prière après la communion. Je me lève évidemment. Tous les autres restent assis. Ah bon. Pas grave, ils me rejoindront au « Dominus vobiscum ! ». Mais il ne vient pas de « Dominus vobiscum ». Une Dame prend à son tour parole et micro de l’ambon (OK, j’ai compris, je me rassieds…), pour informer ceux et ceussent qui ne le savent pas encore que Nathalie va mieux, qu’elle a été transférée à un hôpital plus proche et (surtout) qu’elle sait à nouveau parler au téléphone. Béni sois-tu Seigneur !! Attention: la semaine prochaine, le programme est spécial parce que… Il faut des volontaires pour aider à la préparation de … Merci pour l’info. Et le concert de musique baroque, avec le clavecin, c’est quand alors ? Non, on n’en dira rien ce soir-là. Tant pis, je regarderai les affiches, elles sont là pour ça, après tout. Tout le monde finit par se lever quand même pour un rite de conclusion : P. « Bonne soirée à tous ! » R. Merci ! c’est ça, merci. Je salue une très vague connaissance que j’ai repérée (un membre du groupe instrumental) et lui explique que je n’avais pas compris, avant l’offertoire, que j’assistais à une Messe. Pour la glossolalie, j’explique que c’est pas mal, ces impros sur un mode donné. C’est comme la musique classique contemporaine, disé-je, quand il faut jouer, pendant une période déterminée, des notes données d’avance dans un rythme et un ordre aléatoire. Réaction scandalisée : ce n’est pas comme ça que nous chantons en langues, c’est l’Esprit Saint qui nous fait agir. Bon, soit, bonne soirée et au revoir ! Je récupère mon Brompton et m’enfuis au plus vite. Je passe heureusement entre deux averses et arrive sain(t) et sauf chez moi. Avec ça, j’ai oublié de regarder quand était le concert de musique baroque… T (-rex) * admirez le genre d’allitération dont est capable le Saint Esprit |
