S. Joseph charpentier (1643), par Georges de La Tour (Louvre, Paris)
Le 19 mars
SAINT JOSEPH,
époux de la sainte Vierge Marie
et Patron de lÉglise universelle
I. BRÉVIAIRE ROMAIN (1961)
Premier Nocturne
Du livre de la Genèse
(ch. 39, 1-5) Joseph fut emmené en Égypte.
Putiphar, eunuque de Pharaon et commandant des gardes, un Égyptien,
lacheta aux Ismaélites qui lavaient amené là-bas.
Or, le Seigneur assista Joseph à qui tout réussit,
et il resta dans la maison de son maître, lÉgyptien.
Son maître vit que le Seigneur lassistait
et faisait réussir entre ses mains tout ce quil entreprenait.
Joseph trouva faveur à ses yeux:
il fut attaché au service du maître, qui linstitua son majordome
et lui confia tout ce qui lui appartenait.
Et, dès quil leut mis en charge de sa maison et de tout ce qui lui appartenait,
le Seigneur bénit la maison de lÉgyptien, en considération de Joseph.
(ch. 41, 37-40) Le discours de Joseph plut à Pharaon
et à tous ses officiers et Pharaon dit à ses officiers:
«Trouverons-nous un homme comme celui-ci, en qui soit lesprit de Dieu?»
Alors Pharaon dit à Joseph: «Après que Dieu ta fait connaître tout cela,
il ny a personne dintelligent et de sage comme toi.
Cest toi qui seras mon maître du palais
et tout mon peuple se conformera à tes ordres,
je ne te dépasserai que par le trône.»
(ch. 41, 41-44) Pharaon dit à Joseph: «Vois: je tétablis sur tout le pays dÉgypte!»
Et Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph,
il le revêtit dhabits de linon et lui passa au cou le collier dor.
Il le fit monter sur le meilleur char quil avait après le sien
et on criait devant lui: «Attention!»
Ainsi fut-il établi sur tout le pays dÉgypte.
Pharaon dit à Joseph: «Je suis Pharaon, mais sans ta permission
personne ne lèvera la main ni le pied dans tout le pays dÉgypte.»
Le Songe de Saint Joseph, par Goya (coll. part.)
Deuxième Nocturne
Sermon de saint Bernard, abbé
(
A la louange de la Vierge Mère 2, 16:
SC 390, 164-167)
Qui, et quel homme fut saint Joseph, imagine-le par le titre,
à nuancer cependant, dont Dieu voulut bien lhonorer
au point quon le dise et le croie père de Dieu.
Imagine-le par son propre nom même,
qui, sans aucun doute, signifie «accroissement».
Souviens-toi aussi de ce grand patriarche jadis vendu en Égypte:
sache que lun na pas seulement reçu le nom de lautre,
mais quil a également obtenu sa chasteté,
et atteint son innocence et sa grâce.
Cependant, ce Joseph-là,
vendu par la haine de ses frères et emmené en Égypte,
préfigura la trahison du Christ.
Ce Joseph-ci, fuyant la haine dHérode, emporta le Christ en Égypte.
Celui-là, fidèle à son maître, na pas voulu sunir à lépouse de son maître ;
celui-ci gardant la continence, a reconnu la virginité de son épouse,
la Mère de son Seigneur,
et la fidèlement protégée.
A lun est donné de connaître les mystères des songes;
à lautre est donné dêtre conscient et participant des mystères célestes.
Celui-là a gardé le blé, non pour lui-même, mais pour tout le peuple:
celui-ci a reçu en garde tant pour lui-même
que pour le monde entier, le Pain vivant du Ciel.
Il ny a pas de doute quil ne fut un homme bon et fidèle,
ce Joseph, fiancé à la Mère du Sauveur.
Serviteur fidèle et prudent, dis-je,
que le Seigneur a établi comme soutien de sa Mère,
comme nourricier de sa propre chair,
et, en définitive, comme seul collaborateur très fidèle
de son grand dessein sur le monde.
Le mariage de la sainte Vierge (1504), par Raphaël (Pinacothèque de Brera)
Troisième Nocturne
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu
(1, 18-21; version du
Lectionnaire de 1964-65)
Marie, mère de Jésus, était alors fiancée à Joseph;
et avant quil aient habité ensemble,
elle se trouva enceinte par laction de lEsprit-Saint.
Joseph, son époux, qui était un homme juste
et ne voulait pas la dénoncer,
résolut de la renvoyer secrètement.
Comme il y pensait,
voici que lAnge du Seigneur lui apparut en songe
et lui dit: «Joseph, fils de David,
ne craint pas de prendre chez toi Marie ton épouse,
car ce qui a été engendré en elle vient de lEsprit-Saint.
Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus,
car cest lui qui sauvera son peuple de ses péchés.»
Mort de saint Joseph, par Jacques Stella (Musée des Beaux-Arts de Grenoble)
Homélie saint Jérôme, prêtre
(
Commentaire sur s. Matthieu I, 1, 18-19:
SC 242, 76-79)
Pourquoi nest-ce pas une simple vierge, mais une fiancée qui conçoit?
Dabord pour montrer par la généalogie de Joseph lorigine de Marie;
en second lieu de peur quelle ne soit lapidée par les Juifs comme adultère;
en troisième lieu pour quelle ait le soutien dun époux lors de la fuite en Égypte.
Le martyr Ignace ajoute un quatrième motif qui explique pourquoi une fiancée a conçu:
cest, dit-il, pour cacher au démon le mystère de cet enfantement,
pour quil croie lenfant né dune épouse et non dune vierge.
«Avant quils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte
par laction de lEsprit-Saint.»
Personne ne le découvre, si ce nest Joseph;
il lui était permis presque comme à un époux
de connaître tout de sa future épouse.
Quand il est dit: «Avant quils aient habité ensemble»,
il ne sensuit pas quils se soient unis plus tard.
LÉcriture indique simplement ce qui ne sest pas produit.
«Joseph, son époux, qui était un homme juste
et ne voulait pas la dénoncer résolut de la renvoyer secrètement.»
Si quelquun sunit à une adultère, il nest avec elle quun seul corps;
et il est marqué dans la loi que sont coupables de péché
non seulement ceux qui ont commis des fautes,
mais aussi ceux qui sont de connivence.
Comment peut-on écrire que Joseph est juste
alors quil cache la faute de son épouse?
Mais cest un témoignage en faveur de Marie:
Joseph qui connaît sa chasteté et sétonne de ce qui arrive,
couvre de son silence ce dont il ignore le mystère.
Ajout, dans le bréviaire monastique
(
Ib. , n° 20:
SC 242, 78-81)
«Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse.»
Nous lavons déjà dit précédemment, aux fiancées on donne le nom dépouses;
cest ce quenseigne plus au long notre livre contre Helvidius.
Et en outre lange sadresse à Joseph durant son sommeil, en termes affectueux,
ainsi, il approuve entièrement le bien-fondé de son silence.
En même temps, il faut le noter, Joseph est appelé fils de David;
de la sorte, Marie est présentée comme étant aussi de la race de David.
Annonce à Joseph (église N.-D. de la Croix de Ménilmontant, Paris)
H Y M N E S
(Cardinal Giacomo Casanate, bibliothécaire de la Ste Église [Naples 1620 - Rome 1700])
A Matines
Cǽlitum, Joseph, decus atque nostræ
certa spes vitæ columénque mundi,
quas tibi læti cánimus, benígnus
súscipe laudes.
O Joseph, gloire des habitants des cieux et sûr espoir de notre vie,
colonne du monde,
reçois avec bienveillance
les louanges que, joyeux, nous te chantons.
Te Sator rerum státuit pudícæ
Vírginis sponsum, voluítque Verbi
te patrem dici, dedit et minístrum
esse salútis.
Cest toi que lAuteur du monde a choisi pour épouse de la Vierge très pure;
il a voulu quon te nomme le père du Verbe
et il ta donné dêtre
le ministre du salut.
Tu Redemptórem stábulo jacéntem,
quem chorus Vatum cécinit futúrum,
áspicis gaudens, humilísque natum
Numen adóras.
Le Rédempteur couché dans une étable,
dont le chur des Prophètes a chanté la venue,
tu le contemples avec joie, et tu adores humblement
ce Dieu qui vient de naître.
Rex Deus regum, Dominátor orbis,
cujus ad nutum tremit inferórum
turba, cui pronus famulátur æther,
se tibi subdit.
Le Roi, Dieu des rois, Maître du monde,
qui dun signe fait trembler les légions infernales,
et que le ciel sert en sinclinant,
se soumet à toi.
Laus sit excélsæ Tríadi perénnis,
quæ tibi præbens súperos honóres,
det tuis nobis méritis beátæ
gáudia vitæ. Amen.
Louange éternelle soit à la très haute Trinité;
quen te déférant de sublimes honneurs,
elle nous donne par tes mérites
les joies de la vie bienheureuse. Amen.
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Joseph charpentier (église N.-D. de la Croix de Ménilmontant, Paris)
A Laudes
Iste, quem læti cólimus, fidéles,
cujus excélsos cánimus triúmphos,
hac die Joseph méruit perénnis
gáudia vitæ.
Celui que joyeux nous fêtons, nous, les fidèles,
celui dont nous chantons les célestes triomphes,
Joseph, en ce jour a mérité
les joies de léternelle vie.
O nimis felix, nimis o beátus,
cujus extrémam vígiles ad horam
Christus et Virgo simul astitérunt
ore seréno.
O trop fortuné, trop heureux,
celui quà sa dernière heure,
le Christ et la Vierge veillèrent ensemble
le visage serein.
Hinc stygis victor, láqueo solútus
carnis, ad sedes plácido sopóre
migrat ætérnas, rutilísque cingit
témpora sertis.
Vainqueur de lenfer, libéré du lien de la chair,
dun paisible sommeil il passe à léternel séjour
et ceint son front
dun diadème éclatant.
Ergo regnántem flagitémus omnes,
adsit ut nobis, veniámque nostris
óbtinens culpis, tríbuat supérnæ
múnera pacis.
Maintenant quil règne,
supplions-le de nous aider;
quil nous obtienne le pardon de nos fautes
et nous procure les biens de léternelle paix.
Sint tibi plausus, tibi sint honóres,
trine, qui regnas Deus, et corónas
áureas servo tríbuis fidéli
omne per ævum. Amen.
A vous les applaudissements,
à vous les honneurs, ô Dieu trine,
qui régnez et qui accordez des couronnes dor
pour toujours au serviteur fidèle. Amen.
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La mort de s. Joseph (église N.-D. de la Croix de Ménilmontant, Paris)
A Vêpres
Te, Joseph, célebrent ágmina cǽlitum,
te cuncti résonent christíadum chori,
qui, clarus méritis, junctus es ínclitæ
casto fdere Vírgini.
Que les phalanges célestes te célèbrent, ô Joseph,
quils te chantent tous les churs des anges,
toi, qui, brillant de mérites,
fus uni par une chaste alliance à lillustre Vierge.
Almo cum túmidam gérmine cónjugem
admírans, dúbio tángeris ánxius,
afflátu súperi Fláminis Angelus
concéptum Púerum docet.
Quand le germe béni gonfle le sein de ton épouse,
tu tétonnes, un doute angoissant te saisit;
mais un Ange tapprend que lenfant fut conçu
par le souffle venu den-haut.
Tu natum Dóminum stringis, ad éxteras
Ægýpti prófugum tu séqueris plagas;
amíssum Sólymis quæris, et ínvenis,
miscens gáudia flétibus.
Tu presses dans tes bras le Seigneur nouveau-né,
tu le suis fugitif sur les plages dÉgypte;
perdu dans Jérusalem, tu le cherches et le trouves,
mêlant des joies à tes larmes.
Post mortem réliquos sors pia cónsecrat
palmámque eméritos glória súscipit;
tu vivens, Súperis par, frúeris Deo,
mira sorte beátior.
Ce nest quaprès la mort que les autres humains voient fixer leur sort bienheureux:
la gloire accueille alors ceux qui méritent la palme;
toi, cest de ton vivant, quégal à ceux den-haut,
par un destin plus merveilleux encore, tu jouis de Dieu.
Nobis, summa Trias, parce precántibus;
da Joseph méritis sídera scándere;
ut tandem líceat nos tibi pérpetim
gratum prómere cánticum. Amen.
A nous qui te prions pardonne, ô suprême Trinité;
par les mérites de Joseph, fais-nous monter aux cieux,
pour quil nous soit permis enfin
de redire à jamais le chant de notre gratitude. Amen.
Oratoire Saint-Joseph, Montréal (chapelle votive, bas-relief de Guardo)
II. LITURGIE DES HEURES (1971)
Sermon de saint Bernardin de Sienne
(
Homélie sur saint Joseph, n. 2:
Opera omnia 7, 16.27-30)
Joseph, gardien fidèle
Cest une loi générale, dans la communication de grâces particulières à une créature raisonnable: lorsque la bonté divine choisit quelquun pour une grâce singulière ou pour un état sublime, elle lui donne tous les charismes nécessaires à sa personne ainsi quà sa fonction, et qui augmentent fortement sa beauté spirituelle.
Cela sest tout à fait vérifié chez saint Joseph, père présumé de notre Seigneur Jésus Christ, et véritable époux de la Reine du monde et Souveraine des anges. Le Père éternel la choisi pour être le nourricier et le gardien fidèle de ses principaux trésors, cest-à-dire de son Fils et de son épouse; fonction quil a remplie très fidèlement. Cest pourquoi le Seigneur a dit:
Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître.
Si tu compares Joseph à tout le reste de dÉglise du Christ, nest-il pas lhomme particulièrement choisi, par lequel et sous le couvert duquel le Christ est entré dans le monde de façon régulière et honorable? Si donc toute la sainte Église est débitrice envers la Vierge Marie parce que cest par elle quelle a pu recevoir le Christ, après elle, cest à saint Joseph quelle doit une reconnaissance et un respect sans pareil.
Il est en effet la conclusion de lAncien Testament: cest en lui que la dignité des patriarches et des prophètes reçoit le fruit promis. Lui seul a possédé en réalité ce que la bonté divine leur avait promis.
Certes, il ne faut pas en douter: lintimité, le respect, la très haute dignité que le Christ pendant sa vie humaine portait à Joseph, comme un fils à légard de son père, il na pas renié tout cela au ciel, il la plutôt enrichi et achevé.
Aussi le Seigneur ajoute-t-il bien:
Entre dans la joie de ton maître. Bien que la joie de léternelle béatitude entre dans le cur, le Seigneur a préféré dire:
Entre dans la joie de ton maître, pour faire comprendre mystérieusement que cette joie ne sera pas seulement en lui, mais quelle lenveloppera et labsorbera de tous côtés, quelle le submergera comme un abîme infini.
Souviens-toi de nous, bienheureux Joseph, intercède par le secours de ta prière auprès de ton Fils présumé; rends-nous propice également la bienheureuse Vierge, ton épouse, car elle est la mère de celui qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne pour les siècles sans fin. Amen.</