MARDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME
Suite du saint Evangile selon saint Matthieu (21,10-17)
En ce temps-là, quand Jésus fut entré dans Jérusalem, toute la ville fut émue, et disait: «Quel est celui-ci?» Et le peuple disait: «Cest Jésus, le prophète de Nazareth en Galilée.» Jésus entra dans le temple de Dieu, et il chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple, et il renversa les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient des colombes. Et il leur dit: «Il est écrit:
Ma maison sera appelée une maison de prière; mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs.» Alors des aveugles et des boiteux sapprochèrent de lui dans le temple, et il les guérit. Mais les princes des prêtres et les scribes, voyant les merveilles quil avait faites, et les enfants qui criaient dans le temple, et qui disaient: «Hosanna au Fils de David!» sindignèrent, et ils lui dirent: «Entendez-vous ce quils disent?» Jésus leur dit: «Oui. Navez-vous jamais lu cette parole:
De la bouche des enfants, et de ceux qui sont à la mamelle, vous avez tirez une louange parfaite?» Et les ayant laissés, il sen alla hors de la ville, à Béthanie, où il demeura.
Homélie de saint Bède le Vénérable, prêtre (
In Marc., 3, 11;
PL 92, 245-246)
En chassant du Temple les trafiquants, le Seigneur exprima en plus clair cela même quil avait fait naguère symboliquement par la malédiction du figuier sans fruit. Or, ce nétait pas la faute de larbre sil navait pas de figues pour rassasier le Seigneur: la saison nen était pas encore venue. Mais les prêtres qui sadonnaient au commerce profane dans la Maison du Seigneur et se dispensaient de porter le fruit de piété qui leur incombait, et que le Seigneur désirait goûter en eux, ceux-là étaient bien en faute. Le Seigneur dessécha larbre par sa malédiction; ainsi les hommes, voyant le fait, ou lapprenant, comprendraient combien plus ils seraient eux-mêmes condamnables au jugement divin si, sans le fruit des uvres, ils se berçaient seulement aux applaudissements récoltés par leurs pieuses paroles comme au bruissement et à la protection dun verdoyant feuillage.
Mais parce quils nont pas compris, le Seigneur exerça sur eux la rigueur dun châtiment mérité. Il rejeta le trafic des affaires humaines hors de cette maison où il avait été ordonné de ne traiter que les affaires divines: offrir à Dieu des victimes et des prières; lire, entendre, et chanter la Parole de Dieu. Il est néanmoins à croire quil ne vit vendre ou acheter dans le Temple que le nécessaire pour le service de ce Temple, selon le récit que nous lisons ailleurs: Quand il entra dans le Temple, «il y trouva les marchands de bufs, de brebis et de colombes.» (
Jn 2, 14) Probablement, en effet, les gens qui venaient de loin se procuraient sur place tout cela, uniquement pour loffrir dans la Maison du Seigneur.
Même ce quil désirait voir offrir dans le Temple si le Seigneur na pas voulu le laisser vendre dans le Temple probablement à cause du penchant à lavarice et à la fraude, qui est habituellement le délit propre aux commerçants, quel châtiment, penses-tu, aurait-il infligé sil y avait trouvé des gens se livrant au rire et au bavardage, ou sadonnant à quelque autre vice? Car si le Seigneur ne supportait pas que lon traite dans sa Maison des affaires temporelles qui sont légitimes ailleurs, combien plus ce qui nest jamais permis méritera-t-il la colère divine si cela se passe dans les édifices consacrés à Dieu? Mais, puisque le Saint-Esprit est apparu en forme de colombe au-dessus du Seigneur, cest à juste titre que les charismes de lEsprit-Saint sont signifiés par les colombes. Or, dans le Temple de Dieu aujourdhui, qui vend des colombes sinon ceux qui dans lEglise reçoivent de largent pour limposition des mains? Par cette imposition, en effet, le Saint-Esprit est donné den-haut.