Bonsoir Aigle,

1. A mon sens, le spécifique de la critique chrétienne des Droits de l'Homme est à peu près le suivant :

- d'une part, elle n'est jamais ni à la mode, ni démodée, y compris au sein même de l'Eglise,

- d'autre part, elle met en avant la distinction entre les Droits de l'homme, d'une part, et les véritables droits fondamentaux de la personne humaine, d'autre part, (par exemple, la personne humaine a droit à la liberté subjective, mais elle a également droit à la vérité objective, en matière religieuse)

- enfin, elle s'attache à préciser ou à rappeler que l'on ne combat pas des inégalités, juridico-politiques, matérielles (économiques), culturelles (éducatives), au moyen d'une entreprise de falsification, menée par l'Etat et / ou par les entreprises, entreprise de falsification

- qui entend faire oublier, par les gouvernés, les origines et les conséquences des inégalités réelles,

- qui entend faire croire aux gouvernés que ces inégalités réelles, lesquelles ne sont pas toutes illégitimes, sont d'autant plus acceptables, excusables, oubliables ou pardonnables, que sont accordées, en échange de leur passivité ou de leur résignation, toujours plus d'égalités formelles.

2. J'allais "oublier" le plus important :

- d'une part, la critique chrétienne des Droits de l'Homme se doit d'être exemplaire, sur le plan du sens chrétien du respect dû à la loi divine et du sens chrétien du respect dû à la personne humaine ;

- d'autre part, cette critique chrétienne des Droits de l'Homme se doit de placer, en amont et en surplomb, par rapport au droit-de-l'hommisme (y compris quand celui-ci est mis en avant par un chrétien), les éléments constitutifs de la Magna Carta du christianisme : le Décalogue, bien sûr, mais aussi les Béatitudes.

3. Les Droits de l'Homme, c'est exact, n'ont pas échappé aux critiques provenant des "maîtres du soupçon" et de leurs disciples : Marx, Nietzsche, Freud, mais la ruse de la raison historique a transformé bon nombre de ces critiques de la tonalité bourgeoise des Droits de l'Homme, dans les années 1960 - 1970, en admirateurs, voire en adorateurs, des Droits de l'Homme, dans les décennies qui ont suivi, alors que les inégalités sont beaucoup plus criantes en 2011 qu'en 1981, pour faire ici référence à une année qui a été marquante, en France.

4. Le chrétien, mais aussi, en un sens, l'honnête homme, se doit de dénoncer l'imposture qui prévaut depuis trente ans, en matière de Droits de l'Homme : on les a utilisés pour créer ou pour recréer de fausses ou de mauvaises réponses à de bonnes et à de vraies questions, telles que la question ethnico-raciale, ou la question éthico-sexuelle, et cela a permis de faire diversion, afin de faire oublier une absence de volonté de traiter la seule question qui ait vraiment du sens, depuis que le monde est monde, en matière temporelle : la question sociale, laquelle se double, notamment dans le contexte français, d'une absence de volonté de traiter, parallèlement et simultanément, la question fiscale.

5. Régis Debray, dans "Le moment Fraternité", a le droit de s'en prendre aux Droits de l'Homme, mais le catholique de base n'a pas, aux yeux de son évêque, le droit moral de le faire, surtout s'il entend le faire, non d'une manière marxienne ou freudienne, mais d'une manière vraiment évangélique, donc sanctificatrice, et non faussement évangélique, donc humanitariste...

Ce raccourci saisissant, que je ne crois pas erroné, en dit assez long, me semble-t-il, sur le fait que la trahison des clercs a commencé le jour où ils ont oublié la saveur et la splendeur de la contestation chrétienne du monde moderne, en général, des Droits de l'Homme, en particulier.

6. Les continuateurs de ces clercs en sont arrivés au point suivant : ils pensent et vivent dans "l'oubli de l'oubli" de la contestation chrétienne de ce que sont vraiment ces Droits de l'Homme, de l'Homme sans Dieu, de l'Homme pensant et vivant sans le seul vrai Dieu.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire ici même, certains d'entre nous, convaincus que les Droits de l'Homme sont pratiquement équivalents aux véritables droits fondamentaux de la personne humaine, auront peut-être un réveil tardif, le jour prochain où l'eugénisme et l'euthanasie seront portés sur l'autel des Droits de l'Homme...

Bonne fin de dimanche, bon début de semaine, et au plaisir de vous relire.

Scrutator.