... devrait-il être nécessairement un radoucissement du "est"?

Pie XII enseigne dans son Encyclique "Mystici Corporis" que l'Eglise catholique "est" (est, en latin) l'unique corps mystique du Christ. Le Concile prend acte que ce verbe "est" manquait de précision dans la mesure où il n'exprime pas le paradoxe des divisions qui ont affecté l'Eglise du Christ. On entend ainsi concilier deux affirmations doctrinales traditionnelles — bien évidemment partagées par Pie XII — mais apparemment contradictoires: d'une part, malgré les divisions entre chrétiens, l'Eglise du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Eglise catholique; d'autre part, des éléments nombreux de sanctification et de vérité qui sont propres à l'Eglise catholique subsistent hors de ses structures, tels la succession apostolique ou les sacrements dans les Eglises séparées qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Eglise catholique.

Lorsqu'il remplace "est" par "subsistit in", le Concile précise donc cette formule de Pie XII — sans la contredire — afin qu'elle concorde mieux avec l'affirmation concernant les éléments ecclésiaux qui sont présents ailleurs (1). Il avait choisi cette expression précisément pour mettre en lumière qu'il existe une seule "subsistance" de la véritable Eglise, alors qu'en dehors de son ensemble visible, existent seulement des "elementa Ecclesiae" qui — étant des éléments de la même Eglise — tendent et conduisent vers l'Eglise catholique. (2)

Mais pourquoi "subsistit in"? Le mot "subsistit" est un terme hérité de la philosophie et de la scolastique. "Subsistere" (subsister) est un cas spécial de "esse" (être). Il en englobe donc le sens, tout en le précisant. En effet, il signifie une façon bien précise d'être, c'est-à-dire être comme un sujet qui existe en soi. Le Concile entendait donc dire que l'être de l'Eglise, en tant que telle, est une entité plus vaste que l'Eglise catholique romaine — comme le prouve suffisamment la présence d'authentiques sacrements hors de sa structure visible —, mais que dans cette dernière, elle acquiert, de manière inégalable, le caractère de véritable sujet. Cela signifie que l'Eglise de Jésus-Christ, comme sujet concret en ce monde, ne peut être rencontrée en plénitude que dans la seule Eglise catholique.


Ath

Articles cités dans cette petite synthèse:
- Dominus Iesus
- Interview du Cardinal Ratzinger sur les difficultés soulevées par "Dominus Iesus"
- L’ecclésiologie de la Constitution conciliaire "Lumen gentium"
- Discours de Mgr Schleck
- Discours du cardinal Kasper

(1) Cf. Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II, vol. III, Periodus Tertia, Pars I, Sessio publica IV, Congregationes Generales LXXX, Sept. 15, 1964, pp. 177.

(2) Cf. À propos du livre « Eglise: charisme et pouvoir » du P. Leonardo Boff. Notification de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi: AAS 77 [1985] 756-762