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JUIN 2001 A JUILLET 2003

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Re : Le jansénisme Imprimer
Auteur : Anonyme (80.11.217.xxx)
Sujet : Re : Le jansénisme
Date : 2003-06-25 00:36:13

L' abbaye de Port-Royal, près de Chevreuse, est
une des plus anciennes abbayes de l' ordre de
Cîteaux. Elle fut fondée, en l' année 1204,
par un saint évêque de Paris, nommé Eudes De
Sully, de la maison des comtes

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de Champagne, proche parent de Philippe-Auguste.
C' est lui dont on voit la tombe en cuivre,
élevée de deux pieds, à l' entrée du choeur de
Notre-Dame de Paris. La fondation n' étoit
que pour douze religieuses ; ainsi ce
monastère ne possédoit pas de fort grands biens.
Ses principaux bienfaiteurs furent les
seigneurs de Montmorency et les comtes de
Montfort. Ils lui firent successivement
plusieurs donations, dont les plus considérables
ont été confirmées par le roi saint Louis,
qui donna aux religieuses sur son domaine
une rente en forme d' aumône, dont elles jouissent
encore aujourd' hui : si bien qu' elles
reconnoissent avec raison ce saint roi pour un de
leurs fondateurs. Le pape Honoré Iii accorda
à cette abbaye de grands priviléges, comme,
entre autres, celui d' y célébrer l' office
divin, quand même tout le pays seroit en
interdit. Il permettoit aussi aux religieuses
de donner retraite à des séculières qui,
étant dégoûtées du monde, et pouvant disposer
de leurs personnes, voudroient se réfugier
dans leur couvent pour y faire pénitence,
sans néanmoins se lier par des voeux. Cette
bulle est de l' année 1223, un peu après le
quatrième concile général de Latran.

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Sur la fin du dernier siècle, ce monastère, comme
beaucoup d' autres, étoit tombé dans un grand
relâchement : la règle de Saint-Benoît
n' y étoit presque plus connue, la clôture même
n' y étoit plus observée, et
l' esprit du siècle en avoit entièrement
banni la régularité. Marie-Angélique
Arnauld, par un usage qui n' étoit que
trop commun en ces temps-là, en fut faite
abbesse, n' ayant pas encore onze ans
accomplis. Elle n' en avoit que huit
lorsqu' elle prit l' habit, et elle fit
profession à neuf ans entre les mains
du général de Cîteaux, qui la bénit
dix-huit mois après. Il y avoit peu
d' apparence qu' une fille faite abbesse
à cet âge, et d' une manière si peu régulière,
eût été choisie de Dieu pour rétablir la
règle dans cette abbaye. Cependant elle
étoit à peine dans sa dix-septième année,
que Dieu, qui avoit de grands desseins
sur elle, se servit, pour la toucher, d' une
voie assez extraordinaire. Un capucin, qui
étoit sorti de son couvent par libertinage,
et qui alloit se faire apostat dans les
pays étrangers, passant par hasard à
Port-Royal,

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fut prié par l' abbesse et par les religieuses de
prêcher dans leur église. Il le fit ; et ce
misérable parla avec tant de force sur le
bonheur de la vie religieuse, sur la beauté
et sur la sainteté de la règle de Saint-Benoît,
que la jeune abbesse en fut vivement émue.
Elle forma dès lors la résolution
non-seulement de pratiquer sa règle dans
toute sa rigueur, mais d' employer même
tous ses efforts pour la faire aussi observer à
ses religieuses. Elle commença par un
renouvellement de ses voeux, et fit une
seconde profession, n' étant pas satisfaite
de la première. Elle réforma tout ce qu' il
y avoit de mondain et de sensuel dans ses
habits, ne porta plus qu' une chemise de
serge, ne coucha plus que sur une simple
paillasse, s' abstint de manger de la viande,
et fit fermer de bonnes murailles son abbaye,
qui ne l' étoit auparavant que d' une méchante
clôture de terre, éboulée presque partout.
Elle eut grand soin de ne point alarmer ses
religieuses par trop d' empressement à leur
vouloir faire embrasser la règle. Elle se
contentoit de donner l' exemple, leur
parlant peu, priant beaucoup pour elles,
et accompagnant de torrents de larmes le
peu d' exhortations qu' elle leur faisoit
quelquefois. Dieu bénit si bien cette
conduite, qu' elle les gagna toutes les unes
après les autres, et qu' en moins de cinq
ans la communauté de biens, le jeûne,
l' abstinence de viande, le silence, la
veille de la nuit, et enfin toutes les
austérités de la règle de Saint-Benoît

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furent établies à Port-Royal de la même
manière qu' elles le sont encore aujourd' hui.
Cette réforme est la première qui ait été
introduite dans l' ordre de Cîteaux : aussi
y fit-elle un fort grand bruit, et elle eut
la destinée que les plus saintes choses
ont toujours eue, c' est-à-dire qu' elle fut
occasion de scandale aux uns, et d' édification
aux autres. Elle fut extrêmement désapprouvée
par un fort grand nombre de moines et d' abbés
même, qui regardoient la bonne chère, l' oisiveté,
la mollesse, et, en un mot, le libertinage,
comme d' anciennes coutumes de l' ordre, où il
n' étoit pas permis de toucher. Toutes ces
sortes de gens déclamèrent avec beaucoup
d' emportements contre les religieuses de
Port-Royal, les traitant de folles,
d' embéguinées, de novatrices, de schismatiques
même, et ils parloient de les faire
excommunier. Ils avoient pour eux l' assistant
du général, grand chasseur, et d' une si
profonde ignorance, qu' il n' entendoit pas
même le latin de son pater . Mais
heureusement le général, nommé Dom
Boucherat, se trouva un homme très-sage
et très-équitable, et ne se laissa point
entraîner à leurs sentiments.
Plusieurs maisons non-seulement admirèrent cette
réforme, mais résolurent même de l' embrasser.
Mais on crut partout qu' on ne pouvoit réussir
dans une si sainte entreprise sans le secours de
l' abbesse de Port-Royal. Elle eut ordre
du général de se transporter dans la plupart
de ces maisons, et d' envoyer de ses religieuses
dans tous les couvents où elle ne pourroit
aller elle-même. Elle alla à Maubuisson,
au Lys, à Saint-Aubin, pendant

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que la mère Agnès Arnauld sa soeur, et d' autres
de ses religieuses, alloient à Saint-Cyr,
à Gomer-Fontaine, à Tard, aux îles d' Auxerre,
et ailleurs. Toutes ces maisons regardoient
l' abbesse et les religieuses de Port-Royal
comme des anges envoyés du ciel pour le
rétablissement de la discipline. Plusieurs
abbesses vinrent passer des années entières
à Port-Royal, pour s' y instruire à loisir
des saintes maximes qui s' y pratiquoient. Il
y eut aussi un grand nombre d' abbayes d' hommes
qui se réformèrent sur ce modèle. Ainsi l' on
peut dire avec vérité que la maison de
Port-Royal fut une source de bénédictions
pour tout l' ordre de Cîteaux, où l' on
commença de voir revivre l' esprit de saint
Benoît et de saint Bernard, qui y étoit
presque entièrement éteint.
De tous les monastères que je viens de nommer, il
n' y en eut point où la mère Angélique trouvât
plus à travailler que dans celui de Maubuisson,
dont l' abbesse, soeur de

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Mme Gabrielle D' Estrées, après plusieurs
années d' une vie toute scandaleuse, avoit été
interdite, et renfermée à Paris dans les
filles pénitentes. à peine la mère Angélique
commençoit à faire connoître Dieu dans cette
maison, que Mme D' Estrées, s' étant échappée
des filles pénitentes, revint à Maubuisson
avec une escorte de plusieurs jeunes
gentilshommes, accoutumés à y venir passer
leur temps ; et une des portes lui en fut
ouverte par une des anciennes religieuses.
Aussitôt le confesseur de l' abbaye, qui étoit
un moine, grand ennemi de la réforme, voulut
persuader à la mère Angélique de se retirer.
Il y eut même un de ces gentilshommes qui lui
appuya le pistolet sur la gorge pour la faire
sortir. Mais tout cela ne l' étonnant point,
l' abbesse, le confesseur, et ces jeunes gens,
la prirent par force, et la mirent hors du
couvent avec les religieuses qu' elle y avoit
amenées, et avec toutes les novices à qui elle
avoit donné l' habit. Cette troupe de religieuses,
destituée de tout secours, et ne sachant où
se retirer, s' achemina en silence vers Pontoise,
et en traversa tout le faubourg et une partie
de la ville, les mains jointes et leur voile
sur le visage, jusqu' à ce qu' enfin quelques
habitants du lieu, touchés de compassion,

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leur offrirent de leur donner retraite chez eux.
Mais elles n' y furent pas longtemps ; car, au
bout de deux ou trois jours, le parlement, à la
requête de l' abbé de Cîteaux, ayant donné
un arrêt pour renfermer de nouveau Mme
D' Estrées, le prévôt de l' Isle fut envoyé
avec main-forte pour se saisir de l' abbesse,
du confesseur, et de la religieuse ancienne
qui étoit de leur cabale. L' abbesse s' enfuit
de bonne heure par une porte du jardin ; la
religieuse fut trouvée dans une grande armoire
pleine de hardes, où elle s' étoit cachée ;
et le confesseur, ayant sauté par-dessus les
murs, s' alla réfugier chez les jésuites de
Pontoise. Ainsi la mère Angélique demeura
paisible dans Maubuisson, et y continua sa
sainte mission pendant cinq années.
Ce fut là qu' elle vit pour la première fois
saint François

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De Sales, et qu' il se lia entre eux une
amitié qui a duré toute la vie du saint évêque,
qui voulut même que la mère De Chantail
fût associée à cette union. L' on voit dans
les lettres de l' un et de l' autre la grande
idée qu' ils avoient de cette merveilleuse fille.
De son côté, la mère Angélique procura aussi
à M. Arnauld, son père, et à toute sa famille,
la connoissance de ce saint prélat. Il fit
un voyage à Port-Royal, pour y voir la mère
Agnès De Saint-Paul, soeur de cette
abbesse ; il alloit voir très-souvent
M. Arnauld, son père, et M. D' Andilly,
son frère, et à Paris et à une maison qu' ils
avoient à la campagne, charmé de se trouver
dans une famille si pleine

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de vertu et de piété. La dernière fois qu' il
les vit, il donna sa bénédiction à tous leurs
enfants, et entre autres au célèbre M. Arnauld,
docteur de Sorbonne, qui n' avoit alors que
six ans. La bienheureuse mère De Chantail
vécut encore vingt ans depuis qu' elle eut connu
la mère Angélique. Elle ne faisoit point de
voyage à Paris qu' elle ne vînt passer plusieurs
jours de suite avec elle, versant dans son sein
ses plus secrètes pensées, et desirant avec
ardeur que les filles de la visitation et celles
de Port-Royal fussent unies du même lien
d' amitié qui avoit si étroitement uni leurs
deux mères.
Après cinq ans de travail à Maubuisson, la mère
Angélique se trouvant déchargée du soin de
cette abbaye par la nomination que le roi avoit
faite d' une autre abbesse en la place de Mme
D' Estrées, elle se résolut d' aller trouver sa
chère communauté de Port-Royal. Elle ne l' avoit
pas laissée néanmoins orpheline, l' ayant
mise, en partant, sous la conduite de la mère
Agnès dont j' ai parlé : elle étoit plus jeune
de deux ans que la mère Angélique, et avoit
été faite abbesse aussi jeune qu' elle ; mais
Dieu l' ayant aussi éclairée de fort bonne
heure, elle avoit remis au roi l' abbaye de
Saint-Cyr, dont elle étoit pourvue, pour venir
vivre simple religieuse dans

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le couvent de sa soeur. Mais la mère Angélique,
pleine d' admiration de sa vertu, avoit obtenu
qu' on la fît sa coadjutrice. C' est cette mère
Agnès qui a depuis dressé les constitutions
de Port-Royal, qui furent approuvées par
M. De Gondy, archevêque de Paris. On a aussi
d' elle plusieurs traités très-édifiants, et qui
font connoître tout ensemble l' élévation et la
solidité de son esprit.
Lorsque la mère Angélique se préparoit à partir
de Maubuisson, trente religieuses qui y avoient
fait profession entre ses mains se jetèrent
à ses pieds, et la conjurèrent de les emmener
avec elle. L' abbaye de Port-Royal étoit fort
pauvre, n' ayant été fondée, comme j' ai dit, que
pour douze religieuses. Le nombre en étoit
alors considérablement augmenté ; et ces
trente filles de Maubuisson n' avoient à elles
toutes que cinq cents livres de pension
viagère. Cependant la mère Angélique ne
balança pas un moment à leur accorder leur
demande. Elle se contenta d' en écrire à la
mère Agnès ; et sur sa réponse, elle les
fit même partir quelques jours devant elle.
Ces pauvres filles n' abordoient qu' en tremblant
une maison qu' elles venoient, pour ainsi dire,
affamer ; mais elles y furent reçues avec une
joie qui leur fit bien voir que la charité
de la mère s' étoit aussi communiquée à toute la
communauté.
Il étoit resté à Maubuisson quelques esprits qui
n' avoient pu entièrement s' assujettir à la
réforme. D' ailleurs

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Mme De Soissons, qui avoit succédé à Mme
D' Estrées, n' avoit pas pris un fort grand
soin d' y entretenir la régularité que la mère
Angélique y avoit établie : si bien que cette
sainte fille ne cessoit de demander à Dieu
qu' il regardât cette maison avec des yeux
de miséricorde. Sa prière fut exaucée. Cette
abbaye étant venue encore à vaquer au bout
de quatre ans, par la mort de Mme De Soissons,
le roi Louis Xiii fit demander à la mère
Angélique une de ses religieuses pour l' en faire
abbesse. Elle lui en proposa une qu' on appeloit
soeur Marie Des Anges, à qui le roi donna
aussitôt son brevet. La plupart des personnes
qui connoissoient cette fille lui trouvoient,
à la vérité, une grande douceur et une profonde
humilité ; mais elles doutoient qu' elle eût
toute la fermeté nécessaire pour remplir une place
de cette importance. Le succès fit voir combien
la mère Angélique avoit de discernement ; car
cette fille si humble et si douce sut

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réduire en très-peu de temps les esprits qui
étoient demeurés les plus rebelles, rangea les
anciennes sous le même joug que les jeunes,
ne s' étonna point des persécutions de certains
moines, et même de certains visiteurs de
l' ordre, accoutumés au faste et à la dépense,
et qui ne pouvoient souffrir le saint usage
qu' elle faisoit des revenus de cette abbaye.
Ce fut de son temps que deux fameuses religieuses
de Montdidier furent introduites à Maubuisson
par un de ces visiteurs, pour y enseigner,
disoit-il, les secrets de la plus sublime
oraison. La mère des Anges et la mère
Angélique n' étoient point assez intérieures
au gré de ces pères, et ils leur reprochoient
souvent de ne connoître d' autre perfection
que celle qui s' acquiert par la mortification
des sens et par la pratique des bonnes oeuvres.
La mère des Anges, qui avoit appris à
Port-Royal à se défier de toute nouveauté,
fit observer de près ces deux filles ; et il
se trouva que, sous un jargon de pur amour,
d' anéantissement, et de parfaite nudité, elles
cachoient toutes les illusions et toutes les
horreurs que l' église a condamnées de nos jours
dans Molinos. Elles étoient en effet de la
secte de ces illuminés de Roye, qu' on nommoit
les guerinets , dont le cardinal De Richelieu fit

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faire une si exacte perquisition. La mère Des
Anges ayant donné avis du péril où étoit son
monastère, ces deux religieuses furent
renfermées très-étroitement par ordre de
la cour ; et le visiteur qui les protégeoit
eut bien de la peine lui-même à se tirer
d' affaire. En un mot, la mère Des Anges,
malgré toutes les traverses qu' on lui suscitoit,
rétablit entièrement dans Maubuisson le
véritable esprit de saint Bernard, qui s' y
maintient encore aujourd' hui par les soins de
l' illustre princesse que la providence en
a faite abbesse ; et après avoir gouverné pendant
vingt-deux ans ce célèbre monastère avec une
sainteté dont la mémoire s' y conservera
éternellement, elle en donna sa démission
au roi, et vint reprendre à Port-Royal son
rang de simple religieuse. Elle demandoit même
à y recommencer son noviciat, de peur,
disoit-elle, qu' ayant si longtemps commandé,
elle n' eût appris à désobéir.
Cependant la communauté de Port-Royal s' étant

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accrue jusqu' au nombre de quatre-vingts
religieuses, elles étoient fort serrées dans
ce monastère, situé dans un lieu fort humide,
et dont les bâtiments étoient extrêmement
bas et enfoncés. Ainsi les maladies y devinrent
fort fréquentes, et le couvent ne fut bientôt
plus qu' une infirmerie. Mais la providence
n' abandonna point la mère Angélique dans ce
besoin ; elle lui fit trouver des ressources
dans sa propre famille. Mme Arnauld, sa
mère, qui étoit fille du cèlèbre M. Marion,
avocat général, étoit demeurée veuve depuis
quelques années, et avoit conçu la résolution
non-seulement de se retirer du monde, mais même,
ce qui est assez particulier, de se faire
religieuse sous la conduite de sa fille. Comme
elle sut l' extrémité où la communauté étoit
réduite, elle acheta de son argent, au faubourg
Saint-Jacques, une maison, et la donna pour
en faire comme un hospice. On ne vouloit y
transporter d' abord qu' une partie des religieuses ;
mais le monastère des champs devenant plus
malsain de jour en jour, on fut obligé de
l' abandonner entièrement, et de transférer à
Paris toute la communauté, après en avoir
obtenu le consentement du roi et de l' archevêque.
On se logea comme on put dans

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cette nouvelle maison. L' on fit un dortoir d' une
galerie ; on lambrissa les greniers pour y
pratiquer des cellules, et la salle fut changée
en une chapelle.
La réputation de la mère Angélique, et les
merveilles qu' on racontoit de la vie toute
sainte de ses religieuses, lui attirèrent
bientôt l' amitié de beaucoup de personnes
de piété. La reine Marie De Médicis les
honora d' une bienveillance particulière ; et
par des lettres patentes enregistrées au
parlement, prit le titre de fondatrice et
de bienfaitrice de ce nouveau monastère. Elle
ne fut pas vraisemblablement en état de leur
donner des marques de sa libéralité, mais elle
leur procura un bien qu' elles n' eussent jamais
osé espérer sans une protection si puissante.
Plus la mère Angélique avoit sujet de louer
Dieu des bénédictions qu' il avoit répandues
sur sa communauté, plus elle avoit lieu de
craindre qu' après sa mort, et après celle de
la mère Agnès, sa coadjutrice, on n' introduisît
en leur place quelque abbesse qui, n' ayant point
été élevée dans la maison, détruiroit peut-être
en six mois tout le bon ordre qu' elle avoit tant
travaillé à y établir. La reine Marie De
Médicis entra avec bonté dans ses sentiments ;
elle parla au roi son fils, dans le temps qu' il
revenoit triomphant après la prise de La
Rochelle, et lui représentant tout ce qu' elle
connoissoit de la sainteté de ces filles, elle
toucha tellement sa piété, qu' il crut lui-même
rendre un grand service à Dieu, en consentant
que cette abbaye fût élective et triennale. La
chose fut

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confirmée par le pape Urbain Viii. Aussitôt
la mère Angélique et la mère Agnès se démirent,
l' une de sa qualité d' abbesse, et l' autre de
celle de coadjutrice ; et la communauté élut
pour trois ans une des religieuses de la maison.
La mère Angélique venoit d' obtenir du même pape
une autre grâce qui ne lui parut pas moins
considérable. Elle avoit toujours eu au fond
de son coeur un fort grand amour pour la
hiérarchie ecclésiastique, et souhaitoit aussi
ardemment d' être soumise à l' autorité épiscopale,
que les autres abbesses desirent d' en être
soustraites. Son souhait sur cela étoit
d' autant plus raisonnable, que l' abbaye de
Port-Royal, fondée par un évêque de Paris,
avoit longtemps dépendu immédiatement de lui
et de ses successeurs ; mais dans la suite un
de ces évêques avoit consenti qu' elle reconnût
la jurisdiction de l' abbé de Cîteaux. Elle
avoit donc fait représenter ces raisons au
pape, qui, les ayant approuvées, remit en effet
cette abbaye sous la jurisdiction de l' ordinaire,
et l' affranchit entièrement de la dépendance
de Cîteaux, en y conservant néanmoins tous
les priviléges attachés aux maisons de cet ordre.
M. De Gondy en prit donc en main le
gouvernement, en examina et approuva les
constitutions, et en fit faire la visite par
M., qui fut le premier supérieur qu' il donna
à ce monastère.

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Ce fut vers ce temps-là que Louise De Bourbon,
première femme du duc de Longueville, princesse
d' une éminente vertu, forma avec M. Zamet,
évêque de Langres, le dessein d' instituer un
ordre de religieuses particulièrement consacrées
à l' adoration du mystère de l' eucharistie, et
qui, par leur assistance continuelle devant
le saint-sacrement, réparassent en quelque sorte
les outrages que lui font tous les jours et les
blasphèmes des protestants et les communions
sacriléges des mauvais catholiques. Ils
communiquèrent tous deux leur pensée à la
mère Angélique, et la prièrent non-seulement
de les aider à former cet institut, mais d' en
vouloir même accepter la direction, et de
donner quelques-unes de ses religieuses pour
en commencer avec elle l' établissement. Cette
proposition fut d' autant plus de son goût, qu' il
y avoit déjà plus de quinze ans que cette même
assistance continuelle devant le saint-sacrement
avoit été établie à Port-Royal, d' abord pendant
le jour seulement, et ensuite pendant la nuit même.
Toutes les religieuses de ce monastère, ayant
appris un si louable dessein, furent touchées d' une
sainte jalousie de ce qu' on fondoit pour

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cela un nouvel ordre, au lieu de l' établir dans
Port-Royal même. Elles demandèrent avec
instance que, sans chercher d' autre maison
que la leur, on leur permît d' ajouter
les pratiques de cet institut aux autres
pratiques de leur règle, et de joindre en elles
le nom glorieux des filles du saint-sacrement
à celui de filles de Saint-Bernard. La
princesse étoit d' avis de leur accorder leur
demande ; mais l' évêque persista à vouloir un
ordre et un habit particulier.
Ce prélat étoit un homme plein de bonnes
intentions, et fort zélé, mais d' un esprit
fort variable et fort borné. Il avoit plusieurs
fois changé le dessein de son institut. Il
vouloit d' abord en faire un ordre de religieux
plus retirés et encore plus austères que les
chartreux ; puis il jugea plus à propos que ce
fût un ordre de filles. Sa première vue pour
ces filles étoit qu' elles fussent extrêmement
pauvres, et que, pour mieux honorer le profond
abaissement de Jésus-Christ dans l' eucharistie,
elles portassent sur leur habit toutes les
marques d' une extrême pauvreté. Ensuite il
imagina qu' il falloit attirer la vénération
du peuple par un habit qui eût quelque chose
d' auguste et de magnifique ; mais la mère
Angélique desira que tout se ressentît de
la simplicité religieuse. Il avoit fait divers
autres règlements, dont la plupart eurent
besoin d' être rectifiés. La mère Angélique,
voyant ces incertitudes, eut un secret
pressentiment que cet ordre ne seroit pas de
longue durée. Mais la bulle étant arrivée,
où elle étoit nommée supérieure, et où il
étoit ordonné que ce seroit des religieuses
tirées de Port-Royal qui en commenceroient
l' établissement, elle se mit en

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devoir d' obéir. La bulle nommoit aussi trois
supérieurs, savoir : M. De Gondy,
archevêque de Paris ; M. De Bellegarde,
archevêque de Sens ; et l' évêque de Langres.
Mais ce dernier, comme fondateur, et d' ailleurs
étant grand directeur de religieuses, eut la
principale conduite de ce monastère. La mère
Angélique entra donc avec trois de ses
religieuses et quatre postulantes, dans la
maison destinée pour cet institut. Cette maison
étoit dans la rue Coquillière, qui est de la
paroisse de Saint-Eustache ; et le
saint-sacrement y fut mis avec beaucoup de
solennité. Bientôt après on y reçut des
novices ; et ce fut l' archevêque de Paris
qui leur donna le voile.
La nouveauté de cet institut donna beaucoup
occasion au monde de parler ; et, dans ces
commencements, la mère Angélique eut à
essuyer bien des peines et des contradictions.
Son principal chagrin étoit de voir l' évêque
de Langres presque toujours en différend avec
l' archevêque de Sens, qui ne pouvoit compatir
avec lui. Leur

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désunion éclata surtout à l' occasion du
chapelet secret du saint-sacrement. Comme
cette affaire fit alors un fort grand bruit,
et que les ennemis de Port-Royal s' en sont
voulu prévaloir dans la suite contre ce
monastère, il est bon d' expliquer en peu de
mots ce que c' étoit que cette querelle.
Ce chapelet secret étoit un petit écrit
de trois ou quatre pages, contenant des pensées
affectueuses sur le mystère de l' eucharistie,
ou, pour mieux dire, c' étoient comme des
élans d' une âme toute pénétrée de l' amour de
Dieu dans la contemplation de sa charité
infinie pour les hommes dans ce mystère.
La mère Agnès, de qui étoient ces pensées,
n' avoit guère songé à les rendre publiques ;
elle en avoit simplement rendu compte au P.
De Condren, son confesseur, depuis général
de l' oratoire, qui, pour sa propre édification,
lui avoit ordonné de les mettre par écrit.
Il en tomba une copie entre les mains d' une
sainte carmélite, nommée la mère Marie De
Jésus. Cette mère étant morte un mois après,
on fit courir sous son nom cet écrit, qui
avoit été trouvé sur elle ; mais on sut
bientôt qu' il étoit de la mère Agnès. L' évêque
de Langres le trouva merveilleux, et en parla
avec de grands sentiments d' admiration.
L' archevêque de Sens, qui en

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avoit été fort touché d' abord, commença tout
à coup à s' en dégoûter ; il le donna même à
examiner à M. Duval, supérieur des carmélites,
et à quelques autres docteurs, à qui on ne dit
point qui l' avoit composé. Ces docteurs,
jugeant à la rigueur de certaines expressions
abstraites et relevées, telles que sont à peu
près celles des mystiques, le condamnèrent.
D' autres docteurs, consultés par l' évêque de
Langres, l' approuvèrent au contraire avec
éloge : tellement que les esprits venant à
s' échauffer, et chacun écrivant pour soutenir son
avis, la chose fut portée à Rome. Le pape
ne trouva dans l' écrit aucune proposition digne
de censure ; mais, pour le bien de la paix,
et parce que ces matières n' étoient pas de la
portée de tout le monde, il jugea à propos
de le supprimer ; et il le fut en effet.
Entre les théologiens qui avoient écrit pour le
soutenir, Jean Du Vergier De Hauranne,
abbé de Saint-Cyran, avoit fait admirer
la pénétration de son esprit et la profondeur
de sa doctrine. Il ne connoissoit point alors
la mère Agnès, et avoit même été préoccupé contre
le chapelet secret , à cause des différends
qu' il avoit causés ; mais l' ayant trouvé
très-bon, il avoit pris lui-même la plume pour
défendre la vérité, qui lui sembloit opprimée.
Il n' avoit point mis son nom à son ouvrage, non

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plus qu' à ses autres livres ; mais l' évêque de
Langres ayant su que c' étoit de lui, l' alla
chercher pour le remercier. à mesure qu' il le
connut plus particulièrement, il fut épris de
sa rare piété et de ses grandes lumières ; et
comme il n' avoit rien plus à coeur que de porter
les filles du saint-sacrement à la plus haute
perfection, il jugea que personne au monde
ne pouvoit mieux l' aider dans ce dessein que
ce grand serviteur de Dieu. Il le conjura
donc de venir faire des exhortations à ces
filles, et même de les vouloir confesser. L' abbé
lui résista assez longtemps, fuyant naturellement
ces sortes d' emplois, et se tenant le plus
renfermé qu' il pouvoit dans son cabinet, où
il passoit, pour ainsi dire, les jours et les
nuits, partie dans la prière, et partie à
composer des ouvrages qui pussent être
utiles à l' église. Enfin néanmoins les instances
réitérées de l' évêque lui paroissant comme un
ordre de Dieu de servir ces filles, il s' y
résolut.
Dès que la mère Angélique l' eut entendu parler
des choses de Dieu, et qu' elle eut connu par
quel chemin sûr il conduisoit les âmes, elle
crut retrouver en lui le saint évêque de
Genève, par qui elle avoit été autrefois
conduite ; et les autres religieuses prirent
aussi en lui la même confiance. En effet, pour
me servir ici du témoignage public que lui a
rendu un prélat non moins considérable par
sa piété que par sa naissance, " ce savant
homme n' avoit point d' autres sentiments que
ceux qu' il avoit puisés dans l' écriture sainte
et dans la tradition de l' église. Sa science
n' étoit que celle des saints pères. Il ne
parloit point d' autre langage que celui de la
parole de Dieu ; et bien loin de conduire les
âmes par des voies

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particulières et écartées, il ne savoit point
d' autre chemin pour les mener à Dieu que celui
de la pénitence et de la charité. " toutes
ces filles firent en peu de temps un tel
progrès dans la perfection sous sa conduite,
que l' évêque de Langres ne cessoit de
remercier Dieu du confesseur qu' il lui avoit
inspiré de leur donner.
Dans le ravissement où étoit ce prélat, il
proposa plusieurs fois à l' abbé de souffrir
qu' il travaillât pour le faire nommer son
coadjuteur à l' évêché de Langres ; et sur
son refus, il le pressa au moins de vouloir
être son directeur. Mais l' abbé le pria de
l' en dispenser, lui faisant entendre qu' il y
auroit peut-être plusieurs choses sur lesquelles
ils ne seroient point d' accord ; et avec la
sincérité qui lui étoit naturelle, il ne put
s' empêcher de lui toucher quelque chose de la
résidence et de l' obligation où il étoit de ne
pas faire de si longs séjours hors de son
diocèse. L' évêque étoit de ces gens qui, bien
qu' au fond ils aient de la piété, n' entendent
pas volontiers des vérités qu' ils ne se sentent
pas disposés à pratiquer. Cela commença un peu
à le refroidir pour l' abbé de Saint-Cyran.
Bientôt après il crut s' apercevoir que les filles
du saint-sacrement n' avoient point pour ses
avis la même déférence qu' elles avoient pour cet
abbé. Sa mauvaise humeur étoit encore fomentée
par une certaine dame, sa pénitente, qu' il
avoit fait entrer au saint-sacrement, et dont
il faisoit lui seul un cas merveilleux. En un
mot, ayant, comme j' ai dit, l' esprit fort foible,
il entra contre

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l' abbé dans une si furieuse jalousie, qu' il ne
le pouvoit plus souffrir. L' abbé de Saint-Cyran
fit d' abord ce qu' il put pour le guérir de ses
défiances ; et même, voyant qu' il s' aigrissoit
de plus en plus, cessa d' aller au monastère
du Saint-Sacrement. Mais cette discrétion ne
servit qu' à irriter cet esprit malade, honteux
qu' on se fût aperçu de sa foiblesse, tellement
qu' il vint à se dégoûter même de son institut ;
et non content de rompre avec ces filles,
il se ligua avec les ennemis de cet abbé, et
ce qu' on aura peine à comprendre, donna même
au cardinal De Richelieu des mémoires contre lui.
Ce ne fut pas là la seule querelle que lui attira
la jalousie de la direction. Le fameux P. Joseph
étoit, comme on sait, fondateur des religieuses
du Calvaire. Quoique plongé fort avant dans les
affaires du siècle, il se piquoit d' être un fort
grand maître en la vie spirituelle, et ne vouloit
point que ses religieuses eussent d' autre
directeur que lui. Un jour néanmoins, se voyant
sur le point d' entreprendre un long voyage pour
les affaires du roi, il alla trouver l' abbé
de Saint-Cyran, pour lui recommander ses chères
filles du Calvaire, et obtint de lui qu' il
les confesseroit en son absence. à son retour, il
fut charmé du progrès qu' elles avoient fait dans
la perfection ; mais il crut s' apercevoir
bientôt qu' elles avoient senti l' extrême
différence qu' il y a d' un directeur partagé
entre Dieu et la cour, à un directeur
uniquement occupé du salut des

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âmes. Il en conçut contre l' abbé un fort grand
dépit, et ne lui pardonna, non plus que l' évêque
de Langres, cette diminution de son crédit sur
l' esprit de ses pénitentes, tellement qu' il ne fut
pas des moins ardents depuis ce temps-là à lui rendre
de mauvais offices auprès du premier ministre.
Le cardinal De Richelieu, lorsqu' il n' étoit
qu' évêque de Luçon, avoit connu à Poitiers
l' abbé de Saint-Cyran ; et ayant conçu pour
ses grands talents et pour sa vertu l' estime
que tous ceux qui le connoissoient ne pouvoient
lui refuser, il ne fut pas plus tôt en faveur,
qu' il songea à l' élever aux premières dignités
de l' église. Il le fit pressentir sur l' évêché
de Bayonne, qu' il lui destinoit, et qui étoit
le pays de sa naissance. Mais son extrême
humilité, et cette espèce de sainte horreur
qu' il eut toute sa vie pour les sublimes
fonctions de l' épiscopat, l' empêchèrent
d' accepter cette offre. Ce fut le premier sujet
de mécontentement que ce ministre eut contre lui.
Son second crime à son égard fut de passer pour
n' approuver pas la doctrine que ce cardinal
avoit enseignée dans son catéchisme de Luçon,
touchant l' attrition, formée par la seule crainte
des peines, qu' il prétendoit suffire pour la
justification dans le sacrement. Ce n' est pas
que l' abbé de Saint-Cyran fût jamais entré
dans aucune discussion sur cette matière, mais
il ne laissoit pas ignorer qu' il étoit persuadé
que, sans aimer Dieu, le pécheur ne pouvoit
être justifié. Outre que le cardinal se piquoit
encore plus d' être grand théologien que grand
politique, il étoit si dangereux de le contredire
sur ce point particulier de l' attrition, que le
P. Seguenot, de

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l' oratoire, fut mis à La Bastille, pour avoir
soutenu la nécessité de l' amour de Dieu dans
la pénitence ; et que ce fut aussi, à ce qu' on
prétend, pour le même sujet que le P. Caussin,
confesseur du roi, fut disgracié.
Mais ce qui acheva de perdre l' abbé de
Saint-Cyran dans l' esprit du cardinal, ce
fut une offense d' une autre nature que les deux
premières, mais qui le touchoit beaucoup plus
au vif. On sait avec quelle chaleur ce premier
ministre avoit entrepris de faire casser le
mariage du duc d' Orléans avec la princesse de
Lorraine, sa seconde femme. Pour s' autoriser
dans ce dessein, et pour rassurer la conscience
timorée de Louis Xiii, il fit consulter
l' assemblée générale du clergé, et tout ce
qu' il y avoit de plus célèbres théologiens,
tant réguliers que séculiers. L' assemblée, et
presque tous ces théologiens, jusqu' au
P. Condren, général de l' oratoire, et
jusqu' au P. Vincent, supérieur des
missionnaires, furent d' avis de la nullité
du mariage ; mais quand on vint à l' abbé
de Saint-Cyran, il ne cacha point qu' il
croyoit que le mariage ne pouvoit être cassé.

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Venons maintenant à la querelle qu' il eut avec
les jésuites : elle prit naissance en
Angleterre. Les jésuites de ce pays-là
n' ayant pu se résoudre à reconnoître la
jurisdiction de l' évêque que le pape y avoit
envoyé, non-seulement obligèrent cet évêque
à s' enfuir de ce royaume, mais écrivirent
des livres fort injurieux contre l' autorité
épiscopale, et contre la nécessité même du
sacrement de la confirmation. Le clergé
d' Angleterre envoya ces livres en France,
et ils y furent aussitôt censurés par
l' archevêque de Paris, puis par la Sorbonne,
et enfin par une grande assemblée d' archevêques
et d' évêques. Les jésuites de France
n' abandonnèrent pas leurs confrères dans une
cause que leur conduite dans tous les pays
du monde fait bien voir qu' ils ont résolu de
soutenir. Ils publièrent contre toutes ces
censures des réponses, où ils croyoient avoir
terrassé La Sorbonne et les évêques.

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Tous les gens de bien frémissoient de voir ainsi
fouler aux pieds la hiérarchie que Dieu a
établie dans son église, lorsqu' on vit paroître,
sous le nom de Petrus Aurelius , un excellent
livre qui mettoit en poudre toutes les réponses
des jésuites. Ce livre fut reçu avec un
applaudissement incroyable. Le clergé de
France le fit imprimer plusieurs fois à
ses dépens, s' efforça de découvrir qui étoit
le défenseur de l' épiscopat ; et ne pouvant
percer l' obscurité où sa modestie le tenoit
caché, fit composer en l' honneur de son livre,
par le célèbre M. Godeau, évêque de Grasse,
un éloge magnifique, qui fut imprimé à la tête
du livre même.
Les jésuites n' étoient pas moins en peine que
les évêques de savoir qui étoit cet inconnu ;
et comme la vengeance a des yeux plus perçants
que la reconnoissance, ils démêlèrent que si
l' abbé de Saint-Cyran n' étoit l' auteur de
cet ouvrage, il y avoit du moins la principale
part. On jugera sans peine jusqu' où alla contre
lui leur ressentiment, par la colère qu' ils
témoignèrent contre M. Godeau, pour avoir fait
l' éloge que je viens de dire.

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Ils publièrent contre ce prélat si illustre
deux satires en latin, dont l' une avoit pour
titre : Godellus An Poeta ? et c' étoit
leur P. Vavasseur qui étoit auteur de ces
satires. L' abbé devint à leur égard,
non-seulement un hérétique, mais un hérésiarque
abominable, qui vouloit faire une nouvelle
église, et renverser la religion de
Jésus-Christ. C' est l' idée qu' ils
s' efforcèrent alors de donner de lui, et
qu' ils en veulent donner encore dans tous
leurs livres.
Le cardinal De Richelieu, excité par leurs
clameurs et par ses ressentiments particuliers,
le fit arrêter et mettre au bois de Vincennes.
Il fit aussi saisir tous ses papiers, dont il
y avoit plusieurs coffres pleins. Mais comme on
n' y trouva que des extraits des pères et des
conciles, et des matériaux d' un grand ouvrage
qu' il préparoit pour défendre l' eucharistie
contre les ministres huguenots, tous ses papiers
lui furent aussitôt renvoyés au bois de
Vincennes. On abandonna aussi une procédure fort
irrégulière que l' on avoit commencée contre lui ;
mais la liberté ne lui fut rendue que cinq ans
après, c' est-à-dire à la mort du cardinal De
Richelieu, Dieu ayant permis

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cette longue prison pour faire mieux connoître
la piété extraordinaire de cet abbé, à laquelle
le fameux Jean De Verth, qui, avec d' autres
officiers étrangers, étoit aussi alors prisonnier
au bois de Vincennes, rendit un témoignage
très-particulier ; car le cardinal De
Richelieu ayant voulu qu' il fût spectateur
d' un ballet fort magnifique qui étoit de sa
composition, et ce général ayant vu à ce
ballet un certain évêque qui s' empressoit pour
en faire les honneurs, il dit publiquement
que le spectacle qui l' avoit le plus surpris
en France, c' étoit d' y voir les saints en
prison, et les évêques à la comédie .
Ce fut aussi dans cette prison que l' abbé
de Saint-Cyran écrivit ces belles lettres
chrétiennes et spirituelles dont il s' est
fait tant d' éditions avec l' approbation d' un
fort grand nombre de cardinaux, d' archevêques
et d' évêques, qui les ont considérées comme
l' ouvrage de nos jours qui donne la plus haute
et la plus parfaite idée de la vie chrétienne.
Il mourut le 11 octobre 1643, huit mois après
qu' il fut sorti du bois de Vincennes ; et ses
funérailles furent honorées de la présence de
tout ce qu' il y avoit alors à Paris de prélats
plus considérables. à peine il eut les
yeux fermés, que les jésuites se débordèrent
en une infinité de nouvelles invectives contre
sa mémoire, faisant imprimer, entre autres,
de prétendus interrogatoires qu' ils avoient
tronqués et falsifiés. Et quoiqu' il eût reçu
avec une extrême piété le viatique des mains
du curé de Saint-Jacques Du Haut-Pas, et
que la gazette même en

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eût informé tout le public, ils n' en furent pas
moins hardis à publier qu' il étoit mort sans
vouloir recevoir ses sacrements. J' ai cru devoir
rapporter tout de suite ces événements, pour
faire mieux connoître ce grand personnage,
contre qui la calomnie s' est déchaînée avec
tant de licence, et qui a tant contribué par
ses instructions et par ses exemples à la
sainteté du monastère de Port-Royal.
La rupture de l' évêque de Langres avec les
filles du Saint-Sacrement, et l' emprisonnement
de l' abbé de Saint-Cyran, ne furent pas les
seules disgrâces dont elles furent alors
affligées : elles perdirent aussi la duchesse
de Longueville, leur fondatrice, qui mourut
avant que d' avoir pu laisser aucun fonds
pour leur subsistance : tellement que se voyant
dénuées de toute protection, et d' ailleurs
étant fort incommodées dans la maison où elles
étoient, sans aucune espérance de s' y pouvoir
agrandir, elles se retirèrent en 1638 à
Port-Royal, où il y avoit déjà quelques années
que la mère Angélique étoit retournée.

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Ce fut alors que les religieuses de ce
monastère renouvelèrent leurs instances, et
demandèrent à relever un institut qui étoit
abandonné, et qu' il sembloit que Dieu même
eût voulu leur réserver. Henry Arnauld,
abbé de Saint-Nicolas, depuis évêque d' Angers,
étoit alors à Rome pour les affaires du roi :
elles s' adressèrent à lui, et le prièrent de
s' entremettre pour elles auprès du pape, qui
leur accorda volontiers par un bref le
changement qu' elles demandoient. Mais l' affaire
souffrit à Paris de grandes difficultés, à
cause de quelques intérêts temporels qu' il
falloit accommoder. Enfin le parlement ayant
terminé ces difficultés, le roi donna ses lettres,
et l' archevêque de Paris son consentement. Elles
se dévouèrent donc avec une joie incroyable à
l' adoration perpétuelle du mystère auguste de
l' eucharistie, et prirent le nom de filles du
Saint-Sacrement ; mais elles ne quittèrent pas
l' habit de Saint-Bernard : elles changèrent
seulement leur scapulaire noir en un scapulaire
blanc, où il y avoit une croix d' écarlate attachée
par devant, pour

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désigner par ces deux couleurs le pain et le
vin, qui sont les voiles sous lesquels
Jésus-Christ est caché dans ce mystère.
M. Du Saussay, leur supérieur, alors official
de Paris, et depuis évêque de Toul, célébra
cette cérémonie (en 1647) avec un grand
concours de peuple. L' année suivante, M. De
Gondy bénit leur église, dont le bâtiment ne
faisoit que d' être achevé, et la dédia aussi
sous le nom du saint-sacrement.
Pendant cet état florissant de la maison de
Paris, les religieuses n' avoient pas perdu
le souvenir de leur monastère des champs. On
n' y avoit laissé qu' un chapelain, pour y dire
la messe et y administrer les sacrements aux
domestiques. Bientôt après, M. Le Maître,
neveu de la mère Angélique, ayant à l' âge
de vingt-neuf ans renoncé au barreau et à tous
les avantages que sa grande éloquence lui
pouvoit procurer, s' étoit retiré dans ce
désert pour y achever sa vie dans le silence
et dans la retraite. Il y fut suivi par un de
ses frères, qui avoit été jusqu' alors dans la
profession des armes. Quelque temps après,
M. De Sacy, son autre frère, si célèbre par
les livres de

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piété dont il a enrichi l' église, s' y retira
aussi avec eux pour se préparer dans la solitude
à recevoir l' ordre de la prêtrise. Leur
exemple y attira encore cinq ou six autres
tant séculiers qu' ecclésiastiques, qui, étant
comme eux dégoûtés du monde, se vinrent rendre
les compagnons de leur pénitence. Mais ce n' étoit
point une pénitence oisive : pendant que les uns
prenoient connoissance du temporel de cette
abbaye, et travailloient à en rétablir les
affaires, les autres ne dédaignoient pas de
cultiver la terre comme de simples gens de
journée ; ils réparèrent même une partie
des bâtiments qui y tomboient en ruine, et
rehaussant ceux qui étoient trop bas et trop
enfoncés, rendirent l' habitation de ce désert
beaucoup plus saine et plus commode qu' elle
n' étoit. M. D' Andilly, frère aîné de la
mère Angélique, ne tarda guère à y suivre ses
neveux, et s' y consacra, comme eux, à des
exercices de piété qui ont duré autant que sa vie.
Comme les religieuses se trouvoient alors au
nombre de plus de cent, la même raison qui les
avoit obligées vingt-cinq ans auparavant de
partager leur communauté, les obligeant encore
de se partager, elles obtinrent de M. De Gondy
la permission de renvoyer une partie des soeurs
dans leur premier monastère, en telle sorte que
les deux maisons ne formassent qu' une même
abbaye et une même communauté, sous les ordres
d' une même abbesse. La mère Angélique, qui
l' étoit alors par élection

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(en 1648), y alla en personne avec un certain
nombre de religieuses, qu' elle y établit. M.
Vialart, évêque de Châlons, en rebénit l' église,
qui avoit été rehaussée de plus de six pieds,
et y administra le sacrement de confirmation
à quantité de gens des environs. Ce fut vers ce
temps-là que la duchesse de Luynes, mère de
M. Le duc de Chevreuse, persuada au duc son
mari de quitter la cour, et de choisir à la
campagne une retraite où ils pussent ne s' occuper
tous deux que du soin de leur salut. Ils
firent bâtir pour cela un petit château dans
le voisinage et sur le fonds même de Port-Royal
des champs ; ils firent aussi bâtir à leurs
dépens un fort beau dortoir pour les religieuses.
Mais la duchesse ne vit achever ni l' un ni
l' autre de ces édifices, Dieu l' ayant appelée
à lui dans une fort grande jeunesse.
Les religieuses des champs étoient à peine
établies, que la guerre civile s' étant allumée
en France, et les soldats des deux partis courant
et ravageant la campagne, elles furent obligées
(en 1652) de chercher leur sûreté dans
leur maison de Paris. Plusieurs religieuses de
divers monastères de la campagne s' y venoient
aussi réfugier tous les jours, et y étoient toutes
traitées avec le même soin que celles de la
maison. Mais la guerre finie (en 1653),

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on retourna dans le monastère des champs, qui n' a
plus été abandonné depuis ce temps-là. Plusieurs
personnes de qualité s' y venoient retirer de
temps en temps pour y chercher Dieu dans le
repos de la solitude, et pour participer aux
prières de ces saintes filles. De ce nombre
étoient le duc et la duchesse de Liancourt,
si célèbres par leur vertu et par leur grande
charité envers les pauvres : ils contribuèrent
même à faire bâtir dans la cour du dehors
un corps de logis, qui est celui qu' on voit
encore vis-à-vis de la porte de l' église. La
princesse de Guimené, la marquise de Sablé,
et d' autres dames considérables par leur naissance
et par leur mérite, firent aussi bâtir dans

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les dehors de la maison de Paris, résolues d' y
passer leur vie dans la retraite, et attirées
par la piété solide qu' elles voyoient pratiquer
dans ce monastère.
En effet, il n' y avoit point de maison religieuse
qui fût en meilleure odeur que Port-Royal. Tout
ce qu' on en voyoit au dehors inspiroit de la
piété. On admiroit la manière grave et touchante
dont les louanges de Dieu y étoient chantées,
la simplicité et en même temps la propreté
de leur église, la modestie des domestiques, la
solitude des parloirs, le peu d' empressement
des religieuses à y soutenir la conversation,
leur peu de curiosité pour savoir les choses
du monde, et même les affaires de leurs proches ;
en un mot, une entière indifférence pour tout ce
qui ne regardoit point Dieu. Mais combien les
personnes qui connoissoient l' intérieur de ce
monastère y trouvoient-elles de nouveaux sujets
d' édification ! Quelle paix ! Quel silence !
Quelle charité ! Quel amour pour la pauvreté et
pour la mortification ! Un travail sans relâche,
une prière continuelle, point d' ambition que
pour les emplois les plus vils et les plus
humiliants, aucune impatience dans les soeurs,
nulle bizarrerie dans les mères, l' obéissance
toujours prompte, et le commandement toujours
raisonnable.
Mais rien n' approchoit du parfait désintéressement
qui régnoit dans cette maison. Pendant plus de
soixante ans qu' on y a reçu des religieuses, on
n' y a jamais entendu parler ni de contrat ni de
convention tacite pour la dot de celle qu' on
recevoit. On y éprouvoit les novices pendant
deux ans. Si on leur trouvoit une vocation
véritable, les parents étoient avertis que leur
fille étoit admise à la profession, et l' on
convenoit avec eux du jour de la cérémonie. La
profession faite, s' ils étoient riches, on
recevoit comme une aumône ce qu' ils donnoient,
et on mettoit toujours à part une portion de cette
aumône pour en assister de pauvres familles, et
surtout de pauvres

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communautés religieuses. Il y a eu telle de ces
communautés à qui on transporta tout à coup une
somme de vingt mille francs, qui avoit été léguée
à la maison ; et ce qu' il y a de particulier,
c' est que dans le même temps qu' on dressoit chez
un notaire l' acte de cette donation, le
pourvoyeur de Port-Royal, qui ne savoit rien
de la chose, vint demander à ce même notaire de
l' argent à emprunter pour les nécessités
pressantes du monastère.
Jamais les grands biens ni l' extrême pauvreté
d' une fille n' ont entré dans les motifs qui
la faisoient ou admettre ou refuser. Une
dame de grande qualité avoit donné à
Port-Royal, comme bienfaitrice, une somme
de quatre-vingt mille francs. Cette somme fut
aussitôt employée, partie en charités, partie
à acquitter des dettes, et le reste à faire
des bâtiments que cette dame elle-même avoit
jugés nécessaires. Elle n' avoit eu d' abord
d' autre dessein que de vivre le reste de ses
jours dans la maison, sans faire de voeux ;
ensuite elle souhaita d' y être religieuse. On
la mit donc au noviciat ; et on l' éprouva
pendant deux ans avec la même exactitude que
les autres novices. Ce temps expiré, elle
pressa pour être reçue professe. On prévit tous
les inconvénients où l' on s' exposeroit en la
refusant ; mais comme on ne lui trouvoit
point assez de vocation, elle fut refusée tout
d' une voix. Elle sortit du couvent, outrée de
dépit, et songea aussitôt à revenir contre la
donation qu' elle avoit faite. Les religieuses
avoient plus d' un moyen pour s' empêcher en
justice de lui rien rendre ; mais elles ne
voulurent point de procès. On vendit des rentes,
on s' endetta ; en un mot, on trouva moyen de
ramasser cette grosse somme, qui fut rendue à cette
dame par un notaire en présence de M. Le Nain,
maître des requêtes, et de M. Palluau,

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conseiller au parlement, aussi charmés tous deux
du courage et du désintéressement de ces filles,
que peu édifiés du procédé vindicatif et
intéressé de la fausse bienfaitrice.
Un des plus grands soins de la mère Angélique,
dans les urgentes nécessités où la maison se
trouvoit quelquefois, c' étoit de dérober la
connoissance de ces nécessités à certaines
personnes qui n' auroient pas mieux demandé
que de l' assister. " mes filles, disoit-elle
souvent à ses religieuses, nous avons fait
voeu de pauvreté : est-ce être pauvres que
d' avoir des amis toujours prêts à vous faire
part de leurs richesses ? "
il n' est pas croyable combien de pauvres familles,
et à Paris et à la campagne, subsistoient des
charités que l' une et l' autre maison leur
faisoient. Celle des champs a eu longtemps un
médecin et un chirurgien, qui n' avoient presque
d' autre occupation que de traiter les pauvres
malades des environs, et d' aller dans tous les
villages leur porter les remèdes et les autres
soulagements nécessaires. Et depuis que ce
monastère s' est vu hors d' état d' entretenir
ni médecin ni chirurgien, les religieuses ne
laissent pas de fournir les mêmes remèdes. Il
y a au dedans du couvent une espèce d' infirmerie
où les pauvres femmes du voisinage sont saignées
et traitées par des soeurs dressées à cet emploi,
et qui s' en acquittent avec une adresse et une
charité incroyables. Au lieu de tous ces ouvrages
frivoles, où l' industrie de la plupart des autres
religieuses s' occupe pour amuser la curiosité
des personnes du siècle, on seroit surpris de
voir avec quelle industrie les religieuses de
Port-Royal savent rassembler jusqu' aux plus
petites rognures d' étoffes pour en revêtir des
enfants et des femmes qui n' ont pas de quoi se
couvrir, et en combien de manières leur charité
les rend ingénieuses pour assister les

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p427

pauvres, toutes pauvres qu' elles sont elles-mêmes.
Dieu, qui les voit agir dans le secret, sait
combien de fois elles ont donné, pour ainsi
dire, de leur propre substance, et se sont ôté
le pain des mains pour en fournir à ceux qui
en manquoient ; et il sait aussi les ressources
inespérées qu' elles ont plus d' une fois
trouvées dans sa miséricorde, et qu' elles ont
eu grand soin de tenir secrètes.
Une des choses qui rendoit cette maison plus
recommandable, et qui peut-être aussi lui a
attiré plus de jalousie, c' est l' excellente
éducation qu' on y donnoit à la jeunesse. Il
n' y eut jamais d' asile où l' innocence et la
pureté fussent plus à couvert de l' air
contagieux du siècle, ni d' école où les vérités
du christianisme fussent plus solidement
enseignées. Les leçons de piété qu' on y
donnoit aux jeunes filles faisoient d' autant
plus d' impression sur leur esprit, qu' elles les
voyoient appuyées, non-seulement de l' exemple
de leurs maîtresses, mais encore de l' exemple
de toute une grande communauté, uniquement
occupée à louer et à servir Dieu. Mais on
ne se contentoit pas de les élever à la piété,
on prenoit aussi un très-grand soin de leur
former l' esprit et la raison ; et on travailloit
à les rendre également capables d' être un jour
ou de parfaites religieuses, ou d' excellentes
mères de familles. On pourroit citer un grand
nombre de filles élevées dans ce monastère, qui
ont depuis édifié le monde par leur sagesse et
par leur vertu. On sait avec quels sentiments
d' admiration et de reconnoissance elles ont
toujours parlé de l' éducation qu' elles

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p428

y avoient reçue ; et il y en a encore qui
conservent, au milieu du monde et de la cour,
pour les restes de cette maison affligée, le
même amour que les anciens juifs conservoient,
dans leur captivité, pour les ruines de
Jérusalem. Cependant, quelque sainte que fût
cette maison, une prospérité plus longue y auroit
peut-être à la fin introduit le relâchement ;
et Dieu, qui vouloit non-seulement l' affermir
dans le bien, mais la porter encore à un plus
haut degré de sainteté, a permis qu' elle fût
exercée par les plus grandes tribulations qui
aient jamais exercé aucune maison religieuse.
En voici l' origine.
Tout le monde sait cette espèce de guerre qu' il
y a toujours eu entre l' université de Paris
et les jésuites. Dès la naissance de leur
compagnie, la Sorbonne condamna leur institut
par une censure, où elle déclaroit, entre autres
choses, que cette société étoit bien plus née
pour la destruction


La discussion

      Le jansénisme, de Chantal (193.249.38.xxx) [2003-06-23 22:39:45]
          toutes ?, de EA [2003-06-24 11:23:56]
              101 condamnations par Clement XI, de EA [2003-06-24 11:45:31]
          Re : Le jansénisme, de Torquemada [2003-06-24 12:14:20]
              Un vaste sujet..., de Audacis [2003-06-24 21:31:19]
                  à AUDACIS, de appuleius [2003-06-26 11:14:20]
              Re : Le jansénisme, de Anonyme (80.11.217.xxx) [2003-06-25 00:36:13]
                  Re : Le jansénisme, de appuleius [2003-06-28 21:43:59]