le fameux document secret Ottaviani
Tardivel -  2003-09-14 01:31:06

le fameux document secret Ottaviani

EA demandait ailleurs si quelqu'un savait quelque chose sur ce document portant la signature du cardinal pro-préfet du Saint-Office sous Pie XII et Jean XIII. Ci-dessous trois liens: traduction anglaise, texte latin, et réaction de CWN (Catholic World News). J'ai lu le texte anglais et le but de celui-ci n'est absolument pas d'énoncer un principe de protection en quelque sorte corporatiste des prêtres fautifs. En fait, il s'agit d'un guide de procédure en droit canonique pour orienter le traitement judiciaire (interne) des cas de "sollicitation", étant définis comme n'importe quelle situation oû un prêtre se sert de son ministère pour tenter un(e) pénitent(e), majeur ou non. Ce n'est donc pas restreint aux affaires de pédophilie ni même aux péchés consommés, si j'ose ainsi m'exprimer. Ce document s'adresse aux évêques du monde entier, à qui le Saint-Office rappelle qu'il est de leur responsabilité de juger ces affaires, probablement parce que cela ne les intéressait pas plus qu'aujourd'hui de s'en occuper, ou parce qu'ils essayaient de s'en décharger sur Rome. Ce guide juridique utilise évidemment un langage spécialisé qui n'a rien pour engager le lecteur à se rendre au bout de ses 39 pages, ce qui facilitera la tâche de ceux qui lui font dire n'importe quoi. Il est bien vrai que la règle du secret de ces enquêtes y est fortement soulignée, cependant il ne s'agit pas là d'une politique adoptée en un temps oû le Saint-Siège aurait, par hypothèse, commencé à voir venir de sérieux problèmes sur le front de la moralité des prêtres, mais plutôt du rappel d'une norme édictée par une précédente instruction du Saint-Office qui remontait à 1867. Maintenant, on peut toujours se demander si une telle règle ausi absolue avait encore un fondement valable en 1962, dans le contexte d'un Occident sécularisé et pluraliste, pour le meilleur et pour le pire... Mais ce rappel n'est pas l'objet du document, seulement une remarque préliminaire. L'instruction de 1962 semble dire que le genre de cas dont elle parle ne se rencontre pas si fréquemment et que c'est une des raisons pour lesquelles elle a été rédigée, puisque les évêques n'en voient pas souvent et que c'est eux qui doivent en juger. Était-ce vrai en 1962? Quoi qu'il en soit, le texte dit "de peur que ces crimes demeurent cachés et impunis avec un grand dommage pour les âmes..." et affirme (en rappelant à ce propos une norme édictée par Benoît XIV en 1741) que les victimes ont le devoir en conscience de dénoncer le prêtre fautif... en confession. Là, j'avoue ne pas comprendre et j'ai l'impression que la traduction anglaise est approximative. Que pourrait faire le confesseur avec une telle dénonciation? Probablement que le sens est plutôt que la victime doit dénoncer le prêtre (à son évêque) après s'être confessée, car il est aussi mentionné que le confesseur doit avertir le pénitent de son devoir. On ajoute que celui qui ne dénonce pas le prêtre qui l'a tenté après avoir été averti de son devoir est automatiquement excommunié après un mois et ne peut être absous tant qu'il ne l'a pas fait. Le document poursuit plus loin en précisant de quelle façon les dénonciations doivent être recueillies, la règle étant par écrit, sauf en des circonstances exceptionnelles oû il serait difficile ou impossible pour la victime de rencontrer un officiel (on réfère sans doute ici à la situation de sujets vivant en communauté et ayant peu de contacts avec l'extérieur). On traite même des dénonciations anonymes qui ne doivent qu'exceptionnellement être considérées, lorsque des indices concordants sont observés. Lors de l'enquête il est spécifié qu'on ne doit pas demander à la victime si elle a consenti à la sollicitation et s'il le faut, on doit même lui dire expressément qu'elle n'a pas à le dire, sans doute pour la rassurer. Ce ne sont là que quelques éléments glanés dans ce texte dont la plus grande partie du contenu est réellement de portée plus disciplinaire et procédurale que pastorale ou morale en tant que telle. Il me semble que si cette instruction avait été vraiment appliquée aux États-Unis, il n'y aurait pas aujourd'hui le scandale qu'on connaît. En effet, le drame n'est pas que les évêques américains aient abusé de leur autorité dans ces affaires, mais bien au contraire qu'ils l'aient abdiquée. En 2002 la conférence épiscopale a adopté une politique de tolérance zéro en matière de pédophilie, comme si le droit canon de l'époque n'avait pas traité de ce type d'infractions que l'instruction de 1962 appelle "le pire des crimes". Mais qui se souciait du vieux code de 1917 dans les années 60 et 70? Cela dit, on peut aussi penser que cette instruction n'était pas très réaliste dans sa manière de traiter les questions de conscience sur un mode judiciaire et administratif, par exemple en faisant une obligation à la victime de dénoncer le fautif "dans le mois" et ce, sous peine d'excommunication! C'est oublier la confusion et la honte des victimes qui en vivent apparemment beaucoup plus que les abuseurs... En tous cas, je soupçonne que le document du Saint-Office est resté enfermé dans les archives secrètes oû les évêques avaient instruction de le conserver prudemment. S'ils l'avaient lu, je suppose qu'ils en auraient fait corriger le texte oû de nombreux mots manquent comme si un secrétaire pressé l'avait transcrit à la va-vite pour en finir (le texte en lien ci-dessous est une photocopie). Tardivel http://www.cbsnews.com/htdocs/pdf/Criminales.pdf http://www.cbsnews.com/htdocs/pdf/crimenlatinfull.pdf http://www.domusdei.com/secret%20vat%20doc.htm