Voici ce qu'en disait l'abbé Barthe
La Favillana -  2010-10-20 18:27:06

Voici ce qu'en disait l'abbé Barthe

en 2009 dans "Les oppositions romaines au Pape", Editions Hora Decima, pp. 31-33 :

Mais la nomination qui a le plus surpris les amis de Benoît XVI a été celle, ici encore poussée par le cardinal Re, de Mgr Gianfranco Ravasi, exégète italien de haut niveau, devenu président du Conseil pour la Culture – ministre de la Culture du Pape, comme on dit – en remplacement du cardinal Poupard. Mgr Ravasi avait exprimé son désappointement lorsque le cardinal Castrillón avait célébré une messe tridentine à Sainte-Marie-Majeure, le 24 mai 2003, dans un commentaire publié par Avvenire (le journal qui exprime la ligne dominante de l’épiscopat italien), le 12 juin 2003. Le très « progressiste » National Catholic Reporter(3) le donne même comme un des meilleurs papabiles libéraux pour le futur conclave. Encore faudrait-il qu’il devienne cardinal. Quels étaient les rapports de ce bibliste milanais avec le cardinal Ratzinger ? Il avait su se faire apprécier de lui, qui en avait fait un membre de la Commission théologique internationale et un membre de la Commission biblique pontificale depuis 1995. Il avait cependant été « barré » par lui pour une nomination à l’évêché d’Assise et à la prélature de Lorette. Aussi intelligent qu’il se soit montré dans ses études sur le fonctionnement de la poésie biblique et ses vulgarisations d’excellent niveau, qui correspondaient tout à fait au mode de fonctionnement intellectuel de Joseph Ratzinger, ses « différences » avec lui en en matière d’exégèse étaient difficilement contestables. Bien connue est la critique de Joseph Ratzinger à l’encontre des présupposés philosophiques des Bultmann et Dibelius, lesquels ont conclu à l’impossibilité pratique de connaître le « Jésus de l’histoire » à partir des Évangiles, qui ne témoigneraient, selon eux, que du « Jésus de la foi ». Une déformation voulue ? Or, à bien des égards, Gianfranco Ravasi semble n’être pas tout à fait sorti de l’influence de la vieille Form-geschichte, l’histoire des formes littéraires, telle qu’issue de Bultmann. D’où une divergence entre Mgr Ra-vasi et le Pape sur ce point fondamental – peut-on appréhender le « Jésus de l’histoire » ? – apparue de manière publique et tout à fait singulière lors de la parution d’une nouvelle édition – édition illustrée – de Jésus de Nazareth, en octobre 2008 aux éditions Rizzoli. Joseph Ratzinger dans la préface de Jésus de Nazareth avait écrit, visant les héritiers de Bultmann : « J’ai voulu faire la tentative de présenter le Jésus des Évangiles comme le Jésus réel, comme le Jésus historique en un sens vrai et propre. » Or, dans l’introduction qu’il donne à cette édition, Mgr Gianfranco Ravasi cite ainsi le Pape : « J’ai voulu faire la tentative de présenter le Jésus des Évangiles comme le Jésus réel ». Point. Et Mgr Ravasi commente cette citation tronquée – et tronquée de ce qui lui donne toute sa force – de manière sidérante : « On note l’adjectif “réel” : il n’est pas automatiquement synonyme d’“historique”, parce que nous savons que de nombreux évènements ne sont pas enregistrés, susceptibles d’être documentés et vérifiables historiquement, bien qu’ils soient profondément réels. En Jésus coexistent des dimensions diverses, historiques, mystiques et transcendantes. » Suivent des considérations qui visent à montrer un Jésus réel dans sa complexité historique et théologique. On imagine l’émotion à Rome et en Italie. « Pour le Pape “réel” est synonyme d’“historique”, pour son ministre de la Culture, non », ironisait Massimo Pandolfi dans La Nazione (21 octobre 2008). Certes, les propos de Mgr Gianfranco Ravasi pourraient s’entendre, en soi, de manière presque orthodoxe – une orthodoxie un peu gênée de l’être – mais il reste évident qu’il a au minimum « gazé » la pensée de l’auteur (garzato, recouvert d’un voile de gaze), selon l’expression consacrée en matière de correction des discours pontificaux.