J'arrive de voir l'abbé Berche.
Abbé Philippe Laguérie -  2010-02-20 23:55:19

J'arrive de voir l'abbé Berche.

Je ne l'avais pas vu depuis plus de quinze jours, mon départ au Brésil, puis à Rome. Quel changement, tout de même, dont ne se seront pas aperçu ceux qui le visitent plus souvent. Il entend parfaitement les propos qu'on lui tient, réagit à bon nombre d'entre eux, tourne la tête vers sa mère ou moi, selon que l'un ou l'autre lui parle, de part et d'autre du lit. Quand mes propos se font vifs et concrets (notre futur séminaire, notre église au Brésil, ma visite à Rome etc.) il me fixe des yeux et semble me dire: "encore"! Quand je lui dis qu'il nous manque, que la comptabilité, sans lui, c'est le casse-tête, que nous l'attendons pour de bonnes crêpes-maison, il va même jusqu'à articuler de ses lêvres impuissantes. Car il ne peut émettre aucun son à cause de sa trachéotomie. Mais la volonté toute puissante de notre Alexandre est là, qui semble nous dire déjà ce que sa faiblesse nous masque. L'infirmière doit bien en convenir: d'un parreil choc, elle n'a vu personne se remettre aussi dru. Je prie avec lui, pour lui. Je lui donne une petite absolution au passage: après tout, s'il la voulait, la souhaitait, lui qui est dispensé de la confession. Non pas que je pense qu'il en ait besoin, mais que, sa pensée étant là et les heures sûrement si longues... Et surtout cette volonté de faire ce que je voudrais qu'on me fît. Puis je rentre heureux, sur ma moto. Et là, les flics m'arrêtent en bas du boulevard des Gobelins, pour un banal contôle de papiers. Je suis parfaitement en rêgle, mais n'ai aucun papier sur moi. Je suis parti un peu vite, voila tout. Il m'emmènent au poste. Je vais passé trois heures un quart entre les garde-à-vue de la veille et les interpellés du jour. Et je vous dis pas ce qu'ils avaient fait. Ah, elle est belle notre France. Et quand je pense qu'il y a encore des nationalistes... J'offre ça pour l'abbé et puis, tiens, je vais me coucher.