Faut-il boycotter France Catholique ?
XA -  2010-02-18 21:59:34

Faut-il boycotter France Catholique ?

Cher Monsieur qui tendez à distribuer vos bons points et vos brevets de catholicité à l'envi, je suppose que Gérard Leclerc fera désormais partie du club des bannis que vous ne lirez plus. Souhaitons-vous de belles funérailles et un jugement moins sévère de vos proches ou de ceux qui vous ont connu. Une chose est certaine : il pèsera bien peu aux yeux de Dieu. C'est rassurant. XA ______________________________ Mort de l’abbé Georges de Nantes France Catholique - jeudi 18 février 2010 Photo : L’abbé de Nantes en 2004 © CRC La mort de l’abbé Georges de Nantes (le 15 février, à l’âge de 85 ans), privé de l’hospitalité de l’église de son village de Saint-Parres-lès-Vaudes pour ses obsèques, est un vrai sujet de tristesse pour ceux qui sont attachés à la simple sollicitude qu’un chrétien conçoit pour l’âme du prochain. A fortiori lorsqu’il s’agit d’un frère dans la foi, s’il s’agit d’un prêtre et, notamment, d’un personnage qui a incarné la crise de l’Église durant la dépression post-conciliaire. Qui pourrait se satisfaire de cette rupture qui apparaît sans remède et retranche de la communion ecclésiale un homme qui fit profession d’aimer l’Église ? Non, c’est décidément trop accablant, et ce ne sont pas les stigmates de la réprobation qui pourront consoler du gâchis intolérable qui résulte d’une histoire douloureuse à pleurer. Il y avait du Lamennais dans Georges de Nantes. Il en avait l’envergure intellectuelle, les dons multiples. Tous les services pastoraux et les tâches d’enseignement qui lui furent confiés, il les assuma brillamment et même parfois trop bien. Quand un être est aussi pourvu de dons qu’il le fut, il n’échappe pas à certains tentations supérieures, la première étant la prétention de tout comprendre mieux que les autres et de dominer en voulant avoir raison y compris contre l’autorité ecclésiale. En un certain sens, de Nantes a été plus décisif que Lamennais dans son face à face avec Rome. Quelle inflexible volonté que celle qui veut à tout fin que le Pape déjuge un concile et se déjuge lui-même ! Dédaignant l’action d’un Marcel Lefebvre, qu’il accuse de créer un embryon de schisme, il exige l’arbitrage de Pierre, comme jadis, Paul exigea celui de César ! Il accuse Paul VI et Jean-Paul II, dédaignant également les intermédiaires et les restrictions mentales. Comme pour le pauvre « Féli » tant d’obstination de la volonté et tant de prétention à faire soi-même changer le sort du christianisme devaient provoquer la plus aride des solitudes. Dans l’Église, objet unique de toutes ses passions ! La grande faute initiale aura été le repli dans le superbe exil de la thébaïde de Saint-Parres-lès-Vaudes, parce qu’ainsi, il se retranchait de toute régulation extérieure à la sienne. Il devenait le centre du monde, l’unique référence d’un entourage et d’un public éblouis de l’entendre prêcher et prophétiser. Peu importait qu’il dérapât. Ses fidèles étaient disposés à tout lui pardonner dès lors que, seul chêne dans la tempête universelle, il continuait à maintenir la seule vérité. Mais Pierre Boutang, qui le connaissait et ne le mésestimait pas, avait vu juste tout de suite : Saint-Parres serait son Vaudémont, sa colline de Sion. Du moins celle du Barrès de La colline inspirée. Il connaîtrait le sort malheureux des frères Baillard, ces prêtres que le romancier a imaginés, partant de la plus rigoureuse orthodoxie pour s’adonner à une pure hérésie gnostique. Georges de Nantes a-t-il été jusque là ? Il a malheureusement professé des théories absurdes, réimaginant le dogme à sa manière, sur des sujets aussi centraux que la théologie trinitaire, la christologie, la place de la Vierge Marie. Était-ce la rançon de sa superbe ? Il est trop délicat d’en juger comme de juger de la psychologie et de l’intime conviction d’un homme qui connaît désormais le dessein de Dieu. Doit-on faire reposer sur lui la seule responsabilité d’une dérive qui provoqua et provoque encore bien des souffrances ? Là encore, tout jugement s’expose à la témérité. L’a-t-on confirmé dans sa solitude ? A-t-on répondu à ses requêtes lorsqu’elles n’étaient pas sans quelques justifications ? Parfois un Yves Congar a paru sensible à sa singulière posture. Moins que jamais, à cette heure, l’indifférence et l’excès de satisfaction de soi ne sont de mise. Que Georges de Nantes soit accueilli dans la douce pitié de Dieu et que la sollicitude de l’Église accueille ceux et celles qu’il abandonne sur la route. Gérard LECLERC