12-13 juin, Ecône
Meneau -  2009-04-23 22:42:48

12-13 juin, Ecône

15 jours avant les sacres, Mgr Lefebvre a rassemblé les 4 évêques à Ecône pour organiser la cérémonie. Dans la petite chambre de l'oratoire St Marcel il leur a fait deux conférences privées, reconstituées à partir de notes prises pendant ces entretiens, et parus dans Le Sel de la Terre n°28 12 juin

— Mgr Lefebvre : C’est fini. Plus de pourparlers. Plus on réfléchit, plus on se rend compte que les intentions de Rome ne sont pas bonnes. La preuve : ce qui s’est passé avec Dom Augustin et le père de Blignières 1. Ils veulent tout rallier au Concile, tout en nous laissant un peu de Tradition. M. de Saventhem prétend qu’il y a encore moyen de s’entendre avec Rome. Mais il ne s’agit pas ici de petites choses. A Rome, ils restent ce qu’ils sont ; on ne peut pas se mettre dans les mains de ces gens-là. Nous ne voulons pas nous laisser manger. C’est une illusion de Dom Gérard de penser qu’un accord nous donnerait un immense apostolat. Oui, mais dans un cadre équivoque, ambigu, qui nous pourrirait. On nous dit : « Vous aurez davantage de vocations si vous êtes avec Rome… » Mais ces vocations, si nous disions quoi que ce soit contre Rome, s’opposeraient et empesteraient nos séminaires. Et les évêques leur diraient : « Alors, venez avec nous ! » Tout doucement, le mélange se ferait. Les soeurs de Saint-Michel-en-Brenne, les dominicaines de Fanjeaux et de Brignolles sont toutes contre un accord : « Il ne faut pas dépendre de Ratzinger, disent-elles. Imaginez : s’il venait nous faire des conférences !… et nous diviser ! » Et si quelques-uns nous quittent ? Ce ne serait pas si grave qu’en 1977. Les abbés Blin, Gottlieb et Cie, sont aujourd’hui tous ralliés et dispersés. Il faut une deuxième décision contre la Rome néomoderniste (après la première, en 1976). Que voulez-vous faire ?… Est-ce plus grave, cette fois ? Le problème de fond reste le même : Rome veut anéantir la Tradition. Quant aux sédévacantistes, ils sont hargneux contre nous. C’est par rapport à l’Église, au service de la Fraternité Saint-Pie X, que je fais ces sacres, comme stipulé dans le protocole du 5 mai. C’est la Fraternité qui est l’interlocuteur valable auprès de Rome. Il appartiendra au Supérieur Général de reprendre contact avec Rome en temps voulu. Le rôle des évêques consacrés : les ordinations, les confirmations et le maintien de la foi à l’occasion des confirmations. Il vous faudra protéger le troupeau. Ce sera un grand soutien pour la Fraternité. Il faudra une grande entente, sans trop d’initiatives personnelles, par exemple en cas de demandes d’ordinations. N’ordonnez pas des gens seuls. Et examinez bien la communauté d’où viennent les candidats. Rome veut nous faire virer. Après le 30 juin, je reste ici ; j’aurai fini, ayant donné à la Fraternité le cadre qu’il lui faut. Au pape, je dis : quand la Tradition reviendra à Rome, il n’y aura plus de problème. * L’excommunication ? Elle ne vaudrait rien puisqu’ils ne cherchent pas le bien de l’Église. Mais excommunier va les arranger. Ils sont un peu affolés. Ils cherchent à m’atteindre par tous les moyens : de Saventhem, un évêque tchèque, etc. Ils cherchent à m’empêcher d’agir. Ils ont voulu m’envoyer Mère Thérésa de Calcutta. Mais ce n’est pas la peine de les recevoir. Il n’y a pas à revenir indéfiniment là-dessus. Il n’y a qu’à lire la lettre de l’abbé C. qui a débauché nos séminaristes en les éloignant de nous : il avoue qu’on les traite de parias, qu’on les oblige à enlever la soutane,qu’on ne les reçoit pas. Il a découvert ce qu’est Rome. « Mater Ecclesiæ » : voilà ce qu’ils veulent faire de nous 1 ! Et Ratzinger, au moment de cette affaire, se réjouissait du départ de ces séminaristes. Alors, pourquoi tiendraient-ils aujourd’hui parole avec nous ? Dieu nous a protégés en faisant que l’accord n’aboutisse pas.

13 juin

— Mgr Lefebvre : Soyez remerciés de la part de la Fraternité. Au fond, Rome ne répond jamais à la question essentielle. Ils nous demandent une déclaration, ils nous obligent à adhérer à un minimum de ce qu’ils pensent, mais jamais il n’est question de leur fond libéral et moderniste. Tandis que moi, je remets constamment sur le tapis leur modernisme. * [Au sujet de la lettre du 2 juin 2 :] Les colloques, bien que courtois, nous ont convaincus que le moment d’une entente n’est pas encore venu. Il nous faut une protection contre l’esprit d’Assise. Nous n’avons jamais de réponses à nos objections, jamais ! Toutes les bagarres n’ont servi à rien. Nous poursuivons, eux et nous, deux buts différents dans ces colloques. Nous, nous attendons que la Tradition revienne à Rome ; mais eux, jamais ils ne bougent. La réponse du Saint-Père à ma lettre dit ceci [en substance] : « Soucieux de l’unité, j’ai fait faire ces colloques. Le 5 mai [date de la signature du protocole] permettait à la Fraternité de continuer dans l’Église, selon les 21 conciles, jusqu’à et y compris Vatican II… » J’ai fait une réponse orale. Aucune réponse de Rome pour le moment. * Un de nos prêtres de la Fraternité m’a proposé de faire une lettre de pardon. Mais j’ai répondu que, devant Dieu, c’est nous qui devrions leur demander de prononcer le serment antimoderniste et d’accepter Lamentabili, Quanta Cura. C’est à nous de les questionner sur la foi. Mais ils ne répondent pas. Ils ne font que confirmer leurs erreurs. Le 12 juin, M. de Saventhem m’a dit : « C’est vous qui porterez la responsabilité. » Je lui ai répondu : « Voyez la lettre de l’abbé C. sur Mater Ecclesiæ. L’abbé écrit : “Je regrette tout”. Il y a également sa lettre de supplication au cardinal Ratzinger. Il a fait plusieurs lettres au cardinal : aucune réponse ! Pendant deux ans, ils se sont moqués de ces jeunes qui sont obligés de s’aligner. » Garrone, Innocenti, Ratzinger : c’est le même esprit par rapport à nous… Fontgombault, Port-Marly, toujours la même chose : l’évêque local a raison, la Tradition a tort. * Saventhem dit que ce sont de petits détails ! Mais il y a tout un tas de conséquences, derrière ; ils désirent emmener nos oeuvres vers l’esprit conciliaire. Si nous avions accepté, nous serions morts ! Nous n’aurions pas duré un an. Il aurait fallu vivre en contact avec les conciliaires, tandis qu’actuellement, nous sommes ensemble. Si nous avions dit oui, cela aurait été la division à l’intérieur de la Fraternité ; tout nous aurait divisé. De nouvelles vocations viendraient parce que nous serions avec Rome, nous dit-on. Mais ces vocations ne supporteraient aucune distance d’avec Rome, aucune critique : ce serait la division ! Actuellement, les vocations se trient d’elles-mêmes. Voyez : Mgr Decourtray offre à l’abbé Laffargue une paroisse traditionnelle, à condition de quitter la Fraternité… Ils ramassent nos fidèles, ils nous amènent au Concile… C’est pourquoi, nous sauvons la Fraternité et la Tradition en nous éloignant prudemment. Nous avons fait un essai loyal ; nous nous sommes demandés si nous pouvions continuer cet essai, tout en étant protégés : cela s’est avéré impossible. Ils n’ont pas changé, sinon en pire. Un exemple : les démarches de Mgr Casaroli à Moscou… Nos fidèles seront fous de joie. Ils diront : « la Tradition continue ». Ce sera « ouf » à 90 %. Nous n’aurions pas eu l’évêque pour le 15 août. Mgr Schwery a dit à la télévision et à la radio que le Vatican a refusé nos candidats. Si c’était Dom Gérard, l’abbé Pozzetto, l’abbé Laffargue, ils accepteraient ; mais pas nos candidats. Alors, ils auraient remis, remis, indéfiniment… En tout cela, M. de Saventhem raisonne comme s’il était des leurs. * Votre rôle, en tant qu’évêques, sera de donner les sacrements et d’assurer la prédication de la foi. Vous êtes au service de la Fraternité. Rome a traité avec moi à cause de la Fraternité qui est un organe valable. Ayez une très grande union entre vous pour donner de la force à la Tradition. Ce sera au Supérieur Général de prendre les décisions. Attention aux réordinations sous condition : presque tous ceux qui sont dans ce cas nous abandonnent. Il faut plus re-confirmer que ré-ordonner. Le même prêtre m’a fait savoir que, dans l’Osservatore Romano, Rome dit qu’il y aura une déclaration d’excommunication. J’ai répondu encore que consacrer des évêques n’est pas en soi schismatique. L’excommunication ne figurait pas dans l’ancien Code. Ce n’est que depuis Pie XII et la consécration des évêques patriotiques chinois que cela a été déclaré schismatique. A Rome, ils sont très énervés. Saventhem me donne le numéro de téléfax du cardinal Ratzinger. Ils ont le Sida spirituel. Ils n’ont plus la grâce, ils n’ont plus de système de défense. Je ne crois pas qu'on puisse dire que Rome n'a pas perdu la Foi. Les désagréments des sanctions diminueront avec le temps. Le petit peuple comprendra, c’est le clergé qui réagira… Les témoins de la foi, les martyrs, ont toujours à choisir entre la foi et l’autorité. Nous vivons le procès de Jeanne d’Arc ; mais, dans notre cas, cela ne se passe pas d’un seul coup, c’est sur vingt ans.

Cordialement Meneau