Références et "mathématique dogmatique"
N.M. -  2009-02-13 11:09:51

Références et "mathématique dogmatique"

J'entends bien que "votre bibliothèque personnelle n'est pas la bibliothèque nationale", mais vous savez comme moi et sans doute mieux que moi qu'on ne peut pas s'appuyer en tout et pour tout sur un manuel de la collection "Nouvelle Clio". Je le dis d'autant plus volontiers qu'il m'a rendu grand service, mais ayant quelque peu étudié l'histoire du Grand Schisme, par exemple, j'ai pu notamment me rendre compte que l'on ne pouvait pas suivre F. Rapp en tout et pour tout. Mais cela n'a rien de surprenant. Recommanderiez-vous, sans émettre l'ombre d'une réserve, l'étude de la Contre-Réforme (ou Réforme catholique, comme vous voudrez) à travers le manuel de Jean Delumeau dans la même collection ? Autre exemple. Vous portez le Chanoine Aubert aux nues. Il me semble tout de même que le "spécialiste" en question n'est pas excessivement fiable. On ne peut pas dire qu'Aubert soit d'une sereine objectivité à l'endroit de Pie IX ou de la majorité au concile Vatican I. La minorité en revanche, a droit à toute sa bienveillance et à un surcroît disproportionné d'éclairage. Remarquez, c'est de ce point de vue d'une grande richesse, puisque l'on apprend beaucoup de choses sur les vaincus de Vatican I. Mais il y a là un très net parti pris qui doit nous inciter pour le moins à la prudence... J'ai d'ailleurs remarqué au passage que vous citiez Guidi comme représentatif de la majorité au concile Vatican I. C'est tout de même faire peu de cas du tollé déclenché par l'intervention du Cardinal Guidi en date du 18 juin 1870. Tollé jusques et y compris dans les rangs "modérés" de la majorité, et bien sûr tollé de Pie IX lui-même. La Tradizione son'io ! L'épisode est bien connu (et Aubert y fait référence en pp. 353-354 de son Pontificat de Pie IX). Que le concile oecuménique Latran V ait été non seulement "pastoral" mais encore "dogmatique", personne de sérieux n'en disconvient. La Constitution Apostolici regiminis (19 décembre 1513) en fait foi. Que la part "pastorale" l'emporte quantitativement très largement sur la part "dogmatique", personne n'en disconvient non plus, et certainement pas moi. Concernant Latran V et la primauté du pape, je m'étonne que vous accordiez si peu de considération à la courte mais substantielle déclaration de la Bulle Pastor Aeternus (19 décembre 1516). Je m'étonne également que vous veniez mêler à cela la définition dogmatique solennelle, par le Concile Vatican I, de l'infaillibilité pontificale. De soi, les deux questions sont distinctes. Si j'ai bon souvenir, Guillaume d'Occam a pu nier l'infaillibilité pontificale tout en affirmant la primauté du pape. Je m'étonne encore que vous puissiez faire valoir que l'objet d'une définition dogmatique à un moment donné soit comme nécessairement matière libre avant ladite définition. L'Assomption était-elle matière libre avant la définition de 1950 ? L'Immaculée Conception était-elle matière libre avant 1854 ? Evidemment non. Je m'étonne enfin que vous puissiez tirer argument de la non-réception d'un concile ou d'une bulle, dans telle ou telle partie de l'Eglise universelle, pour en arriver (apparemment ?) à la conclusion que cette bulle ou ce concile n'a pas fait autorité. Si l'on en juge par la quasi disparition de la théologie des fins dernières dans la prédication des pasteurs post-conciliaires, du moins ceux officiant présentement en France (et les sermons d'enterrement en sont la criante illustration), il faudrait en conclure que le Concile de Lyon II (approbation de la profession de foi de Michel Paléologue) ou la Bulle Benedictus Deus de Benoît XII ne font pas autorité... Vous avez vu dans ce fil que j'étais, dites-vous, " un tenant de l'infaillibilité systématique et absolue". Libre à vous de me coller cette étiquette, mais il me semble qu'une lecture honnête de ce que j'ai pu écrire amène à quelque peu nuancer ce propos. J'essaie de distinguer, à la suite de Franzelin, les "vérités infaillibles" (Journet parle d'"assistance infaillible absolue) qui ne sont pas coextensives à toute parole officielle sortie de la bouche d'un pape ou émanant du corps épiscopal uni au pape, des dispositions de portée universelle émanant de la même autorité, et jouissant d'une "infaillible sécurité" ("assistance prudentielle infaillible", dixit Journet). Terminons par votre question : "Comment "l'infaillibilité" de Paul VI contredit "l'infaillibilité" de Benoît XVI, dans votre cadre d'interprétation ?" J'y réponds comme suit : 1. Je ne tiens pas du tout que les évêques et Paul VI, ou bien les évêques et Benoît XVI (ou Benoît XVI seul) soient le magistère ordinaire et universel. Et ce, pour la raison que je vous ai déjà dite plus haut dans ce fil : ni l'un ni l'autre ne sont réellement revêtus de l'autorité de Pierre. L'un proscrit la vraie Messe. Et l'autre la ravale au rang de "forme extraordinaire" d'un rite dont la "messe de Luther" (le "sauf un" dixit) serait la forme ordinaire. 2. Néanmoins, à supposer que l'un et l'autre soient revêtus de l'autorité de Pierre, je ne vois pas de problème entre l'acte de Paul VI et celui de Benoît XVI, relativement à la cohabitation de la "messe traditionnelle" et du N.O.M. Les dispositions respectives de Paul VI et de Benoît XVI ne relèvent pas de soi de la proposition de l'objet de la foi et des vérités connexes au Donné Révélé. En conséquence, ni l'une ni l'autre intervention n'entrent dans le cadre des "vérités infaillibles" irréformables. Ce sont de soi des dispositions disciplinaires générales de portée universelle. L'une et l'autre sont réformables. Il n'en demeure pas moins que comme toute disposition de ce type, elles jouissent l'une et l'autre d'une "infaillible sécurité" : elles ne peuvent pas être contraires au bien de l'Eglise (mais pour ma part, je tiens qu'elles le sont, d'ou ma réponse au point 1). Je suis navré de vous infliger ces quelques citations dignes de la "mathématique dogmatique", mais elles sont très réellement dirimantes (à des titres différents) :

"Comme si l'Eglise, qui est régie par l'Esprit de Dieu, pouvait constituer une discipline, non seulement inutile et trop lourde à porter pour la liberté chrétienne, mais encore dangereuse, nuisible, et conduisant à la superstition et au matérialisme" Pie VI, Constitution Auctorem fidei, 28 août 1794 [Errores synodi Pistoriensis].


"Est-ce que l'Eglise qui est la colonne et le soutien de la vérité et qui manifestement reçoit sans cesse du Saint-Esprit l'enseignement de toute vérité, pourrait ordonner, accorder, permettre ce qui tournerait au détriment du salut des âmes, et au mépris et au dommage d'un sacrement institué par le Christ ?" Grégoire XVI, Quo graviora (EP 173).


Thèse XII : La puissance législative de l’Eglise a pour matière aussi bien ce qui concerne la foi et les mœurs que ce qui concerne la discipline. En ce qui concerne la foi et les mœurs à l’obligation de la loi ecclésiastique s’ajoute l’obligation de droit divin ; en matière disciplinaire toute obligation est de droit ecclésiastique. Cependant à l’exercice du suprême pouvoir législatif est toujours attachée l’infaillibilité, dans la mesure où l’Eglise est assistée de Dieu pour que jamais elle ne puisse instituer une discipline qui serait de quelque façon opposée aux règles de la foi et à la sainteté évangélique." Card. Billot, De Ecclesia Christi, Rome, 1927, tome 1, p. 477.

L'historien catholique qui traite de l'histoire de l'Eglise catholique doit-il faire fi de la théologie et du magistère catholiques ?