Quelques réponses
N.M. -  2009-02-12 13:49:15

Quelques réponses

Qu'est-ce qu'une définition dogmatique ? Au sens strict, et plus exactement en raison de la forme usitée par le magistère, il s'agit (Salaverri dixit) d'une doctrine définie comme contenue formellement dans la Révélation au moyen d'un jugement solennel (d'un pape ou d'un concile oecuménique). Au sens large, et plus exactement en raison de l'objet proposé par le magistère, il s'agit (toujours Salaverri dixit) d'une doctrine définie comme contenue formellement dans la Révélation. Point barre. [Salaverri, Sacræ Theologiæ Summa, t. I, 5° éd., 1962, p. 799] De telle sorte qu'au "sens large", non seulement les définitions dogmatiques solennelles (jugements solennels directement relatifs au dogme), mais encore les définitions du magistère ordinaire et universel infaillible sont des vérités de foi divine (et catholique), c'est-à-dire des définitions dogmatiques relativement à l'objet proposé par le magistère (vérités proposées comme contenues formellement dans la Révélation).

« Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé » Concile Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius.

Si maintenant on va voir Cartechini [De Valore Notarum Theologicarum, 1951, pp. 134-135], on s’aperçoit en effet qu’un dogme de foi peut être « solennellement défini par un pape ou un concile général » ou bien attestée comme dogme « en vertu du magistère ordinaire, proposé dans les documents officiels et les symboles ». Alors, arrivé à ce stade du raisonnement, je pose une question : les Constitutions, dogmatiques ou pastorales, les Décrets et Déclarations d'un Concile oecuménique dûment promulgué par un vrai et légitime Souverain Pontife, qui vient ce faisant confirmer les Pères conciliaires que sont les évêques, de tels Constitutions, Décrets et Déclarations ne sont-ils pas pour le moins des "documents officiels" ? De là il suit deux conclusions : Première conclusion « Pie credendum est quod nec etiam in his judicium Ecclesiae possit » nous dit saint Thomas d’Aquin. Journet, quant à lui, nous explique dans le même sens qu’une disposition de l’Eglise d’ordre général et de portée universelle jouit de soi d’une assistance prudentielle infaillible « qui garantit la prudence de chacune des mesures d’ordre général », de telle sorte que « ces mesures ne prescriront jamais rien d’immoral et de pernicieux qui blesse soit la loi évangélique soit la loi naturelle » (Théologie de l’Eglise, 1958, p. 173). Par disposition d’ordre général et de portée universelle, il faut entendre non seulement l’exercice du pouvoir législatif, judiciaire et coercitif, mais encore son pouvoir « de marquer prudentiellement les vérités qui acheminent vers ces énoncés de foi [les vérités de foi divine et catholique] ou les erreurs qui en détournent, de ratifier ou de repousser certaines suggestions des théologiens et des philosophes et certaines croyances de la piété populaire » (L’Eglise du Verbe Incarné, t. I, rééd. 1998, pp. 718-719). Il y a donc un pouvoir de magistère, distinct du magistère infaillible à proprement parler – qui consiste à « définir irrévocablement les énoncés de foi » - mais qui est cependant prudentiellement infaillible. « Suivant un mot de Franzelin, s’il n’y a pas encore vérité infaillible, irrévocable, « veritas infaillibilis », il y a pourtant sécurité infaillible, « infaillibilis securitas » » (id., p. 721). De soi, un concile œcuménique, est de destination universelle. De soi, ses dispositions d’ordre général, et notamment son enseignement, jouissent, et jouit, pour le moins (c’est-à-dire hors le cas des « vérités infaillibles irrévocables ») d’une « sécurité infaillible », d’une assistance prudentielle infaillible. Dès lors, dans la mesure où les Constitutions, Décrets et Déclarations de Vatican II ont bel et bien été promulguées par un vrai et légitime Souverain Pontife, ils jouissent d’une « sécurité infaillible », d’une assistance prudentielle infaillible. Ils « ratifient » d’une assistance prudentielle infaillible les « suggestions des théologiens et des philosophes » qu’ils se donnent la peine de ratifier (Rahner, Ratzinger, Lubac, Maritain, Congar, Chenu…). Bien plus, dans la mesure (et réserve !) que j’ai dite, de tels Constitutions, Décrets et Déclarations requièrent alors « l’obéissance intellectuelle et intérieure qui lui est due [au magistère] en conscience » (Journet dixit, id., p. 719). Bref, on reconnaît là la l’assentiment religieux, ou la « foi ecclésiastique » (au sens des théologiens de l’école dominicaine). Dans la mesure où Paul VI était vrai et légitime Souverain Pontife, il est nécessaire à tout catholique d’adhérer d’un assentiment religieux, interne et externe, à tous et chacun des enseignements du Concile Vatican II, même si lesdits enseignements ne sont pas des « vérités infaillibles », mais en raison de ce qu’ils sont nécessairement, de par l’autorité qui les promulgue, des enseignements d’une « sécurité infaillible ». Entendons-nous bien : dans la mesure où Paul VI était vrai et légitime Souverain Pontife… Deuxième conclusion "Certum est quod judicium Ecclesiae universalis errare in his quae ad fidem pertinent, impossibile est" nous dit saint Thomas d’Aquin. A tout le moins l’unanimité morale des évêques confirmés par le pape, cela s’appelle l’Eglise hiérarchique universelle. Maintenant examinons si Vatican II contient oui ou non ne serait-ce qu’un jugement, une définition, relative à la foi. Paul VI stipule, dans un fameux discours du 12 janvier 1966, en s’appuyant sur la « Notification » de Mgr Felici en date du 16 novembre 1964, que les Pères dudit Concile Vatican II ont évité (!) de « donner des définitions dogmatiques solennelles engageant l’infaillibilité ». Et Paul VI de citer la « Notification » Felici : « Etant donné le caractère pastoral du concile, celui-ci a évité de proclamer selon le mode « extraordinaire » des dogmes affectés de la note d’infaillibilité ». Fort bien. Cela signifie que les Pères du Concile ont « évité » de promulguer des définitions dogmatiques solennelles, c’est-à-dire des jugements solennels attestant infailliblement comme formellement révélées telle et telle proposition. Reste que le magistère de l’Eglise, nous l’avons vu en introduction, peut également infailliblement attester qu’une proposition donnée est formellement révélée au moyen de son magistère ordinaire et universel (c’est le Concile Vatican I qui l’enseigne dans sa Constitution Dei Filius). Rappelez-vous Cartechini : il s’agit alors d’un « dogme en vertu du magistère ordinaire, proposé dans les documents officiels et les symboles ». Par conséquent, quand bien même les Pères du Concile Vatican II, qui sont avec un vrai et légitime pape le magistère universel et à tout le moins ordinaire, quand bien même ils ne promulgueraient pas de jugement dogmatique solennel, ils pourraient encore attester infailliblement (infaillibilité du magistère ordinaire et universel) qu’une proposition donnée est un « dogme en vertu du magistère ordinaire, proposé dans les documents officiels ». Et quels « documents » plus « officiels » que les Constitutions, Décrets et Déclarations d’un concile œcuménique ? Reste également que l’Église n’est pas seulement infaillible pour définir quelles sont les vérités formellement révélées. En sus l’Église atteste infailliblement quelles sont les vérités connexes à la Révélation (l’objet second, ou secondaire, du magistère infaillible, ainsi que l’appellent les théologiens : les conclusions théologiques, les vérités de raison et les faits dogmatiques). Et ce, tant au moyen de jugements solennels que de son magistère ordinaire et universel. Là encore, ouvrons Salaverri : il y a d’une part les vérités « de foi définie », c’est-à-dire « liées au révélé et définies comme objet à tenir par un jugement solennel infaillible » (qui n’est pas une définition dogmatique solennelle, car le rapport au dogme n’est plus direct mais indirect) ; il y a d’autre part les vérités « de foi catholique au sens strict », c’est-à-dire « liées au révélé, et proposées comme objet à tenir par le magistère universel infaillible ».

« Nous savons qu'une doctrine nécessairement connexe avec les vérités révélées peut être infailliblement proposée comme "à tenir" par le magistère universel et ordinaire de l'Eglise. » Salaverri, De Ecclesia Christi, n°901.

Par conséquent, quand bien même les Pères du Concile Vatican II ne promulgueraient pas de jugement dogmatique solennel, ils pourraient encore attester infailliblement qu’une proposition donnée est une vérité « de foi définie », au moyen d’un jugement solennel, ou bien qu’une proposition donnée est une vérité « de foi catholique au sens strict », au moyen du magistère ordinaire et universel. Et maintenant passons à l’étude d’un cas pratique, à savoir la proposition centrale de la Déclaration Dignitatis humanæ :

« Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ni empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres. »

Voilà pour la définition de la liberté religieuse par le Concile Vatican II. Une définition complétée par :

« Ce n'est donc pas sur une disposition subjective de la personne, mais sur sa nature même, qu'est fondé le droit à la liberté religieuse. C'est pourquoi le droit à cette immunité persiste en ceux-là même qui ne satisfont pas à l'obligation de chercher la vérité et d'y adhérer ; son exercice ne peut être entravé, dès lors que demeure sauf un ordre public juste. »

Et cette liberté religieuse, toujours selon Vatican II, est fondée sur la Révélation :

« Le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l'ont fait connaître la parole de Dieu et la raison elle-même. »

a) Si l’on en croit Paul VI, les Pères du Concile Vatican II ont « évité » de promulguer des définitions dogmatiques solennelles. Par conséquent, nous tiendrons que les Pères dudit concile ont « évité » d’attester comme formellement révélée ladite proposition centrale de DH. Exit le jugement dogmatique solennel (ou définition dogmatique solennelle) « de foi divine définie ». b) Reste que la proposition en question est attestée comme fondée sur la Révélation. Par la médiation de la « dignité même de la personne humaine », mais «telle que l'[a] fait connaître » non seulement « la raison elle-même », mais « la parole de Dieu », c’est-à-dire la divine Révélation. Est-ce à dire que les Pères de Vatican II atteste le droit à la liberté religieuse comme formellement révélé, ou bien comme simplement connexe à la divine Révélation (tertium non datur) ? Quoi qu’il en soit reste que cette proposition centrale de DH peut relever des notes théologiques suivantes : - « De foi divine et catholique (strictement) », c’est-à-dire une doctrine proposée comme formellement révélée au moyen du magistère ordinaire et universel infaillible ; - « De foi catholique au sens strict », c’est-à-dire une doctrine proposée comme « liée au révélé, et proposée comme objet à tenir par le magistère universel infaillible » ; - « De foi (catholique) définie », c’est-à-dire une doctrine proposée comme « liée au révélé et définie comme objet à tenir par un jugement solennel infaillible ». Arrivés à ce stade du raisonnement, il faut rappeler que s'il est d'un côté des théologiens qui tiennent qu'un concile oecuménique peut engager l'infaillibilité du magistère ordinaire et universel (un exemple bien connu est celui de l’Abbé Bernard Lucien), ceux qui au contraire tiennent que le magistère ordinaire et universel ne s'exerce pas en concile mais seulement lorsque l'épiscopat se trouve dispersé tiennent également que toute attestation - qu'une proposition est révélée ou connexe à la Révélation - émanant d'un concile est par soi un jugement solennel infaillible : et là on retrouve Salaverri.

« Il suffit de lire les écrits de ces auteurs pour comprendre que dans leur langage toute affirmation directe par le Concile oecuménique d'un point de doctrine présenté comme révélé (ou nécessairement lié, ou absolument obligatoire) est considéré comme définition, comme jugement solennel. « [Note 79 :] Il suffit d'observer comment la note "de foi divine et catholique définie" est systématiquement attribuée, dans le manuel justement célèbre où écrit Salaverri (Sacra Theologiae Summa, B.A.C., 4 vol.), à toute doctrine ainsi présentée [fin de la note]. « Autrement dit, dans ce langage et de façon parfaitement cohérente, la "solennité" du jugement est constituée par le fait qu'il est énoncé par le Concile. Si l'on adapte ce langage - ce qui ne s'impose pas, loin de là - alors on ne devra pas demander de formulations particulières pour reconnaître des "jugements solennels" à Vatican II. Comme on le sait, ce n'est pas du tout cette façon de parler qui a été retenue officiellement lors de ce dernier concile et par la suite : la distinction ordinaire/extraordinaire est appliquée à la manière de s'exprimer et non à l'état dispersé ou réuni. Ce serait une aberration doctrinale de transférer automatiquement ce qui est dit par un auteur utilisant la première distinction aux éléments distingués selon la deuxième distinction. Et il suffit de lire les auteurs parlant comme Salaverri pour s'apercevoir que jamais aucun d'entre eux n'a même envisagé que la même proposition puisse être infaillible quand elle est proférée par le magistère dispersé et ne pas l'être si elle est proférée par le magistère réuni. » Abbé Lucien, Les degrés d'autorité du Magistère, pp. 173-174.

Quoi qu’il en soit… Si l’on suit l’Abbé Lucien, la proposition centrale de DH devrait être : - Soit un jugement solennel (infaillible) attestant que le droit à la liberté religieuse est connexe à la Révélation (« de foi catholique définie »), - Soit une proposition du magistère ordinaire infaillible attestant que le droit à la liberté religieuse est connexe à la Révélation (« de foi catholique au sens strict »), - Soit une proposition du magistère ordinaire et universel infaillible attestant que le droit à la liberté religieuse est formellement révélée (« de foi divine et catholique (strictement) »). En revanche, si l’on suit Salaverri, la proposition centrale de DH devrait être un jugement solennel (infaillible) attestant que le droit à la liberté religieuse est connexe à la Révélation (« de foi catholique définie »), Mais dans un cas comme dans l’autre, dans la mesure où Paul VI était vrai et légitime Souverain Pontife, la proposition centrale de DH est une « vérité infaillible » (cf. Franzelin), et il est nécessaire à tout catholique d’adhérer d’un assentiment de foi catholique (au moins) à cette proposition centrale de DH. Entendons-nous bien : dans la mesure où Paul VI était vrai et légitime Souverain Pontife… Ajoutons que le droit à la liberté religieuse n'est pas seul en cause, pour ce qui regarde ledit Concile Vatican II. Il faut également examiner, au regard du dogme et de la doctrine catholique, les propositions relatives à l'Eglise du Christ subsistant dans l'Eglise catholique, aux communautés acatholiques "moyens de salut", à la nouvelle théologie d'Israël etc. Et pour chacune desdites propositions, il faut examiner si oui ou non elles ont été en quelque façon attestées comme liées à la Révélation... Réponse à une vieille objection Comme on m’a déjà fait cette objection, et comme on ne manquera pas probablement de la faire à nouveau, je voudrais y répondre par avance. Quelle est cette objection ? La voici… Salaverri parle de vérités « proposée comme objet à tenir » ou « comme formellement révélées ». Or nulle part dans DH (ou ailleurs dans les Constitutions, Décrets et Déclarations de Vatican II) il n’est expressément spécifié que les fidèles devaient tenir ou croire cette proposition centrale de DH. Donc, les Pères de Vatican II n’ont pas voulu en faire une « vérité infaillible ». Cette objection est sans valeur. Pourquoi ? Parce que, une chose est d’attester qu’une proposition est fondée sur la Révélation, ce qui implique nécessairement l’assistance infaillible proprement dite, autre chose est d’assortir cette proposition de condamnations ou obligations concomitantes ou subséquentes. Comprenons-nous bien, une condamnation ou une obligation concomitante ou subséquente peut manifester qu’il y a attestation par l’autorité suprême qu’une proposition est attestée comme fondée sur la Révélation et donc exigeant l’assentiment de foi. Mais cette condamnation ou obligation concomitante ou subséquente n’est aucunement nécessaire pour ce faire. En effet,

« Dans ces décrets, il est nécessaire de distinguer l'interdiction (ou le commandement) de la définition (ou du jugement sur la doctrine). [...] On doit la soumission de l'esprit à l'Eglise qui définit, même si elle n'ajoute aucun précepte. » R.P. Kleutgen, au nom de la Députation de la Foi, lors du Concile Vatican I (Mansi, 53, 330 B).

Et donc il suffit au magistère d’attester que telle proposition soit révélée pour que le fidèle doive croire de foi divine qu’il en est ainsi. Il suffit au magistère d’attester que telle proposition soit connexe à la divine Révélation pour que le fidèle soit par là même tenu d’y adhérer de foi catholique. Cette seule attestation spécifie très réellement que les fidèles sont tenus de donner leur adhésion de foi divine ou de foi catholique.

« Pour reconnaître les cas où l'infaillibilité de l'Eglise est engagée, il suffit de se rappeler que toute doctrine enseignée universellement par les pasteurs chargés de conduire le troupeau du Christ, et donnée manifestement comme appartenant directement ou indirectement à la Révélation, est infaillible. » R.P. Héris, O.P., L'Eglise du Christ, Le Cerf, 1930, p. 44.

Cela, en raison de la nature même des choses. En effet :

« Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes. » Léon XIII, Lettre-Encyclique Satis cognitum, 29 juin 1896.

Par conséquent, dans la mesure où Paul VI était vrai et légitime Souverain Pontife, la proposition centrale de DH est une « vérité infaillible » (cf. Franzelin), et par le fait même tout catholique est tenu d’y adhérer d’une adhésion qui est au moins de foi catholique. Encore une fois, entendons-nous bien : dans la mesure où Paul VI était vrai et légitime Souverain Pontife… Je vous remercie N.M.