des mystères mais ...
Luc Perrin -  2008-10-17 23:37:25

des mystères mais ...

une certitude : l'influence déterminante du lazariste Bugnini fait l'objet d'un consensus total ... des témoins et acteurs. Les anti-Bugnini la dénoncent tous : Louis Bouyer le fait avec une véhémence rare. De l'autre, les pro-Bugnini la louent tous avec des trémolos sous la plume. Quant à Annibale, il a érigé lui-même un très gros monument à sa "gloire", en rédigeant un livre publié post-mortem. S'il y a une certitude, c'est bien qu'entre 1960 et 1962 et surtout entre 1964 et 1974, le Père puis Mgr Bugnini fut le chef d'orchestre de cette aventure. A moins vraiment que la totalité des témoins-acteurs se soient ligués pour nous, historiens et curieux, tromper. Je n'ai encore lu aucune étude pour dire que le Lazariste n'y était pour pas grand chose et qu'il était un simple "factotum". Influence déterminante sur Paul VI, notamment, qui avait été rapidement convaincu par le rusé religieux et qui l'a donc appuyé jusqu'à la crise de confiance de 1974. Selon ce que m'avait dit le P. Gy op, éminent expert au Consilium, cette perte de confiance (trop tard hélas) serait intervenue autour de manoeuvres de Bugnini pour favoriser la multiplication des Prières eucharistiques que Paul VI et Benelli tentaient, au contraire, de stopper. Voici deux passages des Mémoires inédits du P. Bouyer où il qualifie Mgr Bugnini puis pointe l'un de ses procédés. - "Je ne voudrais pas être trop dur pour les travaux de cette commission. Il s'y trouvait un certain nombre de savants authentiques et plus d'un pasteur averti et judicieux. (...) Malheureusement, d'une part, une fatale erreur de jugement plaça la direction théorique de ce comité entre les mains d'un homme généreux et courageux, mais peu instruit, le cardinal Lercaro. Il fut complètement incapable de résister aux manoeuvres du scélérat doucereux qui ne tarda pas à se révéler en la personne du lazariste napolitain, aussi dépourvu de culture que de simple honnêteté, qu'était Bugnini." (p. 202) [Napolitain, Ombrien ? je n'ai pas vérifié. Mais le témoin éclaire les rapports entre un président prestigieux mais sans doute pas liturge spécialisé et un secrétaire, doté en outre de la confiance pontificale. Notons que Lercaro, dès 1968, Bugnini en 1974 perdirent cette confiance brutalement. Or le bon bénédictin Benno Gut était loin d'avoir le prestige de l'ancien modérateur à Vatican II et ténor du Concile qu'était Lercaro. Aussi un n°2 comme Mgr Benelli fut le véritable bras droit de Paul VI à la fin de son pontificat, plus que le n°1 Villot : rien de rare en cela, on sait l'importance prise par Mgr Diwisz sous Jean-Paul II] Quant au procédé qui nous rappelle cette culture ultramontaine poussée (mi XIX-mi XXe) de la soumission aveugle au Pape, bien éloignée de nous (cf. une certaine déclaration à l'issue de la visite papale en France), le voici. "A différentes reprises, soit à propos du sabordage de la liturgie des défunts, soit encore dans cette incroyable entreprise d'expurger les psaumes en vue de leur utilisation dans l'Office, Bugnini se heurta à une opposition non seulement massive, mais on peut dire à peu près unanime. Dans de tels cas, il n'hésita pas à nous dire : "Mais, le Pape le veut !..." Après cela, bien sûr, il ne fut plus question de discuter." (p. 205-206) Bouyer relate ensuite un événement par lequel il eut la preuve que sur un dossier précis, le Pape n'avait pas été informé correctement par Bugnini qui aurait menti effrontément. Au fond, Paul VI a été paradoxalement victime, comme hélas nous tous, de la papimanie de l'époque.