Amour et refus
Abel -  2008-10-17 17:23:45

Amour et refus

Ma réponse à la question est une simple exposition de raisons, d’amours et de refus. Il n’est pas dans mon intention de la justifier intégralement (bien que, ô présomption, je m’en sente capable) parce que cela me conduirait à passer outre à l’engagement implicite que j’ai pris en m’inscrivant au forum. Je récuse les appellations ordinaire/extraordinaire. Si les liturgies peuvent être diverses dans l’Église (et elles le sont, le foisonnement des rites orientaux le prouve), il n’y a qu’un seul rite romain. Mon attachement au rite romain traditionnel n’est pas une préférence, c’est une exclusivité en ce sens qu’il comporte deux éléments : – l’amour du rit traditionnel ; – le refus du rite nouveau. Le refus du rite nouveau est d’ordre théologique, je devrais dire théologal. Il s’articule autour de plusieurs axes : – le rite nouveau est protestant ; la prééminence de la parole, la dénaturation de l’offertoire, la modification des paroles de la consécration dans le sens d’un récit historique, la diminution des marques de la foi en la présence réelle, la désacralisation généralisée : tout cela est déjà chez Luther, tout cela lui a été emprunté sans vergogne et sans fard ; quand on sait quelle haine de la messe animait Luther… – le rite nouveau est l’expression d’une nouvelle religion qui a recouvert à Vatican II la religion catholique, et l’a supplantée dans les cœurs du haut en bas de l’univers catholique ; – le nouveau rite est au cœur d’une réforme générale de la liturgie qui est en rupture avec l’expression de la foi catholique et de son immutabilité. En écrivant ce qui précède, je n’ai garde d’oublier que l’Église est infaillible en la matière. Triplement infaillible même sous des aspects qui sont intimement liés : infaillibilité dans la conformité à la foi catholique, infaillibilité dans l’efficacité sacramentelle (la validité) et infaillibilité dans l’œuvre de sanctification. Affirmer le contraire serait tomber sous de multiples condamnations du Magistère, et j’en serais bien malheureux. Que le Bon Dieu m’en protège. Et donc, il m’est impossible d’affirmer que le nouveau rite provient de l’Église catholique et de son autorité légitime ; il m’est impossible de considérer que l’Église apporte sa nécessaire garantie à ce nouveau rite. Il m’est donc impossible de le célébrer, de le recommander, de le cautionner. L’amour du rite traditionnel est plus difficile à exprimer, parce qu’il est d’un autre ordre. Mais la certitude du Sacrifice et de la présence réelle, la réalité d’une communion à travers les siècles jusqu’à l’institution divine, le mystère d’une langue et de rites qui manifestent le caractère sacré et infini de la liturgie, la sobriété si émouvante du rite romain devant l’acte le plus haut et le plus saint qui se puisse pratiquer sur la terre, la présence de l’offertoire qui est notre sacrifice qui va être assumé par le sacrifice de Jésus-Christ et fondu en lui, le témoignage de la foi catholique présent à chaque ligne… tout cela est apte à arracher des larmes aux exilés que nous sommes ici-bas, bénéficiaires de tant et tant de miséricorde dans cette liturgie antique et permanente. Elle est ma joie chaque matin à l’autel depuis plus de trente ans, et mon tourment d’en être si peu digne. La seule question que je me pose est de savoir comment les prêtres vertueux font pour la célébrer, tant l’Église se met à la portée de notre misère et ne s’adresse pour ainsi dire qu’à elle, pour nous en tirer et pour que cette misère ne nous fasse pas renoncer à s’approcher de si saints mystères. Abel