La messe fantôme
XA -  2008-09-22 14:18:22

La messe fantôme

Dans sa dernière livraison quotidienne, Monsieur Crouan nous produit cet article : FORME "ORDINAIRE": DE QUOI PARLE-T-ON? Il y a quelque chose de burlesque dans la façon avec laquelle certains fidèles parlent aujourd'hui de la forme "ordinaire" du rite romain. Nos évêques nous en parlent pour nous en dire grand bien. Mais où l'ont-ils vu être célébrée? Des fidèles attachés de façon exclusive à la forme "extraordinaire" du rite (attachement qui, soit dit en passant est contraire à l'esprit et à la lettre du Motu proprio Summorum pontificum) en parlent pour la critiquer. Mais où l'ont-ils vu être célébrée? Tous, qu'ils soient clercs mitrés ou simples laïcs, parlent d'une liturgie qu'ils n'ont jamais vu, car elle n'est jamais célébrée dans nos paroisses (sauf rare exception). Car dans nos églises où l'on se dit fidèle aux orientations du Concile, ce n'est pas, contrairement à ce qu'on croit, la forme "ordinaire" du rite romain qui est célébrée, mais sa forme "déformée". Les pratiquants se sont tellement adaptés aux célébrations dominicales inesthétiques et plus ou moins traficotées, que la liturgie que célèbre Benoît XVI leur semble venir d'une autre planète: il leur faut redécouvrir qu'un autel doit ressembler à un autel et non à une table, que le célébrant doit s'effacer devant le Mystère et ne pas se prendre pour le centre de la messe, qu'une chorale qui chante du grégorien est tout de même bien mieux qu'une animatrice qui piaille un refrain derrière son micro, qu'un un maître de cérémonie qualifié et discret vaut mieux qu'une équipe liturgique incompétente et envahissante, que les concélébrants qui gardent les mains jointes sont plus dignes que lorsqu'ils ont les bras ballants, que les vêtements liturgiques esthétiques correspondent mieux à la fonction ministérielle que des djellabas en tergal, qu'un célébrant qui ne dit et ne fait que ce qui est indiqué dans le missel permet mieux le recueillement que celui qui s'autorise à improviser ou à gloser la liturgie... Bref, le fidèle à qui on a désappris la liturgie doit à présent redécouvrir des éléments qui sont constitutifs de toute célébration dans la mesure où ils permettent de donner à la forme "ordinaire" du rite romain son relief, sa beauté et sa force d'attirance. En prêchant par l'exemple donné, le pape Benoît XVI a voulu nous montrer qu'à partir de la forme "ordinaire" de la liturgie romaine, il était tout à fait possible de composer - en fonction des lieux et des aides dont on dispose - des célébrations dignes, harmonieuses, porteuses de sacralité, et qui sont tout autant que la forme "extraordinaire" un reflet de la liturgie céleste. Ne pas vouloir voir cela, c'est ne pas comprendre qu'au cours de son voyage en France, le Saint-Père n'a pas seulement demandé qu'on donne toute sa place à la forme "extraordinaire" du rite romain, mais qu'il a aussi expliqué et montré ce que peut et doit être réellement la liturgie célébrée selon la forme "ordinaire". Nos évêques suivront-ils son exemple? De la façon dont ils nous parlent de la forme "ordinaire" de la liturgie en se montrant très satisfaits de ce qui se fait dans les églises paroissiales ("chez nous il n'y a pas de problèmes..."), on peut sérieusement en douter et craindre pour la pratique dominicale. Sur le fond, Monsieur Crouan n'a pas complètement tort. Le problème, c'est que précisément il n'est pas donné aux catholiques d'assister autrement qu'exceptionnellement à une Messe célébrée selon la forme ordinaire du rite romain de façon conforme aux normes liturgiques. On notera d'ailleurs que le vibrant appel à témoignage que lançait Pro Liturgia à la suite du courrier d'un jeune prêtre (je cite M. Crouan : que les prêtres qui vont sur le site internet de notre Association et qui célèbrent aussi dignement que possible la messe en respectant le missel romain actuel (sans rien ajouter, retrancher ou modifier), veuillent bien se signaler. Merci d'avance.) ne semble pas avoir trouvé grand écho, à en croire l'absence totale de référence donnée sur le site de Pro Liturgia depuis lors. Peut-on dès lors reprocher aux catholiques attachés à une digne liturgie de se tourner exclusivement vers la forme extraordinaire du rite romain ? Monsieur Crouan peut-il raisonnablement et durablement se moquer de ces catholiques qu'il se plaît à critiquer à longueur de pages ? Je ne le crois pas. XA