Reponse à l'abbé de Tanouarn par ...... l'abbé de tanouarn lui même
Médéric II -  2008-06-27 20:26:02

Reponse à l'abbé de Tanouarn par ...... l'abbé de tanouarn lui même

Cher monsieur l'abbé [...] Je sais que vous êtes resté ce combattant sans peur auquel le district de France de notre Fraternité Saint-Pie X doit pratiquement tout ce qu'il est. Je ne crains donc pas que notre opposition s'éternise, puisque nous avons le même combat pour l'Eglise de Rome[...]. Notre opposition risquerait d'être durable si l'un ou l'autre, vous ou moi, cultivions une obsession schismatique, qui pourrait nous enfermer dans une Eglise parallèle à l'unique Eglise du Christ. Mais nous nous connaissons assez l'un l'autre pour être sûrs que nous sommes des enfants du pape de Rome, entrés en résistance à cause du malheur des temps, tout en étant restés viscéralement attachés à la vérité et à la beauté de l'ordre romain, qui est l'ordre divin. On ressent, chez les prêtres comme chez les fidèles, une inquiétude diffuse [...]. Il est normal d'en souffrir ! Nous ne serions pas catholiques sans cela... L'Eglise se meurt, « l'Eglise est effondrée » ainsi que le disait le cardinal Lustiger dans son tout récent discours de rentrée à l'Ecole cathédrale. Nous souffrons tous de voir que la Parole évangélique, qui est la fécondité même, semble ne plus pouvoir produire son fruit de grâce dans une société matérialisée, érotisée, lobotomisée. Imaginer qu'il suffira de bâcler un «accord pratique» avec Rome pour que cesse la crise ou pour que se dissipe notre spleen, c'est cultiver un leurre ! Qu'aurions-nous à gagner si nous rejoignons officiellement le dispositif juridique qui se nomme lui-même «Eglise conciliaire » ? Des conflits nouveaux avec des autorités sourcilleuses, soupçonneuses et attachées à nous nuire les trois quarts du temps ! Une liberté de parole et d'action inexorablement diminuée dans notre pastorale ! Une couche supplémentaire de langue de buis dans notre discours ! A Dieu ne plaise ! [...] Vous donnez l'impression de balayer d'un revers de main ces objections (que vous connaissez bien vous-même) en opposant à notre manque d'enthousiasme ces mots définitifs : « Rome veut tout nous donner ! Sur un plateau ! Nous serions criminels, nous serions schismatiques de refuser ainsi les avances de Rome ! » [...] On ne fera pas l'économie de la clarté face au Concile Vatican II Nous disons simplement qu'aujourd'hui, lorsque Rome promet, elle n'a pas forcément les moyens de tenir ses promesses [...] L'Eglise appelle simplement les fidèles de Vatican II à respecter leur propre discipline, et cela crée déjà un tollé. [...] Tout ce charivari nous montre qu'on ne fera pas l'économie de la clarté face au concile Vatican II. Il faut le lire, il faudra le relire ! M. l'abbé, vous nous dites qu'après les accords, on pourra continuer à « critiquer sans polémique » ce texte mortifère... Vous nous certifiez que cela se trouve déjà dans les accords établis entre Rome et les traditionalistes du diocèse de Campos. Mais que signifie « critiquer sans polémique » ? Pour moi, la polémique, c'est la critique, lorsqu'elle s'en prend à des personnes.Il faudrait donc nous abstenir de critiquer tout dignitaire de l'Eglise conciliaire... C'est difficile. Admettons que cela soit possible. Admettons que nos critiques se tiennent rigoureusement à la lettre des documents post-conciliaires, qu'elle soit donc exempte de toute « polémique » au sens où nous venons de définir ce mot... Je ne crois pas qu'une telle critique soit envisageable, sans entraîner quelques vigoureux coups de crosses épiscopaux. Alors... Que Rome commence ! Que la Curie donne l'exemple ! Qu'une repentance ait lieu, si c'est si facile dans le contexte actuel de critiquer le concile à l'intérieur de l'Eglise conciliaire ! Si ce n'est pas encore réalisable, il faudra bien nous contenter du rôle que nous tenons depuis trente ans, un rôle où il y a, c'est vrai, autant d'honneur à recevoir que de coups à prendre. Notre, existence en semi-clandestinité canonique (ou en état de résistance) est vitale pour l'Eglise, à deux titres, me semble-t-il. D'abord, la Fraternité Saint-Pie X représente, qu'elle le veuille ou non, la seule instance critique vraiment libre face aux déviances conciliaires. L'Eglise, pour se sortir du pétrin, a besoin de cette liberté-là, même si personne encore n'ose nous le dire en face. Nous sommes fiers de pouvoir contribuer ainsi à notre place (la plus active, la plus franche et donc la plus sereine) au relèvement de l'Eglise dans la vérité. Nous sommes les seuls à pratiquer la Tradition catholique librement, dans toutes ses dimensions, «intégralement», à la fois en liturgie, en théologie et au catéchisme et cela, dans des structures paroissiales. Nous montrons ainsi que cette tradition n'est pas un objet de musée, voire un vulgaire magot de brocante, mais qu'elle constitue un recours pour tous ceux qui ne se résignent pas à la disparition de la catholicité... Nous avons l'exemple de Bordeaux. Depuis un an, 700 personnes assistent à la messe traditionnelle en l'église Saint-Eloi, tandis qu'à deux cents mètres, 70 personnes entourent l'évêque dans sa cathédrale, et que quelques dizaines d'autres vont honteusement célébrer la liturgie de Saint Pie V, dans la réserve d'Indiens que leur a concédée la générosité de leur pasteur, en dehors de la ville, du côté de la Barrière saint Gênés... Cette géographie bordelaise de la messe montre bien que la Tradition n'est pas un conservatoire du passé mais un laboratoire de l'avenir. La seule instance critique vraiment libre Qu'en est-il enfin - c'est votre dernier argument M. l'abbé - de l'esprit schismatique qui pourrait se glisser dans notre combat et des divisions qui pourraient affecter la Fraternité Saint-Pie X, l'attente se prolongeant ? Je répondrai d'une phrase : il me semble que la généralisation des accords pratiques créerait en notre sein infiniment plus de divisions, de tensions, de tentatives multiformes de récupération, de réactions violentes, de risques de schisme que le statu quo d'aujourd'hui. Il faut bien peser cela, et non jouer, en signant trop vite, les apprentis sorciers avec un stylo à bille ! M. l'abbé, je serai heureux de savoir comment vous répondez à tout cela. [...] Je crois que pour vivre « sans peur », il nous faut tâcher d'être « sans reproches ». C'est dans cet esprit que j'ai tenu à vous parler franchement... source