un "prêtre catholique" et un bien étrange "dialogue" dans le diocèse de Lyon
Luc Perrin -  2008-06-04 12:04:27

un "prêtre catholique" et un bien étrange "dialogue" dans le diocèse de Lyon

L'abbé Christian Delorme donne une tribune libre dans Le Monde du 4 juin 2008 qui devrait attirer l'attention de beaucoup, à commencer par son évêque. Les affirmations de ce prêtre catholique d'un type très étrange révoltent, non seulement le baptisé chrétien de toutes confessions, mais aussi simplement le citoyen qui se rappelle que - contrairement à l'ignoble pression exercée par certaines prescriptions islamiques - la liberté de la foi et, par conséquent, du culte sont garanties par le droit. "Mais ce que disent le pouvoir algérien et une partie notable de la population est également à entendre. Ce qui fait fondamentalement l'unité de l'Algérie, en effet, c'est son islamité. Là demeure l'identité profonde de son peuple. L'existence de chrétiens européens, même naturalisés algériens, ne représentait pas une menace contre cette unité et cette identité. Il n'en va plus de même quand des Algériens issus de familles musulmanes deviennent chrétiens. Car alors reviennent aux mémoires les atteintes à la culture et aux institutions musulmanes qu'ont perpétrées les conquérants coloniaux" (abbé Delorme) L'unité d'un pays serait sa religion majoritaire. Bien ... cela s'applique-t-il dès lors, M. l'abbé, dans les mêmes termes que la loi algérienne de 2006 aux autres pays que l'Algérie ? - va-t-on en Europe fermer les mosquées comme on ferme les chapelles en Algérie ? - va-t-on en France ou ailleurs en Europe emprisonner les musulmans pris en train de prier ... chez eux comme on le fait des chrétiens algériens ? - va-t-on traquer tous les hommes et femmes qui se sont convertis à l'islam en terre d'Europe comme on le fait en Algérie ? - va-t-on menacer d'années de prison pour la possession de plus d'un Coran ? ou de 2 cassettes audio d'un prédicateur musulman ? - va-t-on en Europe expulser, comme en Algérie, un imam installé paisiblement chez nous depuis 40 ans ? Au moment où, un émirat le Quatar vient de donner un contre-exemple louable, en autorisant la construction d'une église catholique - avec certaines conditions d'insertion dans le paysage culturel qu'on peut avoir en France à l'égard des nouvelles mosquées -, un "prêtre catholique" lyonnais trouve bon d'exalter le fanatisme islamiste et la violation patente de la liberté religieuse en Algérie ! Je suggère à M. l'abbé Delorme de lire avec soin la déclaration Dignitatis Humanae de Vatican II, un concile que cet "intégriste" doit sans doute repousser avec dédain, si j'en juge par son apologie du monopole confessionnel ci-dessus. On y ajoutera Redemptoris Missio de Jean-Paul II et Evangelii nuntiandi de Paul VI. D'où viennent ces propos insensés de la part d'un prêtre qui en oublie tout, de son sacerdoce jusqu'à la plus simple décence envers les victimes de l'odieuse persécution du Pouvoir dictatorial algérien ? Qui oublie aussi que nombre d'Algériens musulmans n'ont aucunement envie de voir les islamistes, courtisés par le régime à travers cette politique, s'installer au pouvoir pour terroriser un peu plus ce malheureux pays. Qui oublie que le juste respect de la liberté de culte est un signe de démocratie et ne peut qu'aider les Algériens musulmans eux-mêmes. L'explication vient en conclusion : "Dans cette situation, l'urgence se fait sentir d'une réflexion sereine sur la légitimité, ou non, du prosélytisme chrétien en terre d'islam. Car si l'on ne peut que défendre le droit de chaque individu à aller librement vers la foi de son choix, en revanche il peut paraître moins sûr que soient permises les tentatives de ramener à soi, par des techniques diverses, des hommes et des femmes appartenant à la foi musulmane. L'Evangile, certes, demande aux chrétiens d'annoncer le Christ, mais pas au prix du déchirement d'un peuple, pas au prix de l'engendrement de situations de violence." (abbé Delorme) "prosélytisme" : on aimerait, en effet, une réflexion sereine sur ce thème mis à toutes les sauces, au point qu'il n'a plus aucun sens. Il sert, le plus souvent, de piètre cache-sexe pour une conception fixiste, géographique des appartenances religieuses, celle lamentable que reprend l'abbé Delorme : en Russie, il faut être orthodoxe, en Inde hindouiste, en Chine confucianiste, au Japon shintoïste, en Algérie par une sorte de décret divin (?), il faudrait être musulman. L'abbé voit bien l'absurdité de sa position qui est contredite par sa deuxième phrase - "le droit de chaque individu à aller librement vers la foi de son choix" - et croit s'en tirer par une affirmation encore plus "hénaurme" : "pas au prix du déchirement d'un peuple" ! Ah bon personne n'avait vu que le peuple algérien se déchirait sur la conversion d'une poignée de musulmans au christianisme ... il fallait la connaissance du terrain (!) de l'abbé lyonnais pour éclairer le monde sur ce point. La guerre civile entre le F.I.S. et ses satellites et le reste de la société algérienne venait de ces convertis ... la crise économique : ces convertis vous dis-je ... et la misère du peuple algérien qui pousse les jeunes à fuir où ils le peuvent : "les convertis" ... Vous savez ce faux médecin chez Molière qui pour toute affection diagnostique : "le poumon, le poumon vous dis-je". On voit au final combien les thèses si répandues des théologies des religions tendent à complètement brouiller les repères les plus élémentaires, comment le "dialogue islamo-chrétien" est biaisé par des théories qui minent jusqu'à l'existence-même de notre foi catholique et chrétienne. Le cardinal Ratzinger, en son temps, avait attiré l'attention des catholiques sur ces idées néfastes : à joindre aux lectures de l'abbé, Dominus Iesus. nb. L'abbé Delorme connaît, visiblement, très mal l'histoire coloniale de l'Algérie. "les atteintes à la culture et aux institutions musulmanes qu'ont perpétrées les conquérants coloniaux" ? Dans les capitulations de 1830 étaient stipulées exactement le contraire : la préservation du statut personnel de droit islamique pour tous les musulmans algériens. La France coloniale a ainsi formé et payé des notaires, des tribunaux islamiques et même financé des médersas pour la formation d'imams ... Même après le décret de séparation de 1907, les imams (et les curés) ont eu une indemnité de fonction sur le budget colonial algérien ; le statut personnel, droit musulman, est demeuré. Il est, en outre, bien connu que le Pouvoir colonial, en dehors d'une très brève période et pour les seuls Kabyles, s'est opposé à tout "prosélytisme". Cette phrase du prêtre lyonnais n'est que la reproduction des insultes islamistes à l'égard des Pères Blancs, formules toutes faites qu'on trouve dans la propagande de ces milieux. Il est par ailleurs piquant de savoir qu'à l'inverse de cela, le Pouvoir colonial sous le Gouvernement général était accusé par les partisans de l'assimilation de l'Algérie à la France comme un protecteur de ... l'islam algérien !