Texte complet : Benoît XVI aux évêques suisses
Taedium -  2006-11-07 18:47:31

Texte complet : Benoît XVI aux évêques suisses

Discours du Pape pour achever la visite des évêques suisses du 7 au 9 novembre 2006 : Chers Frères dans l’Épiscopat, Révérends Pères Abbés, Avec les représentants de la Curie romaine, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Notre rencontre marque en quelque sorte la conclusion de votre Visite ad limina de février 2005, puisqu’il ne fut pas possible alors de concrétiser l’un des points essentiels de cet événement, la rencontre avec le Pape. Elle manifeste l'affectus collegialis, le lien de communion qui unit les Évêques entre eux et avec le Successeur de Pierre (cf. Exhortation apostolique post-synodale Pastores gregis, n. 8). Cette unité est l’expression d’une réalité qui appartient à la structure de l’Église. À travers vous, je désire saluer chaleureusement vos prêtres et vos diacres, les religieux et les religieuses, ainsi que tous les fidèles laïcs, rendant grâce pour leur participation active à la vie de l’Église et à l'annonce de l'Évangile. Je remercie Mgr Amédée Grab, Président de votre Conférence épiscopale, pour sa présentation du contexte dans lequel vous accomplissez votre ministère pastoral, ainsi que Mgr Kurt Koch, qui assumera la présidence de votre conférence au mois de janvier prochain. Vos journées à Rome visent à reprendre quelques thèmes évoqués dans vos rapports quinquennaux de 2005 et dans les entretiens avec les Dicastères de la Curie romaine. Vos rapports m'ont permis de partager vos préoccupations et vos difficultés, mais aussi vos espérances et vos joies de Pasteurs. Nous sommes réunis dans un esprit de communion, pour approfondir quelques aspects de la situation actuelle de l’Église en Suisse et pour considérer ce qu’il est opportun de renforcer et de promouvoir, et ce qu’il est nécessaire de corriger et de purifier. Je demande au Seigneur de nous accompagner dans cette démarche pour le bien de l’Église et de sa mission dans la Confédération helvétique. Avec sérieux, vous répondez aux exigences pastorales de votre cher pays, riche de traditions religieuses et culturelles, marqué par la diversité des langues et des sensibilités, et caractérisé par des structures et des systèmes qui ne facilitent pas toujours la mise en œuvre de l’ecclésiologie du Concile Vatican II. L’Église dans votre pays fait face à des défis liés à la situation culturelle et pastorale qui est en grande partie celle de toute l’Europe occidentale. Le progrès de la sécularisation et du relativisme entraîne non seulement une diminution de la fréquentation des sacrements, surtout de la participation à la Messe dominicale, mais aussi une mise en question des valeurs morales proposées par l’Église. Je pense en particulier à la crise profonde de l’institution du mariage et de la famille, et au nombre croissant de divorces, aux nombreux avortements, à la possibilité d’unions entre personnes de même sexe: tout cela constitue un signe évident de déchristianisation. Beaucoup de nos contemporains vivent comme si Dieu n’existait pas. Dans une telle société, on a plus que jamais besoin de votre voix d’Évêques. Vous êtes appelés à faire entendre la Parole de Dieu et le message chrétien, qui aident à comprendre l'homme et le sens de son existence, prenant soin qu'il y ait entre vous, dans les prises de position nécessaires sur les questions théologiques et morales, unité et unanimité. Même parmi les catholiques pratiquants, on note un affaiblissement de la foi. C’est pour vous une expérience douloureuse de voir des fidèles, et malheureusement dans certains cas des prêtres, mettre en question des points de la doctrine et de la discipline de l’Église. Certains s’arrogent même le droit de choisir, en matière de foi, les enseignements qui, selon eux, seraient admissibles et ceux qui peuvent être refusés. Le devoir fondamental de l’Évêque, Pasteur et Maître de la Foi, est d’inviter les fidèles à accepter pleinement l’enseignement de l’Église. Avec l’aide du Christ, je vous exhorte à annoncer l’Évangile avec courage et sérénité, «à temps et à contretemps» (2 Tm 4, 2). Je sais combien le renouveau liturgique vous tient à cœur. Dans le but de favoriser une véritable spiritualité chrétienne, il est important que tous observent fidèlement les normes et que les prêtres fassent en sorte que chaque célébration soit accomplie avec une grande dignité. C’est un droit et un devoir pour tous que la liturgie soit célébrée conformément aux règles établies par l’Église. La liturgie «n’est jamais la propriété privée de quelqu’un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés» (Ecclesia de Eucharistia, n. 52). Comme le dit la Constitution dogmatique Lumen gentium, l'Eucharistie est «source et sommet de toute la vie chrétienne» (n. 11). Veillez donc à maintenir sa place centrale dans les paroisses et dans les unités pastorales de vos diocèses, évitant, surtout les dimanches, qu’elle ne soit remplacée sans raison majeure par des célébrations de la Parole. Une attention toute particulière doit être portée à l’homélie, moment important de formation doctrinale et spirituelle, «qui fait partie de la liturgie elle-même, et est réservée au prêtre ou au diacre» (CIC, can. 767 § 1). Dans vos rapports quinquennaux, vous avez souligné la crise que traverse le sacrement de la Réconciliation. Je vous invite à relancer dans vos diocèses une pastorale pénitentielle qui encourage la confession individuelle. Le Motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002), du Pape Jean-Paul II, pourra vous être en cela très utile. Demandez à vos prêtres d’être des confesseurs assidus, offrant généreusement aux fidèles des horaires appropriés pour la confession personnelle; encouragez-les eux-mêmes à s’approcher fréquemment de ce sacrement. Exhortez les fidèles à fréquenter régulièrement le sacrement de la Pénitence, qui permet de découvrir le don de la miséricorde de Dieu et qui pousse à être, vis-à-vis des autres, miséricordieux comme lui. La confession «nous aide à former notre conscience, à lutter contre nos penchants mauvais, à nous laisser guérir par le Christ, à progresser dans la vie de l’Esprit» (Catéchisme de l’Église catholique, n. 1458). J’invite les prêtres à observer rigoureusement les normes de l’Église concernant l’absolution collective, rappelées par le document Misericordia Dei, qui réclament des situations vraiment exceptionnelles pour qu’on puisse recourir à cette forme extraordinaire du sacrement de la Pénitence. La diminution du nombre des prêtres vous a conduit depuis un certain temps à demander à des fidèles non ordonnés de collaborer à leur ministère. Certains d’entre vous ont réalisé une restructuration pastorale de leur diocèse, créant des unités pastorales confiées à des équipes pastorales, composées de prêtres, de diacres, de collaborateurs pastoraux laïcs et de bénévoles. Sur ce point, on doit se rappeler le rôle central du prêtre, qui enseigne, sanctifie et gouverne la communauté in persona Christi capitis. Il est nécessaire de veiller à ce que, de fait et concrètement, dans les paroisses ou dans les unités pastorales, le prêtre soit le pasteur, tandis que les laïcs aident le prêtre, collaborant avec lui dans les différents secteurs de la vie pastorale (cf. Directoire pour le ministère pastoral des Évêques, n. 211. 215). L’importance du rôle des laïcs ne doit pas cependant conduire à sous-évaluer le ministère absolument indispensable des prêtres pour la vie de l’Église, appelés à guider le peuple de Dieu. La structure hiérarchique de l’Église, selon la volonté de son divin Fondateur, se distingue par la complémentarité harmonieuse de ses membres. De plus, comment des jeunes pourraient-ils avoir le désir de devenir prêtres si leur rôle n’est pas clairement défini et reconnu au sein des communautés ? Je suis sûr que tous s'attacheront à respecter le rôle de chacun au sein des paroisses comme aussi au niveau du diocèse. Dans vos diocèses, de nombreux laïcs collaborent avec les Pasteurs dans les différents secteurs de la vie pastorale, d'autres sont engagés dans les conseils pastoraux, dans des associations, dans des mouvements, dans des œuvres caritatives, dans l’accompagnement de groupes de jeunes, ou dans d'autres secteurs. Je les remercie pour le soin qu'ils prennent à se former théologiquement et pour leur engagement au service des communautés, et surtout pour le témoignage de foi qu’ils donnent dans l'ordre temporel, dans les lieux et dans les circonstances où l’Église ne peut être sel de la terre que par leur intermédiaire (cf. Lumen gentium, n. 33). Je vous invite à développer une formation des laïcs qui suscite la foi et la connaissance doctrinale, et qui donne des impulsions spirituelles. Il vous appartient de demeurer proches des prêtres, qui sont vos premiers collaborateurs, appelés à former autour de vous «une véritable couronne spirituelle», selon la belle formule d'Ignace d'Antioche. Les Évêques, nous dit le Concile, «entoureront toujours d’une charité particulière les prêtres, puisque ceux-ci assument pour une part les charges et la sollicitude des Évêques et y apportent avec tant de zèle un soin quotidien; ils les considéreront comme des fils et des amis.» (Christus Dominus, n. 16). La question des vocations sacerdotales et religieuses est une préoccupation constante pour l’Église dans votre pays. Je rends grâce pour la démarche pastorale que vous avez menée au cours des années 2005 et 2006 sur le thème des vocations, insistant plus particulièrement en 2005 sur les vocations sacerdotales. Avec les responsables de la pastorale des vocations, avec l'ensemble de vos prêtres et des fidèles, poursuivez un tel engagement, afin que l’appel du Seigneur puisse être accueilli par des jeunes, qui puissent être soutenus par les familles et bénéficier d’un accompagnement efficace dans leur désir de suivre le Christ. Pour l’avenir de l’Église en Suisse, il est important de prendre soin de l’organisation et de l’orientation des Séminaires et des différentes Facultés et Écoles supérieures de théologie. Les responsables et le corps enseignant des Séminaires diocésains et interdiocésains doivent avoir conscience de la mission délicate qui leur est confiée par la Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, avec le souci du discernement et d'une profonde formation humaine, spirituelle, culturelle et pastorale des candidats au Sacerdoce. Soyez également attentifs à la formation initiale et permanente des futurs prêtres, diacres et collaborateurs pastoraux laïcs. Un enseignement sûr et fidèle à la Tradition et au Magistère de l’Église fera découvrir à tous la richesse de la foi catholique. Le rétablissement de la pleine et visible unité des chrétiens a été l’une des premières intentions du Concile Vatican II et l’œcuménisme est un secteur dans lequel l’Église catholique est engagée de façon irréversible. L’histoire religieuse de votre pays et l’expérience qui s’ensuit vous donnent une responsabilité et une mission particulières en ce domaine. Encouragez vos communautés à s'engager dans une démarche œcuménique fondée sur les principes exprimés dans le Décret conciliaire Unitatis redintegratio et dans le Directoire pour l’œcuménisme. Telles sont quelques-unes des exigences fondamentales de votre ministère que vous aurez l'occasion d'aborder au cours des deux journées de réflexion. Je vous invite à un dialogue ouvert et franc avec tous les participants. Que l’Esprit Saint vous aide à poursuivre avec courage et succès l’édification de l’Église comme communion, dans le Christ Jésus. Je confie cette rencontre à l’intercession de Notre-Dame d’Einsiedeln et aux saints de votre terre, en particulier saint Nicolas de Flüe, patron de votre patrie, et le grand Évêque saint François de Sales, et je vous accorde de grand cœur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux religieuses, et aux laïcs de vos diocèses.