Le chant grégorien
Marc (212.198.0.xxx) -  2003-07-01 01:25:06

Le chant grégorien

HISTORIQUE

Le chant grégorien est le répertoire de chant liturgique propre à l'Eglise romaine, dont le vieux fonds s'est lentement élaboré entre le IVe et le IXe siècles, et qui s'est développé jusqu'aux XIIe-XIIIe siècles, puis après une période de décadence, jusqu'à nos jours.

I. LES ORIGINES (JUSQU'AU IXe SIECLE)

1° Elaboration primitive

Dès l'origine, l'Eglise a fait usage de chants dans sa Liturgie, comme en témoigne Saint Paul (Eph., V, 19-20 ; col., II, 16). Mais il est très difficile de se faire une idée des caractères de ce chant primitif, dont il ne reste rien. Il devait être constitué surtout de récitatifs simples, ornés seulement de légères inflexions de la voix soulignant la ponctuation du texte.

Après l'édit de Milan (313), le chant liturgique, comme tous les arts sacrés, connaît une expansion très importante. A la fin du IVe siècle, l'Eglise de Rome adopte le Latin comme langue liturgique, à la place du Grec. C'est donc à cette époque que commence à s'élaborer le répertoire de chant liturgique Latin qui donna naissance au chant grégorien. Les sources de ce répertoire sont sans doute multiples : les compositeurs durent emprunter des éléments aux diverses civilisations évangélisées par l'Eglise. La psalmodie, qui est à la base du chant liturgique primitif a dû subir des influences de la part du judaïsme (peut-être certains tons psalmiques primitifs viennent-ils de la synagogue) ; le système modal viendrait des Grecs, selon les théoriciens du Moyen-âge ; l'Orient est à l'origine de l'hymnodie et de l'antiphonie (psalmodie alternée). Mais tous ces éléments ont été assimilés par l'apport prépondérant de la civilisation latine. Le répertoire grégorien est, en effet, avant tout, essentiellement Latin ; ses mélodies se modèlent étroitement sur la phrase et le mot Latins ; on peut même dire qu'elles sont nées de l'accentuation latine. Et quand, plus tard, s'élaborera le système de notation neumatique, les accents en formeront les éléments de base.
Durant cette période, où les communications sont difficiles, la liturgie, et principalement le chant se développent séparément à partir d'une base commune, dans les différentes régions. Il y a le chant ambrosien à Milan, le chant bénéventin dans le sud de l'Italie, le chant hispanique (qu'on appellera plus tard mozarabe), le chant gallican dans le royaume franc, et surtout le chant romain, celui qui nous est le mieux connu, et qui est à l'origine de notre chant grégorien ; il fut l'objet de la sollicitude des papes de cette époque, et principalement de Saint Grégoire le Grand.

2° Le rôle de saint Grégoire le Grand

On attribue traditionnellement à saint Grégoire le Grand (pape de 590 à 604) un rôle déterminant dans l'organisation du chant romain en son fonds primitif. Cette tradition remonte au VIIIe siècle et les témoins principaux sont : Egbert, évêque d'York (766), le pape Adrien 1er (795), Amalaire de Metz (v. 850), le pape saint Léon IV (855), le pape Adrien II (872) et surtout le biographe de Saint Grégoire, Jean Diacre, qui écrivait vers 872, à Rome même. Tout préparait en effet saint Grégoire à cette tâche : les années qu'il avait passées dans la vie monastique sous la règle de saint Benoît, son caractère profondément contemplatif, enfin son génie liturgique. On sait qu'il fit une réforme liturgique d'où sont issus le Sacramentaire grégorien et un Lectionnaire de la messe dont les liturgistes ont pu reconstituer les grandes lignes. Or les plus anciens témoins de l'Antiphonaire de la messe, s'ils comportent des additions fates par les successeurs de saint Grégoire, présentent dans leur ordonnance des caractères qui apparentent cet Antiphonaire au Sacramentaire et au Lectionnaire grégoriens. Mais le pape n'a certainement pas composé son Antiphonaire de toutes pièces, ni pour les textes, ni pour les mélodies. Comme le dit Jean Diacre, il a fait une compilation, c'est à dire qu'il a réorganisé la cantilène élaborée par ses prédécesseurs. Quant aux pièces nouvelles, rendues nécessaires par cette réforme, mieux vaut avouer notre ignorance sur le rôle personnel pris par saint Grégoire dans leur composition littéraire ou musicale.

On sait en outre que le Pape a étendu le chant de l'Alleluia de la messe en dehors du Temps Pascal, a réglé le chant du Kyrie et a retiré aux diacres le soin de l'exécution des pièces chantées de la messe, pour le confier aux sous-diacres.

Enfin, la tradition lui attribue aussi la fondation de la "schola cantorum" romaine, école de chant liturgique destinée aux enfants, dont l'influence sera grande pour la diffusion du chant grégorien.

II. L'ORGANISATION DEFINITIVE ET LA DIFFUSION DU REPERTOIRE GREGORIEN (IXe-XIIIe siècle).

1° La diffusion du chant grégorien

Dès l'époque de saint Grégoire, le chant romain pénétra en Angleterre avec la Liturgie romaine, lors de l'évangélisation de ce pays par Saint Augustin et ses compagnons (596). Au VIIe siècle, l'abbé Jean, archidiacre de saint-Pierre de Rome, amené en Grande-Bretagne par Benoît Biscop, abbé de Wearmouth y enseigna le chant romain. Et au VIIIe siècle, les missionnaires anglais envoyés en Germanie s'y firent les propagateurs de la Liturgie romaine, inséparable du chant.

Mais surtout ce fut au VIIIe siècle également que le chant romain fut introduit dans l'Empire franc, à l'occasion de la romanisation de la Liturgie entreprise par Pépin le Bref, à la suite d'un accord politique conclu entre le Pape Etienne II et le roi des Francs (753). L'évêque de Metz saint Chrodegang (766) fut le premier à introduire le chant romain dans son diocèse, et l'école de Metz acquit vite la prépondérance sur les autres "scholae" du royaume.

En se répandant dans l'empire franc, le chant romain, tout en conservant la structure de base que lui avait donnée saint Grégoire, se transforma et s'enrichit considérablement, en particulier au contact des mélodies gallicanes auxquelles il emprunta certains éléments. C'est alors que ce chant romano-franc prit le nom de "grégorien" qu'il conserva lorsqu'il revint plus tard à Rome et se répandit dans toute l'Eglise de rite Latin, à l'exception de l'Eglise de Milan qui a conservé jusqu'à nos jours son antique chant "Ambrosien".

Charlemagne poursuivit l'oeuvre liturgique de son père et contribua à l'implantation et à la réforme du chant grégorien dont l'exécution par les chantres francs se dégradait. "Revenez à la source de saint Grégoire" aurait-il dit à l'adresse des chantres francs, lors d'un séjour à Rome en 787. Pour ce faire, il obtint du pape Adrien l'envoi de chantres de la "schola cantorum" romaine. Selon la légende, mais elle est très suspecte, l'un d'eux du nom de Petrus, serait allé à Metz, tandis que l'autre, nommé Romanus, se serait arrêté à Saint-Gall, et ce serait là l'origine de la fameuse école de chant qui rivalisera avec l'école messine. Quoi qu'il en soit de l'authenticité de cette tradition, hypothétique, le chantre Romanus a donné son nom aux nombreux signes rythmiques et expressifs particulièrement précieux, que l'on trouve surtout, mais non exclusivement, dans les manuscrits de chants sangalliens.

Sous la vigoureuse impulsion de Charlemagne, le chant grégorien s'imposa dans presque toutes les églises d'occident. Les six plus anciens manuscrits de l'Antiphonaire de la messe datent de cette époque : leur composition s'étage entre le VIIIe et le Xe siècles ; et fait remarquable, ils ne donnent encore que le texte des pièces, à l'exclusion de toute notation musicale : c'est le signe que, jusqu'à cette époque, les mélodies étaient transmises par voie orale et retenues de mémoire. Mais, dans la seconde moitié du IXe siècle, la notation musicale commence à faire son apparition. Le plus ancien manuscrit conservé qui soit noté, c'est le Cantatorium de Saint Gall (ms. 359) remontant à la fin du IXe ou le début du Xe siècle.