"Voter un droit, mais c'est surtout un devoir"
+ Mgr François Favreau, Évêque de Nanterre -  2002-01-14 23:15:29

"Voter un droit, mais c'est surtout un devoir"


"Voter un droit, mais c'est surtout un devoir"

Par Mgr François Favreau,
Évêque de Nanterre










L' année prochaine va être occupée par des élections qui vont mobiliser états-majors
politiques et médias. Nous allons être abreuvés de promesses et saturés de sondages.
L'actualité est meublée de tant d'affaires, les propos rapportés se font si facilement
polémiques, les réalités quotidiennes apparaissent à beaucoup si lourdes que le jugement
sur la politique et les politiques se fait sévère. Et l'envie de ne pas voter gagne certains.
Le vote est un devoir de citoyen. Même imparfaite, la démocratie est une chance offerte. Ne
la gâchons pas, ne nous dérobons pas. Soyons cependant vigilants : le fait de voter ne
libère pas de la participation habituelle à la vie de la cité. Le bien commun réclame
l'engagement de chacun.

Il est vrai que notre marge de manœuvre de citoyen est très étroite : mais elle est le lieu de
notre responsabilité au quotidien.
Il est sûr que l'attention portée à la chose publique permet d'agir sur l'opinion, elle-même
relais pour influencer les hommes et les femmes politiques dans leurs choix.
Il est nécessaire que nous apportions à notre démocratie un supplément d'âme et à nos
concitoyens une ouverture à l'universel.

Dans les mois qui nous attendent, pour les choix à faire, j'attire votre attention sur plusieurs
points :

La mondialisation…
Elle est déjà un fait. Les mouvements anti-mondialistes attirent l'attention sur ses excès et
sur ses manques. Il s'agit d'appréhender la mondialisation et de la gérer en reconnaissant
aux organismes internationaux existants une véritable autorité et les moyens de l'exercer.

L'Europe…
Des "camps" politiques existent et les questions sont nombreuses : fédéralisme ou non ?
régionalisation développée ou non ? Nous devons nous intéresser à l'Europe. Ne pas y
chercher notre seul profit national ou régional… Ne pas y perdre son identité culturelle… mais
s'enrichir du partage en tout domaine. Et être une force réelle à l'échelle du monde.

L'économie…
Il convient de se refuser au tout économique. De dire non à l'économie au détriment de
l'homme "Une économie plus humaine est nécessaire." (MCC). De ne pas penser "minimum
vital" seulement dans le domaine des ressources. De penser activement au développement
des pays pauvres. L'Euro est à la porte. L'Euro, c'est demain. Symboliquement la monnaie
unique va faire bouger beaucoup de choses.

La vie sociale…
La politique est au service du vivre ensemble et du progresser ensemble. Mais les politiques
ne peuvent pas grand chose sans un consensus actif des citoyens. Le danger actuel est dans
une gestion de la vie collective sous la domination d'un principe de précaution en pleine
inflation, avec les moyens de la réglementation et de la répression… sans que l'éducation
des personnes soit assez prise en compte et sans que la cellule familiale ait retrouvé une
vitalité forte.

L'exclusion… Dans toute vie collective il y a d'inévitables exclusions. C'est à l'honneur des
hommes politiques et des personnes engagées dans les associations de lutter pour les
réinsertions et pour les soutiens. Le nombre des "exclus" reste inacceptable et pas un exclu
ne doit être tenu pour quantité négligeable.
Les effets d'annonce, lorsqu'il n'y a pas de suite, sont une hypocrisie.

Les étrangers…
Ils sont là. Quelle politique convient-il de suivre : insertion, assimilation, intégration ?
Beaucoup deviennent français et font souche chez nous. Les étrangers avec les diversités
culturelles et religieuses qu'ils apportent sont une chance pour notre pays. Une chance mais
aussi un risque (ghettoïsation, communautarisme) …

La laïcité…
dans notre pays la laïcité a son histoire et ses notes propres. Demander une laïcité plus
ouverte à la dimension religieuse de l'homme et à l'apport des religions, ce n'est pas mettre
en cause l'autonomie séculière des pouvoirs politiques, c'est refuser la marginalisation de la
religion.

Au risque de ne pas faciliter les choix à faire, je vous partage quelques réflexions.
1 - Il n'y a pas de partis politiques qui appuient leur programme sur l'enseignement de
l'Église : autrement dit, il n'y a pas chez nous de parti politique dûment reconnu comme
catholique. C'est sans doute préférable.
Mais s'il fallait - pour un catholique - refuser sa voix aux partis politiques contrevenant à
quelques points essentiels de cet enseignement, sans doute n'y aurait-il plus qu'à s'abstenir
! Pensez aux questions de la vie (avortement - euthanasie) à la façon de voir la famille (la
législation autour du couple) à la place laissée à l'argent dans la gestion économique, à la
façon dont les personnes handicapées sont reconnues (problèmes de stérilisation).

2 - La complexité des choses, la mondialisation, les contraintes de l'économie du marché, la
communication limitent les marges de manœuvre des gouvernants. Les programmes des
partis politiques ont des habits différents pour vêtir des projets souvent proches.
Les clivages sont plus flous aujourd'hui qu'hier.

3 - Nous ne savons plus où va le monde… Les oppositions entre l'Est et l'Ouest ont cessé au
moins dans la forme connue jusqu'à la chute du mur de Berlin, les mouvements de
population peuvent s'amplifier d'un continent à l'autre, les risques fabriqués par les progrès
techniques et scientifiques mal ou non gérés sont à nos portes : réchauffement de la
planète, surpopulation, pollution, instabilité des marchés, conséquences imprévisibles des
manipulations génétiques. Nous sommes a-t-on écrit : "dans un monde en fuite".
Y a-t-il un programme politique pouvant donner des indications claires et fiables ? Il est
permis d'en douter. Il est, en tout cas permis de demander que les projets communiqués ne
nous cachent pas la réalité et ne trichent pas avec elle.

Que conclure ?
Je crois qu'il y a à être de plus en plus attentif à tout ce qui se passe, attentif à tout ce qui
est engagé dans la gestion du temps présent pour veiller à ce que celle-ci n'hypothèque pas
l'avenir.
Je crois qu'il y a à être participant à notre niveau à la vie économique, à la vie sociale, à la
vie culturelle afin que nous soyons en mesure de vivre positivement les évolutions en cours.
Je crois qu'il y a à ouvrir des espaces de dialogue pour que nous nous intéressions
ensemble à ce monde qui est le nôtre et pour que nous cherchions un accord sur l'homme à
éduquer et à développer.

+ Mgr François Favreau,
Évêque de Nanterre