Franchement, il y avait autre chose à dire sur la sainteté du Père Victor Dillard ...( humour ou règlement de compte ???)
Voici le texte de l'homélie donnée à la cathédrale de Blois au cours de la messe du 60éme anniversaire de la mort du père Victor Dillard, par Mgr Philippe Verrier, vicaire général , en présence de Mgr de Germiny :

Homélie du 12 janvier 2005 : 60ème anniversaire de la mort du P Victor Dillard.



« Parcourir le monde pour annoncer la Bonne Nouvelle ! »

« Par sa mort, réduire à l’impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort. »

« Ayant subi jusqu’au bout l’épreuve de la passion, porter secours à ceux qui subissent l’épreuve. »

Ces phrases de l’Evangile et du chapitre 2 de la lettre aux Hébreux que nous donne la liturgie de ce jour, pour suivre son Sauveur, par sa mort le P Victor Dillard a tenté de le vivre. Nous célébrons ce soir, le soixantième anniversaire de sa mort au camp de Dachau.



En avril 1943, le P Dillard quitte son ministère à Vichy où ses propos l’ont rendu indésirable.

A Lyon, il rencontre le P Jean Laplace, jeune confrère qu’il a connu à Evreux.



« Le père Dillard, à Lyon, après le déjeuner, en marchant dans le jardin, m’a confié, à propos du refus du Provincial de l’autoriser à partir en Allemagne comme prêtre volontaire pour accompagner les jeunes du S.T.O. : « Il a raison, dans mon cas ce serait presque un suicide ! »

Quinze jours après, j’apprenais qu’il était parti. Le Père Provincial lui avait donné l’autorisation de partir s’il le désirait. « Il n’y a pas beaucoup de volontaires, allez-y si vous le voulez. »



« La soeur qui préparait la chapelle où le père Dillard célébrait la messe chaque matin, a raconté qu’un jour, après la célébration, le père Dillard est resté beaucoup plus longtemps que d’habitude en action de grâce. »

« Quelques jours après le père partait pour l’Allemagne. »

« Elle pensait que c’était à ce moment qu’il avait du confirmer sa résolution de partir. »



Dans sa simplicité, ce récit dit beaucoup sur le sens de la mort du P Dillard.

« Si je dois y rester, c’était prévu au départ » dira-t-il plus tard…



Pour comprendre son sens apostolique, on peut se souvenir de sa réponse à Maurice Schumann. Le futur porte parole de la France Libre sur la BBC à Londres avait été son dirigé à Paris avant guerre. Il rencontre son père spirituel à la Bourse de paris, en civil. Il s’étonne de le rencontrer dans ce lieu, en civil en un temps où tous les prêtres portaient la soutane. Le père lui a fait cette réponse : « Si on me disait que pour évangéliser les petits rats de l’opéra il fallait se mettre en tutu, je me mettrai aussitôt en tutu ! »



Au moment où les jeunes de France sont envoyés en Allemagne pour y être ouvriers au service du Service du travail obligatoire, du S.T.O., Victor Dillard prend un habit d’ouvrier et part en Allemagne comme ouvrier électricien volontaire. Electricien ? Il a fait de la physique à Notre-Dame. Et puis l’électricien est un ouvrier qui va partout dans l’usine… en relation avec tous.



Lorsqu’il part pour l’Allemagne, un de ses confrères le plaisante : « Mon père on vous a vu en soutane, en clergyman pour aller à l’étranger, en civil pour aller à la Bourse, en uniforme pour partir à la guerre, on vous voit en ouvrier… quand vous verra-t-on en tutu ? » On peut plaisanter sur son désir de déguisement. Il s’est bien déplacé habillé en contrôleur de la SNCF lorsqu’il était prisonnier évadé traversant la Ligne de démarcation entre Zone libre et zone occupée… le P Riquet raconte aussi qu’après son arrivée à Dachau, il a récupéré une casquette de la SNCF, encore…, qu’il a prise à un Russe auquel il a déclaré qu’un étranger n’avait pas le droit de porter un couvre chef d’une société française nationalisée…

Déguisement et humour… Oui, il a utilisé tout ce qu’il était pour annoncer l’Evangile.



Lorsqu’il est dénoncé comme prêtre, il est arrêté et condamné en vertu du Décret de persécution, daté du 3 décembre 1943, signée par Ernst Kaltenbrunner, chef de la police du Reich



« Le secours spirituel des travailleurs civils français, belges, hollandais, etc. par des prêtres de leur pays est et reste interdit et doit être jugulé par tous les moyens [Or…]

L’action catholique de France cherche à atteindre son but :

1°) par l’engagement de nombreux prêtres et séminaristes français venus dans le Reich, camouflés en travailleurs civils volontaires ;

2°) par l’association catholique des jeunes travailleurs ‘’Jeunesse ouvrière chrétienne’’ (J.O.C., nommée aussi jocistes). »



C’est parce qu’il correspond parfaitement à ceux qui sont visés qu’il est condamné à Dachau, même s’il se pliant d’être également accusé d’espionnage…



Prêtre, camouflé, il est condamné. Il meurt.



Ses camarades se sont rendus compte de la qualité de l’homme. Le témoignage du dr suire qui l’a soigné est assez clair.



Voici son récit : ‘Au moment précis de sa mort, dans les deux pièces réunies constituant la chambre 4 du Block 1, bruyante encore quelques minutes avant, comme elle l’était souvent, avec son entassement de malades, deux par casier pour la plupart, à l’exclusion des mourants, il se fit un silence total. Et l’on vit des corps se relever et des regards se diriger vers le père Dillard. Une profonde consternation figeait tous les visages, des rustres comme des intellectuels, des occidentaux comme des orientaux.’



‘Souvent, les morts étaient à peine remarqués ; parfois, ils ne frappaient que les voisins dont certains s’empressaient de voler le pain et la margarine restant ; aujourd’hui, tous participaient à ce départ. C’était la première fois que nous constations cette émotion collective : nous ne devions plus la retrouver.’



Rendons grâce pour la qualité du témoignage de celui qui nous rassemble ce soir.