(Il me semble me souvenir d'un prêtre qui s'est fait prendre à 220 km/h et qui a réussi à plaider que le moteur c'était embalé pour finalement bénéficier d'une peine simbolique, provoquant le scandale dans la presse automobile )...

Hi Hi ce prêtre avait pour nom......... l'abbé Laguérie

Paru dans Le Monde, le 1er décembre 1999

Le service de Dieu n'attend pas. Allez en paix et roulez à tombeau ouvert, mon fils! Tout de même, comment ne pas être étonné par les trésors d'indulgence déployés par le tribunal correctionnel de Saintes à l'égard d'un malheureux pécheur des routes et bienheureux pasteur des âmes?

Au mois de mai, l'abbé Philippe Laguérie, fort connu pour ses opinions intégristes et son sacerdoce militant exercé jadis à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, mais là n'est pas le problème, le bon abbé, donc, se fait gauler par la patrouille sur l'autoroute A 10. Au volant de sa voiture qu'on suppose puissante, l'ecclésiastique roule tout bonnement à 190 km/h. Un flagrant délit d'excès de vitesse, et même, selon la loi nouvelle mais non rétroactive, un manifeste délit de grande vitesse.

Le compte de l'abbé véloce semble bon comme il est de jurisprudence coutumière. D'autant que, pour ajouter l'abus à l'excès, le conducteur circulait ce jour-là sans permis de conduire. Car, pour quelques menus écarts antérieurs, les douze points qui autorisent la conduite légale des automobiles, à vitesse réglementaire, lui avaient été retirés.

Bref, l'abbé Laguérie abusait nettement. Et l'on en sait qui furent interdits de route pour moins que cela. L'affaire vient donc devant le tribunal correctionnel de Saintes au mois de juin. Nous n'étions pas à l'audience, mais selon ce qu'en rapporte Libération, l'abbé soutint devant ses juges que sa voiture "s'était emballée toute seule", par une sorte, on le suppose, de "diabolique" intervention mécanique. Il fit savoir aussi que si ses fautes étaient réelles, elles relevaient de l'ordre du "péché véniel", catégorie rien de moins qu'étrangère aux confessionnaux judiciaires.

L'argumentaire dut paraître pertinent. Il eut en tout cas pour effet de plonger le tribunal dans des abîmes de perplexité, puisque bien loin de pratiquer une justice à grande vitesse, celui-ci mit plusieurs mois à rendre son jugement. Un jugement tout simplement admirable, pour ne pas dire "miraculeux."

Le tribunal a condamné, le 16 novembre, l'abbé Laguérie à une amende de 2500 francs et à une suspension partielle de son permis de conduire durant un mois. Tout est évidemment dans le "partielle". Considérant que l'ecclésiastique avait des "obligations sacerdotales" à remplir, les juges, dans leur infinie sagesse et leur non moins éclairée conduite des affaires du ciel, ont admis qu'un saint homme ne saurait exercer pleinement son ministère qu'avec véhicule afférent. Ils ont donc aménagé la sanction: l'abbé Laguérie, dont on suppose qu'il a récupéré ses points, pourra conduire du lundi 10 heures du matin au dimanche minuit. Et il devra laisser son véhicule, au garage, du dimanche 0 h 01 au lundi 9 h 59 min 59 sec, heure du départ du rallye sacerdotal!

Il fallait l'inventer cette divine jurisprudence! Chauffards, mes très chers frères, malheureuses victimes d'un emballement de moteur, tous en pélérinage, à genoux et en vertueuse repentance, vers le très saint tribunal de Saintes! Les juges y sont manifestement miséricordieux au pauvre monde possédé par les démons du volant.

Après, mais après seulement, on parlera de sécurité routière!