Chers liseurs, je vous avais promis dimanche dernier de publier ici l'homélie prononcée alors par M. l'abbé Jérôme Lebel, dont le thème était l'Envie.
Il s'agit du premier sermon d'une série de sept qu'entament les prêtres de la Fraternité St Pierre à Lyon consacrée aux péchés capitaux.
Ces sept sermons feront l'objet d'une publication complète au terme de la série lors d'un hors-série de la revue Communicantes.
Bonne lecture. Bonne digestion !
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Mes frères, commençant la série de sermons des sept péchés capitaux, rappelons trois points,

• Tout d’abord, le moyen mnémotechnique de se souvenir des 7 péchés capitaux, est de retenir le terme GALO-PEC. Certains en effet, courent à grand galop vers ces péchés. Retenez le terme GALO-PEC, qui est formé du G de la gourmandise, du A de l’avarice, du L de la luxure, du O de l’orgueil, GALO-PEC, du P de la paresse, du E de l’envie et enfin, du C de la colère. GALOPEC, gourmandise, avarice, luxure, orgueil, paresse, envie et colère. GALOPEC.

• Après ce petit exercice de mémorisation des 7 péchés capitaux, GALO-PEC, précisons qu’ils sont dits « capitaux » parce qu’ils sont les pères de bien d’autres péchés. Le mot latin « caput », dont est issu le mot « capitaux » se traduit par « tête » en français. Ainsi, les 7 péchés capitaux sont en tête de bien d’autres péchés.

• Enfin, la troisième et dernière précision est de se rappeler que ces sermons ont un but spirituel, mes frères. Vous n’êtes pas à écouter un cours de psychologie de base pour ne pas simplement tomber dans le vice ou la perversion. Non, nous sommes prêtres et nous avons à prêcher pour que vous soyez libérés de tout ce qui entraverait votre relation entre vous et Dieu. Notre religion est une religion salvifique mes frères, c’est-à-dire, une religion qui libère des fautes et des erreurs, fussent-elles les plus minimes. Je ne vous prêche pas pour que vous soyez plus à l’aise dans le monde, mais plus unis au Christ.
Ces trois précisions étant dites (GALOPEC, « Caput » et ne pas oublier le but spirituel de ces sermons), commençons mes frères cette prédication.



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Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il.
Je vous propose de commencer aujourd’hui par le premier des péchés capitaux.
Quel est-t-il ? Quel est le premier péché qui ait touché de plein fouet non seulement les propres enfants d’Adam et d’Eve (les rejetons adamiques), mais aussi Satan lui-même ? ce n’est pas la paresse ni l’avarice, ce n’est pas la gourmandise ni la luxure, ce n’est ni la colère ni l’orgueil.
Je veux parler du péché de l’envie.
Et ce péché touche chacun d’entre nous, indépendamment de l’âge.
Tenez : le premier humain sur terre, Caïn, fut jaloux, jaloux à en tuer son frère Abel, et ce, par pure envie.
Le péché de l’envie touche les humains, mais aussi les anges. L’envie est le grand péché de Satan : n’est-il pas jaloux de Dieu et des hommes ?
Avant de trouver le remède à l’envie, amusons-nous maintenant à prendre un exemple.
Regardons jouer un frère de 5 ans et une sœur de 3 ans sur une plage de sable. Tout se passe bien pour l’instant, les parents sont ravis de tant de jovialités enfantines, le château de sable a fière allure, et les petits entrepreneurs commencent à bien s’amuser.
Soudain, la sœur s’aperçoit que son frère a lui, une pelle en plastique bleue. Elle se souvient alors qu’elle a oublié la sienne dans le sac de maman. Alors, par pure envie, la sœur va déclencher une guerre sans merci, et vous allez voir mes frères, que l’envie va être à la tête de bien d’autres péchés.
Donc suivez bien : par envie, envie de posséder cet objet, la pelle de plastique bleue, que seul son frère a pour l’instant, la sœur va faire murir une haine, haine secrète et soudaine, haine de tout ce que son frère fait.
Elle critiquera tout d’abord une des tours de garde du château.
Elle détruira ensuite, sous couvert d’ironie acerbe un des mûrs en criant qu’il n’est pas assez haut. Puis, elle attendra que son grand frère lâche sa pelle pour enfin aller lui chiper en calmant son amertume dans un cri de victoire étouffé.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là : le grand frère est plus fort, et a réussi à reprendre son bien. Heureusement, maman s’aperçoit que sa fille a laissé sa pelle dans le sac familial des jouets de plage, pelle qui est l’objet de l’apparente querelle. Maman court alors calmer en consolant son fils, et apporte enfin la deuxième pelle à sa fille, mais voilà que la petite sœur refuse de la prendre. Que se passe t-il ?
Quel enfer mes frères ! de l’envie, cette petite fille a glissé vers la jalousie ! de l’envie d’avoir l’objet, objet tant désiré, cette jeune demoiselle est passée à la jalousie, jalousie de ne pas être l’enfant unique ayant l’ensemble de l’affection de sa mère. Elle n’est pas la préférée de maman, comment une jalouse pourrait l’être d’ailleurs ? De plus, maman a pris partie, bien justement, pour le frère lésé dans son vol.
Mes frères, regardez dans quel pétrin se place cette enfant jalouse du haut de ses 3 ans: elle ira jusqu’à refuser de recevoir l’objet de ses désirs. Elle veut soudain bien plus, elle veut être plus aimée, plus considérée. De vouloir originellement être la seule à posséder quelque chose, elle veut finalement être la seule à avoir l’ensemble les faveurs maternelles.
Par cet exemple mes frères, nous avons vu que de la simple envie, bien d’autres péchés sont venus se greffer comme : la jalousie, la colère, le vol, la haine, la destruction, l’ironie.
Voici pour la courte histoire. Mais vous pouvez faire de bien plus longues histoires avec le péché capital de l’envie, histoires qui deviendront certainement de bons romans, de fameux opéras, ou de célèbres pièces de théâtre.
Changez simplement l’objet convoité mes frères: tenez, au lieu d’une pelle de plage, mettez de vraies richesses, ou de l’éloquence, ou de l’éclatante intelligence, même du haut rang social, de beaux noms de famille, ou mieux : des titres ! Ensuite, au lieu de simples enfants, placez de grands et raisonnables adultes, et vous avez les jalousies amoureuses et sociales les plus en vogues, et fort appréciées des gens cultivées qui passent de bien bonnes soirées à regarder grandir le péché d’envie dans les âmes de Phèdre, d’Othello, de Carmen, ou de Bérénice.
Tout ça pour vous dire que l’envieux mes frères, l’envieux est un être triste, triste de ce qu’a l’autre. Il a le regard du déprimé. Il est incapable de se réjouir du bonheur de l’autre, incapable de faire des compliments, des phrases encourageantes. Il aura même une bouffée de joie secrète à l’annonce d’un malheur chez autrui, oh ! il ressent souvent le besoin de dénigrer, de critiquer sans cesse toute personne mieux considérée que lui. Le personnage de Gollum dans le film Le Seigneur des Anneaux est l’archétype de l’envieux.
L’envieux, l’envieux est torturé par sa terrible volonté d’être le centre de tout. Il est étouffant dans ses conversations, il veut que nous l’écoutions, aura un avis sur tout. Mais sa conversation s’arrêtera comme elle a commencée, c'est-à-dire dans le bain de vinaigre de ses comparaisons calomnieuses, jalouses et médisantes.
Vous comprenez bien mes frères que dans de telles âmes, mais la vie spirituelle sera bien difficile.
En effet, comment demeurer immobile pour n’être qu’à Dieu ? Alors que l’envieux ne désire qu’une chose : être à la place de l’autre, fusse-t-elle celle de Dieu ?
Comment rester en silence pour n’écouter que Dieu ? Alors que l’âme de l’envieux est le siège d’un incessant brouhaha de jactances et de cancanages ?
La vie spirituelle, mes frères, est une vraie torture pour l’envieux. Il ne peut ni se taire, ni rester en place. Alors que la vie spirituelle demande silence et stabilité intérieure.

C’est pour cela que l’Eglise catholique fait tout pour sauver l’envieux.
L’envieux est en danger de ne pas être à Dieu.
Alors, comment l’Eglise l’en sort-il ? Quelle est son remède contre l’envie ?
Tout d’abord, l’envieux doit se taire, de toute urgence, pour : ne plus critiquer, ne plus accuser, ne plus balafrer l’autre de ses phrases assassines. Sans ce silence, rien ne pourra commencer. L’envieux doit d’abord se taire. Il l’apprendra vite au confessionnal.
Ensuite, il brisera son silence en complimentant autrui, chose qui ne lui est jamais arrivée, ou très rarement, presque accidentellement. Il encouragera l’autre dans ses succès. Il lui faudra un grand courage pour ça, car il a à briser l’épaisse glace de son amertume qui enrobe son cœur.
Enfin, l’envieux devra réfléchir sur sa propre personne et celle des autres. Il aura à accepter ses propres manques, ses propres lacunes. Il aura à accepter que l’autre soit différent, avec des goûts, des idées, des points de vue différents.
Ainsi, l’autre ne sera plus envié, mais apprécié. Il ne sera plus convoité, mais estimé.
Voici mes frères pour l’ordre naturel. Mais qu’en est-t-il de l’ordre surnaturel ?
Spirituellement, l’envieux qui aura appris à se taire, trouvera enfin ses consolations à prier Dieu. Il trouvera même une joie spirituelle d’être au contact de Dieu, Lui, le tout autre.
Enfin, l’envieux fera l’expérience de la communion des saints. Il prendra conscience, que nous sommes tous à œuvrer pour un bien qui nous est commun : aller tous au Paradis, et que nous nous entraidons tous à y aller. C’est d’ailleurs le but de toute vie : aller au Paradis et s’entraider à y aller. C’est pour cela que vous vous êtes mariés, c’est pour cela que vous êtes fidèles de l’Eglise du Christ, c’est pour cela que nous, prêtres, nous avons accepté de recevoir l’ordination sacerdotale : pour que nous nous aidions à aller tous au Paradis.
Finalement, celui qui a été envieux dans sa vie se surprendra à ne plus rien envier parce que lorsqu’on a Dieu, on a tout.
Celui qui est guéri de l’envie, comprend que Dieu seul suffit.
Je souhaite terminer cette homélie en vous proposant un exercice spirituel pour cette semaine. Ecoutez bien : je vous propose donc mes frères 3 efforts naturels et 2 efforts spirituels qui ne sont en fait que la synthèse de cette homélie:

Voila les 3 efforts naturels :

• Cultiver le silence.
• Encourager votre entourage par des phrases simples.
• Accepter de ne pas tout avoir.

Voici pour les 3 efforts naturels.

Mais maintenant, voici les 2 efforts spirituels :

• Se dire sans cesse que lorsqu’on a Dieu, on a tout.
• Vous plonger dans la communion des saints.

Ainsi, de l’état d’envier des biens créés, vous êtes arrivés à désirer pour autrui le bien incréé : Dieu.
Que Dieu tout puissant vous aide de sa grâce pour y arriver : au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, bon courage.
Ainsi soit-il.