Bonsoir Aurélien. Vous me posez une question très intéressante à laquelle il est difficile de répondre sans déclencher une polémique...

Avec le recul voici ce que je dirais.

Fraternité Saint Pie X : on bénéficie d'une bonne formation doctrinale et même intellectuelle (ça dépend des écoles). Mais le niveau des élèves sortis des écoles de la FSSPX baisse au fur et à mesure que "l'endoctrinement" est élevé... J'ai apprécié cette formation de catéchisme qui m'a donné les repères moraux nécessaires. En revanche j'ai été très marqué par une vision de Dieu qui n'est malheureusement pas très catholique, à mon sens : c'est un Dieu juridique qui punit, un Dieu froid et lointain devant qui on fait des courbettes sans que le cœur y soit toujours, un Dieu justicier dont la miséricorde n'existe quasi pas dans les sermons. J'ai été très marqué par cette vision de Dieu dont j'ai mis beaucoup de temps à me remettre. Nombre de fidèles de la FSSPX sont pieux, c'est un fait, mais le pessimisme ambiant entretenu dans le milieu est nauséabond et contraire à la vertu d'espérance. Encore une fois j'ai été très marqué par ça (je précise que j'ai fréquenté la FSSPX pendant mon enfance et le tout début de mon adolescence). Je pense que c'est cette vision de Dieu qui différencie le plus les fidèles de la FSSPX des catholiques engagés dans les diocèses.

Fraternité Saint Pierre, Christ Roi et fidèles dits tradis attachés au pape d'une manière générale : la vision de Dieu est un peu différente mais fondamentalement elle ne change pas énormément de celle véhiculée par la FSSPX. L'énorme différence est que la FSSP a intégré la théologie de Jean-Paul II sur la miséricorde divine (Sainte Faustine), et que ça adoucit beaucoup les relations avec Dieu. Tendance forte à l'hypocrisie dans le milieu : dès qu'on est un peu différent et qu'on fait des bêtises, on devient le bouc émissaire (je ne parle pas de mon cas personnel, mais de plusieurs personnes de mes connaissances) : bref la bienveillance n'est pas le fort du milieu. Avantages : beaucoup de fidèles pieux (conséquence de l'amour pour la belle liturgie), et souvent plus fidèles dans la vertu de religion.

Tradis d'une manière générale : énorme lacune de formation à la fréquentation de la parole de Dieu, et pourtant avec le temps, je découvre combien c'est elle qui doit guider notre vie. Quelle énorme lacune !

Paroisses : c'est très variable. Je me suis senti très bien dans le milieu, très rapidement, car la dimension de la charité est beaucoup plus présente. Quand je suis arrivé dans les paroisses c'était la première fois que j'avais des sermons qui me parlaient de Dieu d'une façon nouvelle, en lien avec les textes du jour, et surtout sans polémique. Combien de fois ai-je eu des sermons qui tapaient sur l'Église et le pape dans la chapelles de la FSSPX ? Évidemment, la liturgie n'est pas toujours au top (ça dépend des paroisses), mais il y a un moment où IL FAUT absolument faire abstraction de la forme pour s'attacher au fond, avant de revenir à la forme. Sinon pendant la messe, on s'énerve parce que le prêtre ne fait pas ci ou ne fait pas ça, on s'agace intérieurement et on ne prie pas, parce qu'on juge. ça manque parfois un peu de forme et même de fond dans les sermons : en fait c'est très variable d'une paroisse à l'autre. Les messes folklos dans les villes sont devenues de plus en plus rares.

Jésuites : j'ai beaucoup aimé. J'aimais énormément les confessions avec les jésuites qui sont des grands connaisseurs de l'âme humaine. Il faut oublier l'aspect liturgique et reconnaître les grandes qualités de beaucoup de jésuites. Beaucoup de gens tapent sur les jésuites sans connaître c'est bien dommage.

Saint Jean, Emmanuel, communautés charismatiques : j'accroche pas toujours avec les communautés charismatiques, et pourtant de temps à autre ça fait du bien. Je pense que l'Eglise a vraiment besoin de ces communautés qui ont une foi très profonde et qui sont un peu un retour aux sources des premiers temps de l'Eglise (agir sous la conduite de l'Esprit Saint). Il est dommage que beaucoup de gens ne retiennent que les clichés de communautés qu'il n'ont en général jamais visitées et encore moins fréquentées. J'aime Saint-Jean et leur exigence spirituelle.

Sédévacantistes : des foutraques qui ont le mérite d'avoir plus de cohérence intellectuelle que la FSSPX. Pas étonnant d'ailleurs que la FSSPX perde toutes ses têtes intellectuelles, car son positionnement intellectuel est objectivement insoutenable (le derrière entre 2 chaises pour le dire plus prosaïquement)

Enfin je note une mention particulière pour mon curé de paroisse d'enfance, un vieux curé de campagne que j'adorais, mort quand j'avais 9 ans, à qui je repense toujours avec beaucoup d'émotion. C'est lui qui m'a baptisé, c'est de lui que j'ai reçu le corps de Jésus la première fois, c'est avec lui que j'ai servi mes premières messes. C'était un prêtre de campagne, qui célébrait la messe de Paul VI en latin et dos au peuple, un prêtre qui vivait seul dans son presbytère au fin fond de la campagne, avec une gouvernante qui s'occupait de lui de temps en temps. Je garderai ce vieux prêtre dans mon cœur toute ma vie.

Donc pour conclure je dirai que je n'ai aucune préférence : je ne fréquente plus le milieu traditionaliste que je ne supporte plus trop. J'aime la belle liturgie et j'aime aller à Fontgombault de temps en temps. J'aime aussi la messe en français : quelle joie de réciter le Notre Père tous ensemble en français ! La langue vernaculaire n'a pas que du mauvais !

Pour tout le reste j'aime la richesse des sensibilités qui existent dans l'Eglise et je fais confiance à la sagesse de l'Eglise, d'ailleurs la confiance à l'Eglise fait partie de la vertu de foi.

Enfin, pour avoir un peu voyagé, j'ajoute que le problème de la liturgie est un problème franco-français (plus Belgique et Allemagne). Partout ailleurs c'est franchement très correct !