Cher Monsieur l'Abbé,
Vous abordez le chapitre délicatissime en la théologie morale des conditions du possible "conseil de péché", qui n'est qu'une application extrême du principe de "l'acte à double effet" (on fait un bien d'où il risque d'advenir un mal). Dans le "conseil de péché", en théorie, on ne conseille pas un mal (voler plutôt que tuer ; voler un riche plutôt qu'un pauvre), mais on déconseille un mal plus grand (tuer ; voler un pauvre), sachant que le mal moindre va être commis. En réalité, on détourne, par une espèce de ruse, le pécheur vers un péché moins dommageable.
Mais c'est limite, limite, si j'ose dire, comme dans tous les cas d'acte à double effet où le mal qui va advenir n'est pas un risque, mais est une certitude. D'où le garde-fou pour le raisonnement moral, le cliquet, qu'est la qualification de certains actes d’actes contre nature (mensonge, meurtre de l’innocent, acte sexuel perverti par la pilule, le préservatif), qu’on ne peut jamais conseiller. S'il est certain que le scénario envisagé implique un acte contre nature, il est tout aussi certain que l'on va faire (ou faire faire) le mal pour qu'il en advienne un bien. Impossible, par exemple, de "conseiller" à des tyrans de ne tuer que 3 otages innocents de telle race, plutôt que 20 otages innocents, sous prétexte de "moindre mal".
Pour être plus précis, dans le cas dont nous parlons, il s'agirait du "conseil" que l'on donnerait à celui qui va commettre à coup sûr un acte contre nature pour qu'il commette cet acte d'une certaine manière. C'est impossible : on ne peut que chercher à l'en détourner. Le seul conseil que l'on puisse lui donner me semble être : "Va ne pèche plus !"
Sous réserve d'un meilleur jugement.
Une dernière chose : c'est un devoir pour nous de penser aux pharmaciens qui souffrent persécution parce qu'on nous leur avons expliqué qu'ils n'ont pas moralement le droit de coopérer au mal, en délivrant, entre autres, des préservatifs.
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