Désolé d’avoir mis tant de temps à répondre mais j’ai pris le temps de lire la thèse (et cela m’a pris d’autant plus de temps qu’un bug informatique m’a forcé à le refaire). J’ai essayé de le lire sans a-priori. Tous ceux qui me connaissent savent que je serais le premier à me réjouir d’une thèse sur ce sujet tenant la route.
Je l’admets, la thèse est très attrayante. Il essaye de prouver ses dires par de l’épigraphie, des images, des notes de bas de page… Malheureusement, le texte est remplie d’erreurs.
Je ne reviendrais pas sur les choses annexes : Manéthon, le petit Sapair… Mais il est dommage que le texte semble montrer une méconnaissance de certains points importants de la pensée (mise à mort de l’hippopotame) ou de l’art égyptien (explication ambiguë à propos de moissonneurs sur le relief de la prise d’Avaris).
De même, il semble considérer l’histoire égyptienne comme un tout alors que la pensée, la religion a beaucoup évolué selon les époques et un homme de la deuxième période intermédiaire ne verra pas les choses comme un Ramesside.
Je m’explique. Pour parler de la religion hyksos, est utilisé entre autre le texte parlant des hippopotames gênant Apopi. Dans sa manière de le présenter, on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un texte contemporain aux événements. Ayant le livre de Ch. Barbotin (d’où il est tiré) sous la main, je vérifie immédiatement dedans. Si le texte est exact, l'auteur semble ne pas avoir pris la peine de lire le commentaire. Or on y apprend que ce texte a été écrit sous Merenptah (400 ans après les événements) et que le style renvois au genre du conte « où satire et merveilleux se côtoient ». Il n’est pas possible de le considérer comme une source historique. L’importance donnée à Seth s’explique très bien par le contexte religieux sous les Ramessides.
Il est en de même pour le texte d’Hatchepsout, qui a un but politique très clair.
On ne peut donc expliquer la religion hyksos par ces deux textes. De plus, dans l’onomastique hyksos, on trouve des références à Ré, à Seth/Baal… Ce n’est donc pas un monothéisme.
En passant, il est toujours très dangereux en Egypte de parler des usurpations/destructions (cas des noms de Seth) surtout quand l’on ne donne pas d’information sur les dates de ces destructions.
Toujours à propos des sources ; les Egyptiens n’écrivent pas de journaux. Il faut toujours regarder les textes égyptiens au regard de la littérature.
En effet, la «stèle de la tempête » parle de catastrophes, qui prise une à une ne sont pas si exceptionnelle, toutes ensembles, si. On remarque qu’il n’y a aucun souci humanitaire dans ce texte mais l’on parle de redresser les temples, de refaire les cultes aux défunts… Mais cette stèle ne m’étonne pourtant pas pour la bonne raison qu’elle s’inscrit dans la suite des textes du début du Moyen Empire. A ces deux époques, on a voulut légitimer le pouvoir en place comme étant celui d'un Maâtj, de quelqu'un qui remet et maintient la Maât en Egypte. La Maât est bien plus que la simple idée de justice à laquelle on a voulu la comparer. La Maât est quelque chose l’ordre-justice immanent. Si elle disparaît d’Egypte, le cosmos s’effondre (ce serait alors une vraie fin du monde), causant des catastrophes. En disant qu’il a ramené la Maât en Egypte (quitte à empirer l’état de l’Egypte avant son accession au pouvoir), Ahmosis déclare qu’il est vrai roi d’Egypte (son nom d’Horus d’or est bien « celui qui lie les deux terres », véritable programme politique ).
On retrouve la même chose, les même catastrophes dans les textes du début du Moyen Empire parlant de la première période intermédiaire. Il ne faut donc pas y voir une source historique.
Il en est exactement de même à propos du texte où il est dit que le roi voulait la guerre mais pas ses courtisans. Ce thème se retrouve dans de nombreux textes parlant de guerre (mais j’ai surtout en tête des exemples du Nouvel Empire). En effet, dire cela revient uniquement à mettre en avant le courage du roi, qui veut la guerre.
Il ne faut donc pas voir dans tous les textes égyptiens des faits réels bruts. Je peux même dire que cela est relativement rare en Egypte (le cas du papyrus Rhind est exceptionnel).
Un point est très dommageable à la thèse de M. Gertoux, ce sont les multiples informations données de manière péremptoire, parfois sans sources. Il se permet de remettre en cause des points d’épigraphie, surtout à propos des noms des rois (qui sont principalement des noms égyptiens), sans que je ne puisse trouver trace de sa formation sur ce sujet. De même, on ne peut parler de la même manière de l’action militaire des égyptiens en Nubie, dans le Nord de l’Egypte, ou même au Proche Orient. Les Egyptiens ne voyaient pas de la même manière ces différentes guerres et ne les représentaient pas non plus de la même manière.
Et pour finir, et c’est le plus important, cette époque ne peut être l’époque de l’Exode. Taa II n’a pas dépassé la Moyenne Egypte. Il n’est pas possible qu’il ait put organiser une poursuite dans la région Nord de la Mer Rouge sans une intendance adéquate. De plus, il serait ridicule d’avancer dans le Nord tant que toutes les armées ennemies n’ont pas quitté le Delta et l’on sait que des troupes Hyksos (et non quelques soldats) sont restées jusqu’à la prise d’Avaris sous Ahmosis. Ce sera Kamosis le premier à arriver dans les régions concernées.
De plus sa thèse dit que Taa II serait le pharaon de l’Exode car il est mort de manière violente, noyé dans la Mer Rouge. Je répète que Taa II est mort au combat. On sait qu’il était sur un char, qu’il a reçut des coups venant du bas, puis fut achevé par terre (massue puis hache). Sa mort est bien documentée. Il n’est pas mort dans la mer rouge.
L’Exode n’a donc pas pu se produire à cette période.
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