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JUILLET 2003 A MARS 2011

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La Femme Imprimer
Auteur : Jean Ferrand
Sujet : La Femme
Date : 2010-03-17 10:02:22

2. Les grandes énigmes de l'Apocalypse.

5. La Femme.

Quelle est cette Femme qui apparaît soudain dans le ciel, au début du chapitre 12, et qui subira les attaques du grand dragon, qui est Satan ?

Dans son gros volume critique, L’Apocalypse de saint Jean, 2000, Prigent ne fait même pas allusion à la solution naturelle de cette énigme, ne serait-ce que pour la réfuter : la Vierge Marie elle-même. Mais ne serait-ce pas son atavisme protestant qui l’influence ?

C’est pourtant bien vers cette identification que semble s’orienter, quasi officiellement de nos jours, la pensée catholique. Le Catéchisme de l’Eglise catholique n’écrit-il pas dans son numéro 2853 : « C’est le jugement de ce monde et le prince de ce monde est jeté bas. Il se lance à la poursuite de la Femme, mais il n’a pas de prise sur elle : la nouvelle Eve, pleine de grâce de l’Esprit Saint, est libérée du péché et de la corruption de la mort (Conception immaculée et Assomption de la très sainte Mère de Dieu, Marie, toujours vierge). Alors, furieux de dépit contre la Femme, il s’en va guerroyer contre le reste de ses enfants. C’est pourquoi l’Esprit et l’Eglise prient : viens Seigneur Jésus… » ? Beau résumé, et centon, de l’Apocalypse, chapitre 12 et épilogue, qui identifie sans complexe Marie et la nouvelle Eve, Marie et la Femme revêtue de soleil.

Prise de position dogmatique, dira-t-on, mais qui n’a pas de valeur exégétique. Voire…

Prigent s’en tient à l’opinion dominante des commentateurs, et qui date même des Pères de l’Eglise. Puisque cette Femme a d’autres enfants (cf. Ap 12,17) : « Il s’agit donc d’une communauté qui donne naissance au messie et dont les autres enfants sont les chrétiens. » (Page 292).

« Il faut donc identifier la Femme à l’Eglise. » (Idem). Mais, page suivante, le commentateur aperçoit bien la difficulté de la chose. « Comment le Christ Jésus peut-il être présenté par un chrétien comme naissant du peuple de Dieu ? » En effet, absurde. Plus loin Prigent (page 297) cite le commentateur catholique A. Feuillet : « La naissance messianique que décrit l’Apocalypse [cf. Ap 12,2.5] n’est pas, directement du moins, celle de Bethléem, mais celle du matin de Pâques ; quant aux douleurs de l’enfantement, elles correspondent au Calvaire. » Mais qui ne se souviendrait que, d’après l’évangile de Jean justement (pour moi l’auteur de l’Apocalypse), Marie, la mère des douleurs, fut également présente aux Calvaire (cf. Jn 19,25) et qu’elle a participé de très près à l’enfantement douloureux de son Fils pour la gloire du matin de Pâques ?

Stabat Mater dolorosa…

Non. La vision mystique de l’Apocalypse résume à grands traits toute la vie du Christ, de la naissance à la Résurrection, puis à l’Ascension même. Marie n’a pas souffert les douleurs de l’enfantement à Bethléem, selon la doctrine catholique, car elle était exempte du péché originel, comme de ses conséquences ; mais elle a effectivement souffert ces douleurs au Calvaire pour enfanter non seulement le Christ au ciel, mais encore tout « le reste de ses enfants » (Ap 12,17), autrement dit le peuple de Dieu, l’Eglise.

Du haut de la croix Jésus le dira formellement à ce même Jean qui témoigne : «Voici ta mère» (Jn 19,27), ta mère et donc celle de tous les chrétiens.

L’Eglise, en tant que communauté, ne peut pas être la mère du Christ ; elle en est au contraire la fille, puisque elle est née de son flanc transpercé, le jour du Vendredi Saint. Ou encore peut-elle être appelée son épouse, car pour elle il s’est sacrifié. D’après l’Apocalypse, elle est l’épouse de l’Agneau (cf. Ap 19,7 ; 21,2.9 ; 22,17).

De plus, l’Eglise primitive ne s’est pas enfuie au désert, comme le fait Marie (Cf. Ap 12,6.14) pendant mille deux cent soixante jours, le temps que s’épuise la persécution en cours. L’Eglise primitive se présentait comme une réalité essentiellement urbaine. En témoignent les lettres aux sept Eglises qu’on trouve en ouverture de l’Apocalypse, et qui furent écrites pendant que sévissait la persécution de Néron. Le meilleur refuge d’un peuple brimé, ou persécuté, c’est encore l’anonymat des villes, grandes ou moyennes. Ce n’est que bien plus tard, vers la fin du IIIe siècle, que l’Eglise chrétienne trouvera le chemin du désert en inventant le monachisme.

La meilleure preuve que la Femme de l’Apocalypse n’est pas l’Eglise, c’est qu’elle se réfugie au désert pendant trois ans et demi, tandis que le reste de ses enfants, la communauté chrétienne, l’Eglise, continue de subir la persécution. (Cf. Ap 12,14.17). Elle s’en distingue donc très nettement.

Prigent surenchérit (page 299) : « Les témoins d’Ap 11 et la femme du chapitre 12 symbolisent la seule et même Eglise en l’envisageant sous différents aspects. » Symbolisme et même spiritualisme excessifs, qui s’inspirent du vieux Tyconius, lequel ne voyait dans toutes les visions de l’Apocalypse qu’un emboîtement de réalités identiques, décrites sous différents angles. L’Eglise, au contraire, n’est pas une réalité anonyme, ou amorphe (sans forme). Elle s’incarne dans des personnes privées, et diverses, et très précises, qui la représentent : Pierre et Paul, comme chefs et prophètes, Marie comme mère, nous-mêmes comme fils et fidèles…

Bien entendu, les exégètes, et Pierre Prigent le premier, excipent des passages de la Bible où la Femme représente le peuple saint d’Israël : Isaïe (26,17), Michée (4,10), … pour avancer qu’il s’agit forcément d’une réalité collective et dénier toute interprétation mariale. Mais ce postulat lui-même est-il si sûr ?

La Bible de Jérusalem remarque : « La scène [d’Ap 12,1] répond à Genèse 3,15-16. La Femme engendre dans la douleur celui qui sera le Messie. Satan la tente, la persécute, ainsi que sa descendance. » (Note ad locum).

Or la Genèse parlait bien d’une femme individuelle : Eve, la mère des vivants, l’origine de l’espèce humaine. De même Jean nous décrit ici l’aventure mystique – et bien réelle à la fois - de la nouvelle Eve, Marie, la mère du Messie, et par conséquent la mère du nouveau peuple de Dieu.

On se souvient de la prophétie de l’Emmanuel, dans Isaïe, telle que la citait saint Matthieu, d’après la Septante : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel.» (Mt 1,23). Ici encore il est bien question d’une femme individuelle, et non pas d’une collectivité. Ici encore il s’agit de la mère du Messie, du moins c’est ainsi que l’interprète la tradition chrétienne.

De même la prophétie de Michée, que reprendra encore Matthieu, envisage aussi une femme individuelle, comme la mère du Rédempteur : « Et toi, Bethléem Ephrata, petite parmi les clans de Juda, c’est de toi que sort pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps jadis, aux jours antiques. C’est pourquoi il [Yahvé] les abandonnera jusqu’au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter.» (Mi 5,1-2).

Ce langage si précis n’empêche pas que parfois, dans la prophétie, Jérusalem, ou le peuple de Sion tout entier, ne puissent être figurés par une femme. « Avant d’être en travail elle a enfanté, avant que viennent les douleurs elle a accouché d’un garçon. Qui a jamais entendu rien de tel ? Qui a jamais vu chose pareille ? Peut-on mettre au monde un pays en un jour ? Enfante-t-on une nation en une seule fois ? A peine était-elle en travail que Sion a enfanté ses fils. » (Is 66,7-8).

Mais Marie, la mère de Jésus, n’est-elle pas la fille de Sion par excellence ? C’est par elle que s’accomplit cet oracle quasiment final d’Isaïe, et qui prophétise justement les temps messianiques.

Ce que ne pouvait faire un peuple : enfanter une nation en une seule fois, Marie l’a fait.

« La femme, l’enfant et le dragon », titrait Prigent (dans « L’Apocalypse », 1998, page 122). Les trois noms désignent bien des entités personnelles : La femme, c’est Marie, l’enfant, c’est le Christ, le dragon, c’est Satan. Quoi de plus naturel ?

La tradition juive dans son entier attendait un messie individuel. Et ce messie individuel ne pouvait naître que d’une femme individuelle. Cette femme fut Marie.

Voici la méditation sur Marie que je proposais, en 2005, sur mon site, en commentant les 17 premiers versets de ce chapitre 12 de l’Apocalypse. On appréciera combien cette hypothèse, que Marie soit la Femme de l’Apocalypse, donne de cohérence et de vraisemblance à la péricope, laquelle, en dehors de cette hypothèse, reste à peu près incompréhensible, ou très vague.

1 – Vision de la Femme : 12,1-2

(12,1) Et un signe grandiose apparut dans le ciel : [Le cycle commençait au ciel, car il s’enracinait dans la dernière vision du cycle précédent, qui montrait le temple de Dieu ouvert dans le ciel.

Dans l’évocation de l’histoire humaine, nous allions être ramenés un peu en arrière, par rapport au cycle précédent, celui des trompettes : au tout début de l’ère chrétienne. Léger procédé de ‘flash-back’.] une femme [La nouvelle Eve, Marie, qui dès l’aube des temps messianiques avait engendré le Messie (cf. Ap 12,5) et tous les fils de Dieu (cf. Ap 12,17). Elle reprenait à son compte l’antique lutte engagée entre le serpent et la race humaine (cf. Gn 3,15) ; mais, cette fois, pour la mener à une fin victorieuse, au contraire de l’ancienne Eve. Au terme de l’Apocalypse, en effet, nous verrions l’humanité recouvrer l’Eden perdu, avec les arbres de la Vie trônant en son milieu (cf. Ap 22,1-5).

Cette même Marie, selon l’évangéliste Jean, Jésus l’avait qualifiée de ‘Femme’ en deux instants solennels de son existence sur terre : à Cana, au moment d’opérer son premier miracle (cf. Jn 2,4), et sur la croix au moment de quitter ce monde (cf. Jn 19,26).

Cette Femme de l’Apocalypse ne pouvait pas être l’Eglise, car jamais l’Eglise n’avait été nommée la mère du Messie, comme le serait Marie (cf. Ap 12,5). L’Eglise était tout au plus la fille : car elle naissait du flanc transpercé du nouvel Adam (cf. Jn 19,34), ou l’épouse du Christ (cf. Ep 5,23-32 ; Ap 21,2.9), jamais sa mère. On verrait, à bien d’autres traits, que cette «Femme» de l’Apocalypse n’était pas l’Eglise, mais bien plutôt la mère de l’Eglise (cf. Ap 12,17).

Sans doute l’herméneutique qui voyait dans la « Femme » de l’Apocalypse une figure de l’Eglise possédait-elle des racines très anciennes, puisqu’elle remontait aux Pères de l’Eglise. Mais on savait aussi que les Pères de l’Eglise, à commencer par l’un des plus anciens d’entre eux, saint Irénée, avouaient avoir perdu la clef d’interprétation de l’Apocalypse. Ils ignoraient par exemple le sens du chiffre de la Bête, celui de Ap 13,18.] enveloppée de soleil, [Car elle était enveloppée, au même titre que les anges (cf. Ap 7,2 ; 10,1 ; 19,17), du soleil de la divinité. Elle était féconde, elle était « grosse » de la divinité même. N’était-elle pas la mère du Fils, la fille du Père, l’épouse du Saint-Esprit ? Reportons-nous à saint Luc : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » (Lc 1,35). Marie était « couverte » (en un sens fort, presque animal) de l’ombre de la Trinité ; et cette ombre se révélait plus éclatante que le soleil.

Marie devenait soudain aussi féconde que le Père : puisqu’elle allait enfanter le Fils. De plus, elle servait de temple à l’Esprit Saint, mieux qu’aucune autre créature n’avait su le faire. Dans l’œuvre de notre salut, on la voyait associée à la Trinité Sainte à un titre unique.

De surcroît, elle était immaculée, comme nous l’enseignait la théologie catholique. Elle rayonnait donc de tout l’éclat de sa virginité consacrée.

A aucun de tous ces titres, l’Eglise, elle-même purifiée par le sang du Christ, ne pouvait prétendre à un même degré.] et la lune sous ses pieds, [Marie dominait, par sa fidélité inébranlable, tout ce qui était changeant dans le cosmos, représenté par l’astre des nuits ; y compris le restant de l’humanité. On pouvait la considérer comme la reine du monde. Elle réparait, par sa constance, l’inconstance de la première Eve, qui avait connu ‘l’éclipse’ de la justice originelle, tandis que Marie ne la connaîtrait pas.

De même que Jésus s’était identifié à ce « Fils de l’homme », ou ‘Fils d’Adam’, entr’aperçu dans les visions célestes du prophète Daniel (7,13), de même Marie, ici, nous était suggérée par Jean comme étant la ‘Fille d’Eve’, régissant tout le cosmos.] et sur sa tête une couronne de douze étoiles, [Les douze apôtres de l’Agneau ; eux qui entouraient Marie, au cénacle, à l’heure fatidique de la gésine de l’Eglise (cf. Ac 1,13-14).

Quelques jours plus tôt, l’une de ces douze étoiles, Jean, n’avait-elle pas accompagné Marie, au Calvaire, pour l’assister dans son enfantement douloureux de l’humanité rachetée (cf. Jn 19,25-27) ?

Au moins cinq de ces douze étoiles s’apercevaient près de Marie, à Cana, lors du premier miracle (cf. Jn 2,1-12), quand Jésus s’était fiancé mystiquement avec l’humanité.

Les douze étoiles qui environnaient le chef de Marie dans le ciel figuraient aussi tout le cosmos matériel, les douze constellations du zodiaque, ou encore les galaxies, comme nous dirions aujourd’hui.

Mais de surcroît les douze étoiles symbolisaient les innombrables créatures des cieux, la «troupe nombreuse de l’armée céleste» (Lc 2,13), les anges qui bien souvent, dans la Bible, étaient comparés à des étoiles (cf. Ap 1,20 ; 12,4 ; Is 14,12-13 ; Dn 8,10). Car Marie était aussi la reine des anges. Toutes les créatures, aussi bien matérielles que spirituelles, faisaient cercle autour de la personne de Marie ; elles la considéraient comme leur maîtresse.

Sur la terre, en l’absence de Jésus monté au ciel (cf. Ap 12,6), Marie, confiée à Jean par le Seigneur (cf. Jn 19,27) restait plus que jamais la reine des douze apôtres ; et d’une certaine façon le ‘chef’ de l’Eglise commençante. Les apôtres survivants, au temps de la rédaction de l’Apocalypse, devaient la considérer comme telle.

Le pape Paul VI, quand il reconnaîtrait devant le Concile Vatican II Marie comme la mère de l’Eglise, extrapolerait à peine les assertions, ou insinuations évidentes, qui étaient contenues dans l’Apocalypse.]

(12,2) et elle est enceinte, et elle crie en enfantant, et elle est torturée d’enfanter. [Certains exégètes s’étaient autorisés de ces mots pour nier que Marie fût ici visée par le texte car, disaient-ils, Marie n’avait pas connu les douleurs physiques de l’enfantement.

Mais le livre de l’Apocalypse n’avait pas pour mission de décrire l’enfantement historique du Christ, à Bethléem. Bien plutôt, son objectif était de nous donner à contempler, sous forme elliptique, l’accouchement douloureux du Christ total par Marie, depuis l’Annonciation jusqu’au Calvaire. Ledit accouchement fut effectivement douloureux, si l’on s’en référait à la prédiction du vieillard Syméon dans saint Luc : «Et toi-même, une épée te traversera l’âme ! » (Lc 2,35).]

2 – Vision du Dragon : 12,3-17

(12,3) Et apparut un autre signe dans le ciel, et voici : un grand dragon [Le diable, l’antique serpent de la Genèse, comme Jean le dirait lui-même (cf. Ap 12,9). Ce démon ressemblait aux bêtes cauchemardesques entr’aperçues dans ses visions par le prophète Daniel (7,8 ; 8,10).

On pouvait se demander pourquoi le démon nous était montré dans le ciel, et non pas dans les enfers ! Mais parce que le démon, créature spirituelle, avait lui aussi une origine céleste, et parce les divinités du paganisme, en réalité des démons, étaient censées, elles aussi, peupler l’empyrée, avant de se voir précipitées sur terre (cf. Ap 12,4), ou dans les abîmes : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ! » (Lc 10,18).] rouge-feu, [« Purros ». Rouge comme le feu. Rouge de la couleur du feu. Rouge comme l’enfer (cf. Mt 25,41). Rouge encore comme la colère, ou la révolte qui gronde.

Spontanément le mouvement révolutionnaire reprendrait comme emblème cette couleur rouge du sang et de la colère.

De même qu’il reprendrait à son compte le symbole de l’étoile, cette étoile déchue du ciel sur la terre !

Dans les traditions populaires, d’orient comme d’occident, le dragon était très souvent représenté crachant les flammes et le feu : imagerie sans doute vieille comme le monde. Elle faisait allusion à des phénomènes telluriques : le feu des volcans, la violence des tremblements de terre.] ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes, [Jean reviendrait plus loin (cf. 13,1 ; 17,3.7-14) sur la signification des sept têtes et des dix cornes. Disons dans une première approximation que ces têtes, surmontées d’un diadème, et ces cornes, symbolisaient la totalité des pouvoirs politiques, présents ou futurs, coalisés contre Marie ou contre l’Eglise : le diadème faisait penser à la royauté ; la corne suggérait la puissance belliqueuse.]

(12,4) et sa queue entraîne le tiers des astres du ciel et les précipite sur la terre. [Comme chez Daniel (8,10), ces étoiles tombées du ciel figuraient les anges entraînés par Satan dans sa chute. Saint Jean ajoutait une précision : le tiers. Nous possédions ici l’un des lieux de révélation qui nous apprenait que la rébellion de Satan avait emporté le tiers des anges !] Et le dragon se tint devant la femme qui devait enfanter afin que, lorsqu’elle aurait enfanté, il dévorât son enfant. [Le démon s’était d’abord incarné en la personne d’Hérode le Grand qui, averti par les mages, avait tenté de tuer l’enfant dès sa naissance (cf. Mt 2,1-18). Mais il s’était incarné aussi dans Tibère qui, par l’intermédiaire de son procurateur Pilate, avait jugé et condamné à mort le Christ.

Il s’incarnait dans tous les pouvoirs, civils ou religieux, qui s’efforçaient d’anéantir l’Eglise naissante par le moyen de la persécution.]

(12,5) et elle enfanta un fils, un mâle, celui qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer ; [Le Messie.

Isaïe (66,7-8) avait annoncé un enfant mâle, qui serait le nouvel Israël de Dieu :

« Peut-on mettre au monde un pays en un jour ?

« Enfante-t-on une nation en une seule fois ? » (Is 66,8).

Le Messie naissant était donc à la fois le fils de Marie considéré dans sa réalité personnelle, et le Messie envisagé comme chef, ou tête, du nouveau peuple de Dieu : le Christ individuel et le Christ total.

Cet enfant mâle était bien le Christ, celui qui serait circoncis huit jours après sa naissance (cf. Lc 2,21), selon les prescriptions de la Torah : « Quand ils auront huit jours, tous vos mâles seront circoncis. » (Gn 17,12).

Il était aussi ce fils que devait mettre au monde une vierge, cet Emmanuel, prédit par le proto-Isaïe (cf. Is 7,14).

Il était le Fils d’homme, ou Fils d’Adam, entrevu dans les nuées du ciel par Daniel (7,13), et donné comme préexistant par l’auteur des paraboles d’Hénoch (cf. I Hénoch, 48, 2-3).

Sans aucun doute il était aussi le nouveau peuple de Dieu, enfanté par l’ancien Israël, selon la prophétie d’Isaïe. Marie elle-même avait eu conscience de réaliser l’espérance de ses pères. Elle l’avait chanté dans son Magnificat (cf. Lc 1,54-55).

Cet enfant mâle n’était autre que la postérité promise à nos premiers parents dans le Protévangile (cf. Gn 3,15). Certes le serpent, ou Satan, devait la mordre au talon, c’était dire l’atteindre dans le point faible de son humanité. Mais finalement cette postérité lui écraserait la tête. Nous connaissions par l’Apocalypse l’issue de ce combat gigantesque, engagé dès l’aube de l’histoire humaine.

Ainsi donc l’Apocalypse closait dignement la Bible. C’était même la raison pourquoi elle était placée en finale.] et son enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son trône. [Par une ellipse extraordinaire, on passait directement de la naissance du Christ à sa résurrection, et à son ascension. La vie terrestre du Messie se voyait escamotée. Car le tableau qui nous était présenté se proposait seulement de résumer à grands traits l’histoire de notre rédemption.

L’enfant était enlevé auprès de Dieu, et de son trône, parce qu’il était vraiment Dieu. Il était associé à la divinité. Il recevait comme étant le Fils de l’homme « empire, honneur et royaume, et tous peuples, nations et langues le servirent. » (Dn 7,14).

A la fin de l’Apocalypse, nous contemplerions l’Agneau de Dieu assis sur le trône même de Dieu (cf. Ap 22,1).]

(12,6) Et la femme s’enfuit au désert, [Le désert, comme refuge des persécutés et des silencieux. Il le fut pour Moïse (cf. Ex 2,15) ; il le fut pour Elie (cf. 1 R 19,4-8)…

Certes, ce n’était pas l’Eglise qui s’enfuyait au désert. Au contraire, elle s’installait durablement dans les villes, qui sont le contraire même du désert, et le plus ostensiblement possible, car elle était vouée à éclairer le monde : « Une ville ne se peut cacher, qui est sise au sommet d’un mont. » (Mt 5,14). Dans la province d’Asie, selon l’Apocalypse, elle se fixait dans les villes les plus importantes (cf. les sept lettres aux sept Eglises : Ap 1,4 --- 3,22).

Quant à Marie, confiée à Jean (cf. Jn 19,27), c’était elle qui s’enfuyait au désert après son aventure ; elle se cachait dans la retraite. Effectivement, après la Pentecôte, on n’entendait plus parler d’elle.

Une tradition ancienne la faisait venir à Ephèse avec Jean. On montre même son refuge dans une montagne de l’arrière-pays. Ce refuge, deux papes (Paul VI et Jean-Paul II) l’ont déjà visité.] où elle a un refuge préparé par Dieu, afin qu’elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours. [Encore cette durée de trois ans et demi : 360 X 3,5 = 1260. La même que celle du ministère de Pierre et Paul à Rome (cf. Ap 11,3). Le temps d’une persécution (cf. Ap 11,2). Ce séjour de trois ans et demi de Marie au désert serait remarquablement confirmé par le verset 12,14.

Pendant que les deux grands apôtres évangélisaient la Ville, Marie priait au désert. Sans doute priait-elle pour eux.

Car l’Eglise s’édifiait à la fois par la prière et par l’action : aussi bien par la contemplation, que par la prédication. Les deux aspects de la vie ecclésiale, loin de se contredire, s’appelaient mutuellement et se complétaient.

Marie inaugurait sur la terre la race des orants, des contemplatifs, et quasiment la race des moines.

Entre Marie et les apôtres s’instaurait comme une répartition des tâches.]

(12,7) Et il y eut un combat dans le ciel, Michel et ses anges, afin de combattre le dragon, et le dragon combattit avec ses anges. [Comme on l’observait dans les cosmogonies païennes : les poèmes homériques, l’Enéide, la Bhagavad-Gita… le conflit des humains sur cette terre se doublait d’un combat des entités célestes. Tandis que les mortels s’affrontaient ici-bas, les dieux dans le ciel (pour nous les anges) livraient une bataille parallèle. De l’issue de ce choc céleste dépendrait le sort de la communauté terrestre.]

(12,8) et il ne fut pas de force, et on ne trouva plus de place pour eux dans le ciel. [Les dieux du paganisme, Jupiter et son cortège, avaient régné sans partage dans les cieux. Ils allaient être précipités sur la terre, de même que les idoles, leurs images, seraient jetées sur le sol.

Vertus et Vices cesseraient de siéger sur des trônes, avec insolence, dès lors que la victoire du christianisme se dessinerait. Certes, ils continueraient de sévir dans le monde jusqu’à la fin des temps, en attendant d’être précipités plus bas encore, dans les enfers. Mais, dorénavant, on ne les adorerait plus comme des dieux. On les subirait seulement comme des fléaux.]

(12,9) Et il fut jeté ce grand dragon, l’antique serpent, qui est appelé le diable et Satan, celui qui égara le monde entier ; on le jeta sur la terre, et ses anges furent jetés avec lui. [Le paganisme, déjà visé par une sentence de mort, ne règnerait plus en maître absolu, même s’il continuerait d’exercer ses ravages dans le monde.]

(12,10) Et j’entendis une grande voix disant dans le ciel : « Désormais sont arrivés le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu et la domination de son Christ, [Elles leur étaient acquises par l’Eglise et dans l’Eglise. En espérance, cette Eglise se trouvait déjà victorieuse, malgré les persécutions. Dès le début de l’ère chrétienne, elle commençait de s’installer dans tout l’univers connu. Le règne de Dieu advenait visiblement parmi nous.

La voix céleste, à la fois prophétique et réaliste, consonait avec cette parole du Christ, prononcée peu avant la Transfiguration : « En vérité je vous le dis : il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venant avec son Royaume. » (Mt 16,28).

Ce royaume de Dieu déjà présent sur la terre, déjà manifeste, n’était autre que l’Eglise catholique. Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, on la voyait conquérante.] parce qu’on a jeté bas l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit.

(12,11) Mais eux l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole de leur martyre ; ils ont méprisé leur vie jusqu’à la mort. [Mais la victoire des chrétiens était acquise au prix d’un témoignage sanglant, grâce aux martyrs qui étaient les véritables « témoins » du Christ.

Dans ce verset, on pouvait discerner une allusion très claire aux deux apôtres Pierre et Paul, les grands vainqueurs du Dragon païen. On venait de nous entretenir longuement d’eux (cf. Ap 11,3-13). C’était par leur mort, avant tout, que Pierre et Paul étaient des vainqueurs. De même le Christ fut victorieux par sa croix.]

(12,12) Réjouissez-vous donc, vous les cieux et leurs habitants. Malheur à la terre et à la mer, car il est descendu chez vous le diable, avec une grande colère, sachant qu’il a peu de temps !» [Loin de faiblir, après le martyre des apôtres et de leurs compagnons, la colère de Satan ne faisait que croître. Il savait que le temps qui nous séparait de la fin du monde se faisait court.]

(12,13) Et lorsqu’il vit, le dragon, qu’il était rejeté sur la terre, il sa lança à la poursuite de la femme, celle qui avait enfanté l’enfant mâle. [Après avoir abattu les deux colonnes de l’Eglise, Pierre et Paul, voici que le pouvoir romain s’en prenait à Marie, la mère du Christ. Il la cherchait avec fureur, ignorant le lieu de sa retraite.

C’était par le témoignage de l’Apocalypse, témoin fiable, que nous apprenions ces détails, inconnus de la grande histoire.

Jean, quant à lui, pour échapper à ces mêmes poursuites, s’était-il réfugié dans l’île de Pathmos, à bonne distance d’Ephèse, probablement chez des amis sûrs (cf. Ap 1,9). De là il envoyait son message aux sept Eglises, afin de les réconforter (cf. Ap 1,4). Ces Eglises étant placées sous sa juridiction directe, il ne pouvait les abandonner.]

(12,14) Mais il fut donné à la femme les deux ailes du grand aigle pour voler au désert [L’aigle était Jean, qui avait recueilli Marie dans ses serres, et qui la cachait dans son aire, après l’avoir reçu en héritage du Christ mourant (cf. Jn 19,27).

Si Jean voulait bien se comparer à un aigle, l’image était parlante, même pour notre propos actuel : l’étude de l’Apocalypse. On pouvait en effet assimiler les sept cycles du livre à autant de volutes d’un aigle dans le ciel.

On pouvait reconnaître sept envols successifs, correspondant au début de chaque cycle, suivis chacun de sept tournoiements secondaires, plus quelques tournoiements adventices : les visions liminaires, les excursus.

L’aigle atteignait d’emblée les hauteurs du ciel, le zénith ; ensuite il cherchait sa proie de son regard perçant ; enfin il plongeait vers le sol.

On n’ignore pas d’autre part que la tradition avait fini par attribuer à Jean, auteur de l’Apocalypse et du IVe évangile, l’emblème de l’aigle en plein vol, l’un de ces quatre Vivants qui entouraient le trône (cf. Ap 4,7).] jusqu’à son refuge [Nul, hormis Jean, ne connaissait la cache de Marie. C’était heureux, car ainsi les investigations de la police romaine resteraient vaines.] pour qu’elle y soit nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps, loin du serpent. [Jusqu’à ce que prît fin la persécution néronienne.]

(12,15) Et le serpent vomit de sa gueule, derrière la femme, de l’eau comme un fleuve, afin qu’il la fît emportée de fleuve. [Une immense calomnie, des injures, proférées contre Marie et contre ses enfants, si violentes qu’à vue humaine elles semblaient devoir emporter à tout jamais leur réputation, et même leur existence.]

(12,16) Mais la terre vint au secours de la femme, et la terre ouvrit sa bouche et engloutit le fleuve vomi par la gueule du dragon. [Il ne semblait pas que fût évoquée ici la mort de Marie : la terre (de son tombeau) eût ainsi protégé la Femme du pouvoir romain.

Non : la terre ouvrant sa gueule engloutissait, non le corps de la Femme, mais les eaux du fleuve. De la même manière, autrefois, la terre s’était entr’ouverte pour engloutir les gens de Coré, et leur révolte contre Moïse (cf. Nb 16,30-35).

Les injures lancées contre Marie, et sa progéniture, se perdaient dans les espaces souterrains, ou plutôt elles étaient avalées par l’enfer, sans efficace, car Marie restait introuvable.]

(12,17) Alors le dragon, furieux contre la femme, s’en alla faire la guerre contre le reste de ses enfants,[Autrement dit : contre l’Eglise.

Mot à mot :

méta tôn loipôn tou spermatos autês

« avec ceux qui restent de sa semence.»

L’expression était forte. On la retrouvait dans saint Luc, à la fin du Magnificat, pour nommer la postérité d’Abraham (cf. Lc 1,55).

Furieux de dépit contre la Femme, et n’ayant pu la saisir, l’empire romain s’en prenait à sa semence ; il s’en prenait aux enfants de Marie, qui étaient aussi les enfants de Dieu.

La doctrine implicite de l’Apocalypse, concernant la maternité universelle de Marie, rejoignait celle suggérée par le IVe évangile : « Voici ta mère » (Jn 19,27).

Si Marie, en effet, était la mère de Jean, c’est qu’elle était aussi la mère de tous les hommes.

Souvenons-nous que Salomé, la mère des fils de Zébédée, la mère naturelle de Jean, se trouvait présente au pied de la croix (cf. Mt 27,56 ; Mc 15,40).] ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus.


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