Les archives du Forum Catholique
Forum | Documents | Liens | Q.F.P. | Oremus

Les archives du Forum Catholique

JUILLET 2003 A MARS 2011

Retour à la liste des messages | Rechercher

Afficher le fil complet

Le petit livre et les sept tonnerres Imprimer
Auteur : Jean Ferrand
Sujet : Le petit livre et les sept tonnerres
Date : 2010-03-15 13:51:06

2. Les grandes énigmes de l'Apocalypse.

4. Le petit livre et les sept tonnerres.

Obscurité totale, chez Prigent, pour le petit livre et les sept tonnerres d’Ap 10. Il n’y voit qu’une vague annonce de la mission prophétique qui sera confiée aux deux Témoins du chapitre suivant, lesquels, comme nous venons de le dire (numéro 3 des grandes énigmes), restent pour lui des personnages purement symboliques.

Il est vrai que le même commentateur, Prigent, a le mérite de regrouper en une seule unité les deux excursus (1 et 2) que distingue le plan septénaire (cf. Ap 10,1-7 et Ap 10,8-11). En effet, les deux excursus en question s’avèrent fortement liés. Ils nous entretiennent, comme nous l’admettrons, d’une même réalité : la transmission aux hommes de la parole évangélique (cf. Ap 10,11), de l’évangile lui-même (cf. Ap 10,7), et pour être encore plus précis, du quatrième évangile (cf. Ap 10,2), celui que devait rédiger le prophète Jean, à la demande de l’ange, tout en le réservant pour un avenir plus propice (cf. Ap 10,4) : celui de la fin de la persécution contemporaine de l’Apocalypse.

C’est en effet l’analyse hautement probable à laquelle nous parvenons pour ce passage célèbre, mais resté tout à fait énigmatique pour la plupart des commentateurs.

Mais pour l’envisager, ou même seulement y penser, il faut admettre, ce que ne font pas Prigent ni avec lui la grande majorité des exégètes actuels, que l’apôtre Jean est bien l’auteur de l’Apocalypse comme du IVe évangile, que d’autre part il a composé l’Apocalypse du temps de la persécution de Néron, et bien avant, peut-être 10 ou 20 ans avant l’évangile, puisque il en fait ici l’annonce très précise et qu’il reçoit en même temps l’ordre (difficilement compréhensible en d’autres circonstances) de ne pas l’écrire, et donc de le réserver pour l’avenir (cf. Ap 10,4).

La péricope Ap 10 - 11,14, écrivait Prigent (page 239), est « une parenthèse qui doit avoir un principe unificateur ». Certes Prigent a bien subodoré un principe unificateur, mais il n’a pas aperçu, et ne pouvait pas apercevoir lequel, en vertu de ses a priori indéracinables : ce principe unificateur n’est autre que le témoignage apostolique, celui de Jean dans sa prédication aux Eglises d’Asie et dans sa future rédaction du IVe évangile (cf. Ap 10) et celui des apôtres Pierre et Paul à Rome (cf. Ap 11,1-14). Le tout pendant les 42 mois prophétisés (une durée relativement courte) de la persécution de Néron (cf. Ap 11,2), un peu semblable à celle qui jadis fut perpétrée à Jérusalem par le tyran Antiochus Epiphane, persécution à laquelle le prophète Daniel faisait allusion (cf. Dn 7,25).

Quel plus beau principe unificateur, en effet, que cet unique témoignage apostolique des trois principaux fondateurs de l’Eglise chrétienne : Pierre, Paul et Jean !

« Il faut que le petit livre, écrit encore Prigent (page 253) ne soit pas radicalement différent [de l’Ancien Testament] : il doit lui aussi avoir un accent christocentrique et eschatologique. » Assez bien deviné ! Prigent le pense parce que la prédiction de ce petit livre vient juste après cette annonce à ses yeux non équivoque : « Alors s’accomplirait le mystère de Dieu, comme il en a annoncé la bonne nouvelle à ses serviteurs, les prophètes » (Ap 10,7) et qui pour lui résume tout l’Ancien Testament. Mais cette annonce résume aussi le Nouveau ! Jean dans l’original, comme la Vulgate dans sa traduction, emploient d’ailleurs le terme technique : «euêggelisen», «evangelizavit». Il a évangélisé !

Quoi de plus christocentrique, admettons-le, et de plus eschatologique que le IVe évangile ! Il est bien la fin des évangiles, étant le dernier, et l’évangile de la Fin (comme écrirait Prigent). La Fin entendue dans le sens eschatologique d’accomplissement du monde.

« A nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi vous soyez. » (Jn 14,3).

Prigent fait encore la comparaison entre le petit livre ouvert (c’est-à-dire déjà révélé) d’Ap 10,2 avec le Grand Livre roulé et scellé (c’est-à-dire non encore révélé) qu’on avait entrevu au début des visions (cf. Ap 5,1) dans la main droite de Dieu. « L’un, dit Prigent, est remis à l’agneau qui seul peut l’ouvrir, l’autre est donné au voyant pour qu’il le mange » (page 253). Voici comment je commenterais (à mon tour) la phrase du commentateur : « L’un [le grand livre des destinées futures du monde] est remis à l’agneau [le Christ] qui seul peut l’ouvrir [pour en révéler le contenu], l’autre [le petit livre, ébauche du IVe évangile] est donné au voyant [l’apôtre et prophète Jean] pour qu’il le mange [pour qu’il le médite longuement, avant de le coucher noir sur blanc sur le parchemin] ».

Prigent continue :

« La description de cet ange [celui qui remet à Jean le petit livre] correspond à l’ampleur de sa mission, qui est oecuménique. » (Page 254). Quoi de plus œcuménique, et destiné au monde entier jusqu’à la consommation des siècles, que le IVe évangile ? La description de cet ange du IVe évangile, en effet, est somptueuse ; presque digne de Dieu lui-même. Un ange puissant comme le monde céleste ; descendant du ciel comme la révélation qu’il apporte ; enveloppé d’une nuée, la nuée de la divinité qui l’envoie ; un arc-en-ciel sur la tête en signe de paix et d’alliance pour l’humanité entière ; le visage comme le soleil car il illumine le monde ; les jambes comme des colonnes de feu car il relie le ciel à la terre (cf. Ap 10,1). Il tient dans sa main un tout petit livre, voyez le contraste, mais qui est grand par son contenu. Il pose le pied droit sur la mer et le pied gauche sur la terre, car son message est destiné à tous les continents et tous les éléments (cf. Ap 10,2). Il pousse une clameur pareille au rugissement du lion, car sa prophétie doit s’entendre jusqu’aux extrémités de l’espace et du temps. Après quoi les sept tonnerres retentissent (cf. Ap 10,3) …

« L’article défini (les 7 tonnerres) fait problème » avoue Prigent (page 255). Car de ces sept tonnerres on n’en a pas encore entendu parler. Ces tonnerres ne sont autres que la voix de Dieu, comme souvent dans la Bible, et expressément dans saint Jean (cf. Jn 12,28-29).

Mais pourquoi donc sept, et pourquoi « les » sept ? Cet article « suppose qu’il s’agit d’un groupe bien connu, ce qui n’est pas le cas. » (Page 255). Dans le système de Prigent, c’est bien difficile à deviner. Sept à lui seul pourrait peut-être suggérer l’achèvement, la complétude de la révélation.

Non. Il s’agit tout simplement des sept révélations, des sept petites apocalypses (= révélations) qui seront contenues dans ce petit livre, une fois publié. Autrement dit de ses sept chapitres ! En effet, si l’on examine de près le IVe évangile, on constate qu’il est composé d’une semaine inaugurale et de six fêtes juives (une première Pâque à Jérusalem, une deuxième fête anonyme à Jérusalem, la Pâque du pain de vie en Galilée, une fête des Tentes à Jérusalem, une fête de la Dédicace également à Jérusalem, enfin la dernière Pâque à Jérusalem qui voit le départ du Christ). Ce qui fait bien sept parties, chacune illustrée par un miracle – ou signe – retentissant, clôturées par une première conclusion, où il est question, justement, de signes (cf. Jn 20,30-31).

Manifestement le Prologue (Jn 1,1-18) et l’appendice (Jn 21) ont été rajoutés après coup par le même auteur, avant la diffusion.

Récapitulons sommairement ce plan septénaire :

Prologue : Jn 1,1-18.
I. Semaine inaugurale : Jn 1,19 – 2,12.
II. 1ère Paque à Jérusalem : Jn 2,13 – 4,54.
III. 2e fête à Jérusalem : Jn 5.
IV. Pâque du pain de vie : Jn 6.
V. Fête des Tentes, à Jérusalem : Jn 7,1 – 10,21.
VI. Fête de la Dédicace à Jérusalem : Jn 10,22 – 11,54.
VII. Dernière Pâque à Jérusalem : Jn 11,55 – 20,31.
Appendice : Jn 21.

Comme l’Apocalypse, et la coïncidence n’est pas fortuite, le IVe évangile se trouve bâti sur un plan nettement septénaire, lui-même déjà esquissé et prophétisé dans la même Apocalypse. Cela forme un groupe bien défini dans la pensée de Jean : les sept futurs chapitres de son petit livre, encore à méditer puis à écrire, le IVe évangile. Voilà pourquoi il emploie l’article : « les sept tonnerres ». Il fallait le faire !

Le petit livre, donc, c’est le futur IVe évangile ; et les sept tonnerres, ce sont ses chapitres prémédités ! Telle est la conclusion inéluctable à laquelle nous parvenons, au sujet de ce chapitre 10 de l’Apocalypse. Voici encore le commentaire que nous en donnions, en 2005.

Nous divisions le chapitre en deux excursus, conformément au plan septénaire.

Excursus I. Les sept tonnerres : 10,1-7

(10,1) Et je vis un autre ange, [Autre que les anges des sept trompettes, car il était porteur d’une révélation différente.] puissant, [de la puissance même de Dieu] descendant du ciel [d’auprès de Dieu] enveloppé d’une nuée, [la nuée lumineuse de la divinité, cette nuée que Jean avait déjà pu contempler au mont Hermon (cf. Mt 17,5 ; Mc 9,7 ; Lc 9,34)] un arc-en-ciel au-dessus de la tête, [car la Nouvelle Alliance, dont il apportait la charte, rappellerait l’Alliance autrefois conclue avec Noé ] son visage était comme le soleil [car ce visage reflétait la gloire divine] et ses jambes comme des colonnes de feu. [Ces jambes immenses, et faites de lumière, rappelaient l’échelle de Jacob qui avait autrefois relié le ciel et la terre (cf. Gn 28,12).]

(10,2) Il tenait dans sa main [comme un docteur tient en sa main le livre] un tout petit livre [rien moins que le IVe évangile, ou du moins son ébauche, son épure, son projet] ouvert. [Car la révélation qu’il enfermait était destinée au monde entier.] Il posa son pied droit sur la mer, [l’élément liquide] le gauche sur la terre, [l’élément solide]

(10,3) et il clama d’une voix puissante, [si puissante qu’elle pouvait retentir jusqu’aux extrémités du monde, et de l’histoire] comme le lion rugit. [« Le lion a rugi : qui ne craindrait ? Le Seigneur Yahvé a parlé : qui ne prophétiserait ? » (Am 3,8)] Quand il eut clamé, les sept tonnerres firent entendre leurs voix. [Ces tonnerres symbolisaient les sept chapitres principaux, les sept semaines ou fêtes juives, dont serait composé le IVe évangile.]

(10,4) Quand les sept tonnerres eurent parlé, [quand la septuple révélation fut achevée] j’allais écrire [Jean s’apprêtait à coucher aussitôt par écrit la communication dont il venait de bénéficier ; il s’apprêtait à rédiger le IVe évangile : rappelons que nous étions encore au temps de la persécution de Néron.] mais j’entendis une voix du ciel, disant : « Scelle ce qu’ont dit les sept tonnerres, et ne l’écris pas. » [Jean avait déjà conçu l’évangile, avec son plan septénaire ; mais il ne le mettrait par écrit que beaucoup plus tard, quand la persécution aurait cessé.]

(10,5) Alors l’ange que j’avais vu debout sur la mer et sur la terre, leva sa main droite au ciel

(10,6) et jura [Dieu lui-même avait juré, en levant la main droite vers le ciel, selon le Cantique de Moïse (cf. Dt 32,40). Si l’ange jurait, du jurement de Dieu, c’était pour attester la véracité infrangible de ce message qu’il confiait aux hommes, par l’intermédiaire de Jean.] par le vivant dans les siècles des siècles, [Dieu même] qui créa le ciel et ce qu’il contient, [les créatures angéliques] la terre et ce qu’elle contient, [les créatures terrestres, les humains] la mer et ce qu’elle contient : [le reste du cosmos] « Il n’y aura plus de temps, [La révélation chrétienne devait être portée sans tarder à son accomplissement.]

(10,7) mais dans ces jours de la voix du septième ange, [quand serait révolue la première génération chrétienne, celle des apôtres] lorsqu’il se mettra à sonner, alors est consommé le mystère de Dieu, [la révélation serait parvenue à son terme, désormais insurpassable.] comme il l’a annoncé à [mot à mot : « comme il a évangélisé »] ses serviteurs les prophètes. » [Les prophètes, ses esclaves : Jean et les autres hagiographes du Nouveau Testament.]

Excursus II. Le petit livre : 10,8-11

(10,8) Puis la voix que j’avais entendue [celle de 10,4] du ciel de nouveau me parla en disant : « Va prendre le petit livre ouvert dans la main de l’ange [l’épure du IVe évangile] qui se tient sur la mer et sur la terre. » [Car la révélation de l’évangile intéressait tout le cosmos.]

(10,9) Je m’en fus alors auprès de l’ange, le priant de me donner le tout petit livre ; [Pour l’instant Jean serait seul en possession de la révélation contenue en icelui.] et lui me dit : «Prends, et dévore-le ; [nourris-toi de lui, rumine-le, médite-le, fais-en ta substance] il remplira tes entrailles d’amertume, [à cause des jugements sévères qu’il pouvait recéler] mais dans ta bouche [de prédicateur] il sera doux comme le miel. » [En vertu de la Bonne Nouvelle qu’il annonçait au peuple.]

(10,10) Et je pris le tout petit livre de la main de l’ange [Ce jour-là je décidai de composer l’évangile, j’en assumai la responsabilité] et le dévorai ; [j’en fis l’objet de ma méditation incessante] dans ma bouche il était comme du miel doux ; [il renfermait toute la douceur des confidences du Christ à ses amis] mais quand je l’eus mangé, mes entrailles devinrent amères. [L’élaboration complète de l’évangile coûterait encore à Jean beaucoup de temps et beaucoup d’efforts.]

(10,11) Alors on me dit : « Il te faut de nouveau prophétiser [par l’achèvement du « grand livre » en cours : celui de l’Apocalypse, par des sermons, par des épîtres, puis, plus tard, par la rédaction et l’expédition du IVe et dernier évangile] sur une multitude de peuples, de nations, de langues et de rois. » [En réalité contre l’univers entier, car c’était à lui qu’était destinée la révélation.]

J’ai rédigé un travail entier sur le IVe évangile, intitulé précisément, selon cette intuition : « Le petit livre et les sept tonnerres. » Ici.


La discussion

 Pierre Prigent et l'Apocalypse, de Jean Ferrand [2010-03-09 13:35:25]
      Le plan de l'Apocalypse, de Jean Ferrand [2010-03-09 14:25:06]
      Le Millenium, de Jean Ferrand [2010-03-11 14:07:20]
      Les 24 anciens, les 4 animaux, et les 7 esprits, de Jean Ferrand [2010-03-12 20:59:02]
      Les deux Témoins, de Jean Ferrand [2010-03-14 18:48:35]
          Il semble pourtant..., de Athanasios D. [2010-03-14 19:04:39]
              Il n'y a pas, de Jean Ferrand [2010-03-14 19:23:20]
      Le petit livre et les sept tonnerres, de Jean Ferrand [2010-03-15 13:51:06]
      La Femme, de Jean Ferrand [2010-03-17 10:02:22]
      Le Dragon, la première Bête et la deuxième Bêt [...], de Jean Ferrand [2010-03-19 20:34:41]
      666, de Jean Ferrand [2010-03-19 21:14:17]
      Le sixième Roi, de Jean Ferrand [2010-03-20 09:31:58]
      3 ans et demi, de Jean Ferrand [2010-03-20 13:33:50]
      Les cent quarante-quatre mille, de Jean Ferrand [2010-03-20 16:41:19]
      La première résurrection, de Jean Ferrand [2010-03-21 08:32:32]
      Le second et dernier combat eschatologique, de Jean Ferrand [2010-03-21 14:23:52]
      Harmaguedon, de Jean Ferrand [2010-03-21 18:54:43]
      Gog et Magog, de Jean Ferrand [2010-03-22 12:18:45]
      Les sept Eglises, de Jean Ferrand [2010-03-23 11:44:37]
      Merci, de Personne [2010-03-24 11:42:26]
      Les sept sceaux, de Jean Ferrand [2010-03-24 14:53:06]
      Les sept trompettes, de Jean Ferrand [2010-03-24 21:46:58]
      Les sept coupes, de Jean Ferrand [2010-03-25 21:06:41]
      La Jérusalem céleste, de Jean Ferrand [2010-03-26 16:49:51]
      L'historicité de l'Apocalypse, de Jean Ferrand [2010-03-27 21:02:18]
      La doctrine de l'Apocalypse. Son autorité, de Jean Ferrand [2010-03-28 20:54:32]