Les archives du Forum Catholique
Forum | Documents | Liens | Q.F.P. | Oremus

Les archives du Forum Catholique

JUILLET 2003 A MARS 2011

Retour à la liste des messages | Rechercher

Afficher le fil complet

Les 24 anciens, les 4 animaux, et les 7 esprits Imprimer
Auteur : Jean Ferrand
Sujet : Les 24 anciens, les 4 animaux, et les 7 esprits
Date : 2010-03-12 20:59:02

2. Les grandes énigmes de l'Apocalypse.

2. Les 24 anciens, les 4 animaux, et les 7 esprits.

Dès la fin de l’envoi des lettres aux 7 Eglises, nous sommes transportés par Jean dans la cour céleste. (Cf. Ap 4,1). Et nous apercevons le trône de Dieu, et Dieu lui-même entouré de toute ses anges. Nous sommes plongés soudain dans la liturgie d’en haut, qui se célèbre depuis les origines du monde, et qui anticipe déjà sa fin.

La scène s’inspire manifestement des visions d’Ezéchiel, comme de Daniel, voire d’Isaïe, ou même de Zacharie, et qui nous transportaient au ciel.

Autour du trône de Dieu, on discerne 24 Vieillards, ou Anciens, 4 Animaux, ou 4 Vivants, et 7 lampes qui sont les 7 esprits de Dieu. Quels sont ces Anciens ? Quels sont ces Animaux ? Quels sont ces esprits ? Puisque la vision est reprise, avant tout, des prophètes, pour moi il ne fait aucun doute qu’on entrevoit ici les principaux esprits angéliques qui composent la cour céleste. Les premiers des anges, car plus loin on apercevra autour d’eux une quasi infinité d’autres anges : « Ils se comptaient par myriades de myriades et par milliers de milliers.» (Ap 5,11).

Les Anciens sont des puissances célestes, celles qui gouvernent l’histoire, de l’origine à sa fin ; les 4 Animaux sont les chérubins d’Ezéchiel (cf. Ez 1,4-28), ils représentent le cosmos avec ses quatre dimensions ; et les sept esprits sont les sept anges qui contemplent sans cesse la face de Dieu (cf. Tb 12,15) et sont également les envoyés de Dieu (cf. Za 4,10). On peut dire aussi que tout ce beau monde est à l’image des énergies divines, comme diraient les théologiens grecs. On peut compter – ou contempler – dans la nature divine autant d’énergies incréées qu’il y a d’anges. Elles sont unes en Dieu, bien sûr, car l’essence divine est une. Mais elles sont multiples du point de vue de l’intelligence humaine, limitée, qui les considère.

Que sont donc les 24 Vieillards ? Ce sont des anges, bien sûr, puisqu’ils sont vêtus de blanc et qu’ils célèbrent la liturgie divine. Ils sont dits Vieillards, ou Anciens, parce qu’ils sont là depuis la création du monde, à laquelle d’ailleurs ils vont faire allusion : « Tu es digne, ô notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car c’est toi qui créas l’univers ; par ta volonté, il n’était pas et fut créé. » (Ap 4,11). Et ils attendent les élus dans le ciel, quand sera achevée l’histoire, afin de proclamer avec eux la gloire de Dieu.

De même l’ancienneté de l’Ancien des jours, dans Daniel, faisait-elle référence à l’éternité de Dieu. (Cf. Dn 7 ,9).

Mais pourquoi 24 ? Le langage de l’Apocalypse est tributaire, avant tout, de l’Ancien Testament, comme des formes liturgiques de l’ancien Temple de Salomon. Or, d’après le livre des Chroniques, on comptait dans le Temple de Jérusalem 24 ordres de prêtres (cf. 1 Ch 24), et 24 classes de chantres (cf. 1 Ch 25). Ce qui légitime le nombre de ces Anciens. Mais, plus encore, remarque-t-on que 24 est le multiple de 12 (12 X 2 = 24). Ces 24 Vieillards ne sont autres que les anges protecteurs des 24 tribus d’Israël. Mais oui : 12 pour l’Israël ancien, autant que de patriarches éponymes, et 12 pour l’Israël nouveau, correspondant aux 12 apôtres choisis par Jésus-Christ. Ce n’est pas un rêve. Ce sont ces Vieillards, avec les Vivants, qui ne vont pas tarder à accueillir dans le ciel les 144. 000 élus de la maison d’Israël, 12.000 bien comptés pour chaque tribu dûment énumérée (cf. Ap 7,5-8), et la foule innombrable correspondant à l’Israël nouveau (cf. Ap 7,9-10). C’est pourquoi l’un des 24 Vieillards s’adresse ainsi au voyant : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? » (Ap 7,13). « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve. » (Ap 7,14). Les élus ont désormais rejoint les anges.

De même dans la vision finale de la Jérusalem céleste retrouvera-t-on 12 anges veillant près des portes portant les noms des 12 tribus d’Israël (cf. Ap 21,12). Et l’on peut inférer légitimement que 12 anges présideront aux 12 assises, portant les noms des 12 apôtres de l’Agneau (cf. Ap 21,14), même s’ils ne sont pas formellement nommés. En tous les cas, on trouve bien là, dans ce passage, la mention explicite de deux fois douze : « douze tribus des fils d’Israël » (Ap 21,12) et « douze apôtres de l’Agneau » (Ap 21,14).

Toutes les tribus d’Israël, de l’Israël ancien comme de l’Israël nouveau, ont forcément un ange qui préside à leur destinée, de même qu’au début de l’Apocalypse nous voyions un ange affecté à chacune des sept Eglises d’Asie.

Mais pourquoi, demandera-t-on, ces 24 Anciens siègent-ils sur des trônes, et portent-ils une couronne ? On ne voit pas ailleurs dans la Bible des anges exercer une fonction royale ?

Ces 24 Vieillards vêtus de blanc assument, depuis la fondation du monde, une fonction à la fois royale et sacerdotale car ils officient par anticipation, dans le culte divin, à la place des douze tribus d’Israël, qui seront les unes royales (comme Juda) et les autres sacerdotales (comme Lévi) ; et de même aux lieux et places des douze apôtres de l’Agneau, qui seront à la fois royaux et sacerdotaux. « Vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël» (Lc 22,30) leur a promis Jésus. Ces 24 Vieillards représentent donc auprès du trône de Dieu la totalité de l’Eglise, la totalité des prédestinés, ceux qu’ils attendent avec impatience pour les recevoir dans les demeures éternelles. Ils offrent à Dieu, par avance, leurs prières, leurs hommages et leurs oblations. (Cf. Ap 5,8).

Pour autant, ils ne sont pas vraiment prêtres ni rois. Ils se prosternent de tout leur long devant le trône de Dieu, abdiquant ainsi leur sacerdoce ; et ils jettent leurs couronnes à terre, abdiquant ainsi leur royauté (Cf. Ap 4,10), ce que refusent de faire de bon gré les rois de la terre (note avec humour la Bible de Jérusalem). Ces grands anges ne sont guère, en quelque sorte, que des locum tenens, locum tenentes, des douze patriarches éponymes comme des douze apôtres.

Prigent refuse absolument d’entrer dans ces vues. Il s’en tient à l’argument classique : jamais on n’a vu dans la Bible d’anges assis sur des trônes et portant une couronne d’or. Mais, on l’a dit, ces anges n’exercent qu’une suppléance ; ils se dessaisissent volontiers des insignes de leur royauté. Dans l’Apocalypse, le vêtement blanc est réservé aux fidèles. Peut-être, mais dans la Bible le tunique blanche est bien l’habit traditionnel des anges (cf. Dn 10,5 ; Mt 28,3 ; etc.…). De même pourquoi 24 ? Prigent ne voit aucune allusion explicite aux 24 catégories de chantres ou de prêtres dans le Temple de Jérusalem. De plus, il affecte de prendre les chiffres de l’Apocalypse comme ils sont : 24 signifie seulement 24, et non pas deux fois douze. Pourtant, il est notoire que dans l’Apocalypse les nombres se répondent les uns aux autres, et s’appellent mutuellement. En particulier, les multiples de douze semblent jouer un rôle significatif. La Bible de Jérusalem (version de 1998) commente ainsi la vision de la Jérusalem messianique (Cf. Ap 21, note au verset 14) : « La perfection dans la totalité du peuple nouveau succède à celle de l’ancien. Aux douze tribus d’Israël répondent les douze apôtres. Tous les nombres multiples de douze, dans cette description, expriment la même idée de perfection. » De même, note au verset 16, pour expliquer 12.000 : « 12 (le nombre des tribus de l’Israël nouveau) multiplié par 1.000 (multitude). » Le nombre 24, quant à lui, fait irrésistiblement penser à deux fois douze. Surtout, comme on l’a vu, que dans cette même description de la Jérusalem d’en haut, les douze apôtres sont mentionnés juste après les douze tribus d’Israël.

Prigent imagine que ces 24 Vieillards symboliseraient, non pas des anges, mais les 24 livres de l’Ancien Testament, ou peut-être leurs auteurs, selon le canon juif de la Bible, celui qui fut arrêté au concile de Jamnia vers 90 de notre ère. (Rappelons pour mémoire que ce canon sera celui de l’Ancien Testament, dans les bibles protestantes.) Il me paraît peu vraisemblable que saint Jean ait songé à promulguer ainsi le canon juif de la Bible au premier siècle de notre ère. Les traditions, à ce sujet, étaient diverses, et discutées. De plus, nous l’avons vu, ces 24 Vieillards s’identifient bien à des anges qui préfigurent, ou anticipent, toute l’histoire du salut, et non pas seulement l’Ancienne Alliance. Les auteurs, humains, de la Bible (par exemple Salomon) ne sont pas tous, forcément, rendus au ciel !

De plus, il est connu que, dans l’ancien Israël, tous les morts, indistinctement, descendaient au shéol : bons et mauvais (cf. Gn 37,35 ; 1 S 2,6 ; 1 S 28,19 ; Ps 89,49) même si la puissance du Dieu vivant s’exerçait jusque dans ce lieu désolé. « Mais Dieu rachètera mon âme des griffes du shéol et me prendra. » (Ps 49,16).

Les morts de l’Ancien Testament, même auteurs humains de la Bible, ne peuvent faire partie de la cour céleste, et surtout pas depuis la création du monde ! Ils ne le pourront qu’à partir de la venue du messie, lui qui, le jour de l’Ascension, les entraînera dans son sillage.

Certes, au séjour des morts, un sort bien différent attendait les bons et les méchants, les élus et les réprouvés. Nous savons, surtout par le Nouveau Testament, que les amis de Dieu reposaient « dans le sein d’Abraham ». (Lc 16,22). Mais, pas plus qu’Abraham, ils ne contemplaient encore la face de Dieu. Il fallait la venue du messie, et du sauveur, pour les délivrer. (Cf. Mt 27,52-53 ; 1 P 3,19).

« Même aux morts a été annoncée la Bonne Nouvelle, afin que, jugés selon les hommes dans la chair, ils vivent selon Dieu dans l’esprit. » (1 P 4,6).

Quant aux quatre Animaux, il ne fait aucun doute qu’ils sont aussi des anges supérieurs, des chérubins, dont l’image est sortie tout droit des visions d’Ezéchiel, chapitre 1. Deux chérubins entouraient l’arche d’Alliance dans le Temple de Jérusalem (cf. Ex 25,18). De même les quatre Animaux d’Ezéchiel (cf. Ez 1,4-28) soutiennent-ils le char de Yahvé, qui peut être aperçu même dans le lointain exil babylonien. Ainsi, dans l’Apocalypse, les quatre Vivants entourent, ou plutôt composent, le trône de Dieu : un lion, un taureau, une face humaine, un aigle. La tradition chrétienne, avec saint Irénée, en a fait le symbole des quatre évangélistes, voire le symbole du canon des évangiles. Car, postulait ce Père de l’Eglise, l’univers n’ayant que quatre dimensions, il ne pouvait y avoir, ni plus ni moins, que quatre évangiles. (Cf. Adv. Hae. III, 11, 2).

Prigent aperçoit dans ces quatre Animaux le symbole du cosmos, et de la totalité de l’univers créé. (Page 177).

C’est vrai, mais il s’agit plutôt des Puissances angéliques, celles qui président, organisent et gouvernent le cosmos.

De même que les 24 Vieillards figuraient la totalité de l’histoire, autrement dit du temps : le passé, le présent et le futur ; de même les quatre Animaux globalisent la totalité de la géographie, autrement dit de l’espace : hauteur, largeur, longueur et profondeur. Ces Vivants sont constellés d’yeux, par derrière, par devant, tout autour et en dedans, car ils sont, avant toutes choses, des consciences, autrement dit des intelligences, des esprits supérieurs. Mais là encore, pour une perception mystique de l’Apocalypse, il serait naïf de s’arrêter, soit à l’aspect matériel des choses (le cosmos physique), soit encore à l’aspect purement angélique (le cosmos spirituel, modèle de l’autre). Il faut remonter à Dieu. Le physique est à l’image du spirituel, mais le spirituel à son tour est à l’image de Dieu : tous deux, physique et spirituel, nous révèlent quelque chose de la nature divine. Ces anges certes ne sont pas des émanations de l’essence divine : ce serait une erreur, ce serait professer l’émanationisme (plotinien) que de le poser. Mais ils en sont des manifestations, ou encore des illustrations. Leur contemplation nous invite à contempler Dieu. Effectivement, quand on lit la vision d’ouverture du prophète Ezéchiel, celle du char de Yahvé, on a bien l’impression de se trouver en présence de Yahvé lui-même, celui pourtant que nul œil humain ne peut voir. De même en présence des quatre Vivants de l’Apocalypse, l’œil mystique entr’aperçoit ces autres attributs divins que sont la Vie (par excellence) et la Science (par excellence) : des êtres vivants (dzôa), constellés d’yeux (symboles d’intelligence). (Cf. Ap 4,6). A plus forte raison pourra-t-on affirmer cela des sept esprits.

Formellement, les sept esprits sont les anges de la face, ceux qui ne quittent pas sa présence (cf. Ap 8,2 ; Za 4,10 ; Tb 12,15…). Peut-être leur description a-t-elle été inspirée à Jean par le souvenir du chandelier à sept branches, ou sept flammes, du Temple de Jérusalem. Cet objet du culte, qui figurera sur l’arc de triomphe de Titus, est à la fois un et septuple : un chandelier mais aussi sept lumières. On peut en parler au singulier comme au pluriel, à l’image des sept esprits de Dieu.

Ils ne sont pas s’en rappeler les sept anges qui présidaient aux sept Eglises d’Asie (cf. Ap 1,4 ; 2,1 ; etc.…), ni sans préfigurer les sept anges aux sept trompettes (cf. donc Ap 8,2), qui vont annoncer les calamités prémonitoires de la fin des temps. Cependant, il en est parlé en des termes qui font irrésistiblement penser à l’Esprit septuple, tel que décrit par Isaïe : Esprit de sagesse, d’intelligence, de conseil, de force, de connaissance, de crainte de Yahvé, et de piété (cf. Is 11,2 dans les versions de la Septante et de la Vulgate latine), et dont la tradition chrétienne fera l’Esprit « septiforme ».

« Sept lampes de feu brûlent devant lui, les sept Esprits de Dieu. » (Ap 4,5). « Un Agneau, comme égorgé, portant sept cornes et sept yeux, qui sont les sept Esprits de Dieu en mission par toute la terre. » (Ap 5,6).

Prigent pose d’emblée, et sans discussion, que les sept esprits sont l’Esprit Saint (cf. Page 88). On peut le lui accorder. Mais il ne semble pas conscient du caractère progressif de la Révélation, ni de l’emboîtement des symbolismes : du chandelier à sept branches, on passe insensiblement aux sept Anges de la face, et de là à l’Esprit Saint septiforme que chantera la liturgie. Cette élévation graduelle et constante de la pensée, proprement mystique, est un des secrets de l’Apocalypse.


La discussion

 Pierre Prigent et l'Apocalypse, de Jean Ferrand [2010-03-09 13:35:25]
      Le plan de l'Apocalypse, de Jean Ferrand [2010-03-09 14:25:06]
      Le Millenium, de Jean Ferrand [2010-03-11 14:07:20]
      Les 24 anciens, les 4 animaux, et les 7 esprits, de Jean Ferrand [2010-03-12 20:59:02]
      Les deux Témoins, de Jean Ferrand [2010-03-14 18:48:35]
          Il semble pourtant..., de Athanasios D. [2010-03-14 19:04:39]
              Il n'y a pas, de Jean Ferrand [2010-03-14 19:23:20]
      Le petit livre et les sept tonnerres, de Jean Ferrand [2010-03-15 13:51:06]
      La Femme, de Jean Ferrand [2010-03-17 10:02:22]
      Le Dragon, la première Bête et la deuxième Bêt [...], de Jean Ferrand [2010-03-19 20:34:41]
      666, de Jean Ferrand [2010-03-19 21:14:17]
      Le sixième Roi, de Jean Ferrand [2010-03-20 09:31:58]
      3 ans et demi, de Jean Ferrand [2010-03-20 13:33:50]
      Les cent quarante-quatre mille, de Jean Ferrand [2010-03-20 16:41:19]
      La première résurrection, de Jean Ferrand [2010-03-21 08:32:32]
      Le second et dernier combat eschatologique, de Jean Ferrand [2010-03-21 14:23:52]
      Harmaguedon, de Jean Ferrand [2010-03-21 18:54:43]
      Gog et Magog, de Jean Ferrand [2010-03-22 12:18:45]
      Les sept Eglises, de Jean Ferrand [2010-03-23 11:44:37]
      Merci, de Personne [2010-03-24 11:42:26]
      Les sept sceaux, de Jean Ferrand [2010-03-24 14:53:06]
      Les sept trompettes, de Jean Ferrand [2010-03-24 21:46:58]
      Les sept coupes, de Jean Ferrand [2010-03-25 21:06:41]
      La Jérusalem céleste, de Jean Ferrand [2010-03-26 16:49:51]
      L'historicité de l'Apocalypse, de Jean Ferrand [2010-03-27 21:02:18]
      La doctrine de l'Apocalypse. Son autorité, de Jean Ferrand [2010-03-28 20:54:32]