"La souffrance justifie-t-elle les crimes d'un Kaganovitch? " Non. Et, inversement, la souffrance subie par les Ukrainiens ne justifie pas les exactions à l'encontre des Juifs. C'est bien pour cela que ce débat me gêne, car, à ce prix, il devient interminable.

Néanmoins, je pense que parler de génocide Juif ne permet pas d'absoudre les crimes des soviétiques. Disons que certains peuples comme les Polonais ont subi les persécutions nazies et communistes. La persécution infligée par les Nazis aux Polonais n'a pas pour autant jetté ces derniers dans le bras du communisme, ce qui doit être noté. Le négationnisme n'a jamais attiré un peuple grognon comme les Polonais dont les relations avec les Juifs furent complexes. Cela doit être aussi relevé. Dans un pays comme la France qui a beaucoup moins souffert des totalitarismes (elle en souffre un, mais d'ordre intellectuel), la solution a souvent été binaire et manichéenne.

Je m'explique. Pour certains esprits d'obédience communistes, le génocide Juif ne peut qu'absoudre Staline. Ce à quoi l'on peut rétorquer que Staline restera un fauteur de guerre, un complice sans lequel Hitler ne put envahir la Pologne (les Polonais ne l'ont pas oublié). C'est hélas la voie suivie par certains. On peut parfaitement admettre que la dénonciation de la Shoah ait été un alibi à des causes contestables, même si cette dénonciation débouche pardoxalement sur une relativisation (je pense au parallélisme entre Juifs et sans-papiers qui est probablement l'une des comparaisons les plus stupides et les plus scandaleuses de ces 20 dernières années, dénoncée à juste titre par certains intellectuels Juifs). Inversement, même si le cas est peut-être moins nombreux, d'autres ont relativisé le génocide Juif simplement du fait des crimes de masse soviétiques. Un journal comme Rivarol a donné dans cette très mauvaise tendance. Elle s'explique également par le fait que la communauté juive française a été l'une des plus épargnées (c'est S. KLARSFELD qui le dit). Mais faut-il se taire sur la Shoah sous prétexte qu'elle est instrumentalisée ? Non, mille fois non ! Rappelons qu'un certain monde musulman s'adonne à sa relativisation (cf. l'affaire GARAUDY). Inversement, je pense qu'il est utile de continuer dans la dénonciation des crimes de masse soviétiques, notamment de ceux qui n'ont pas été suffisamment révélés. La vérité (le Christianisme est une religion fondée sur la vérité) l'exige.

D'autre part, non seulement il peut y avoir concurrence entre génocide Juif et famine ukrainienne, mais, si l'on pousse le débat plus loin, on peut aussi avoir une concurrence entre la souffrance subie par les Polonais et celle subie par les Ukrainiens, car, croyez-moi, les peuples de l'Est ne s'apprécient guère...

Pour finir, le terme génocide doit pouvoir être circonscrit (pas circoncis, hi, hi...). Et le limiter à quelques massacres de masse n'a rien de choquant (on recense en fait quatre: le génocide juif, le génocide arménien - qui est également un déplacement de population -, le génocide tutsi et l'auto-génocide Khmer) . Un régime peut être meurtrier et totalitaire, sans être génocidaire. Il n'en reste pas moins néfaste. Par exemple, je suis gêné quand B. ANTONY a parlé de génocide "franco-français" ou, quand des végétariens intempestifs, ont parlé de génocide de poulets !

Bon, sur ce, je vous laisse !