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JUILLET 2003 A MARS 2011

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Encore avant Imprimer
Auteur : Meneau
Sujet : Encore avant
Date : 2009-03-19 22:05:35

Un peu avant ces événements là.

Le 28 juillet, Mgr Lefèbvre reçut une lettre du cardinal Ratzinger, contenant des propositions, et évoquant notamment la possibilité de nommer un cardinal visiteur.



Excellence,

Je vous remercie sincèrement de votre lettre du 8 juillet 1987, ainsi que de votre récent ouvrage dédicacé. Je ne manquerai pas de le lire avec intérêt. Le dossier que vous m’avez remis concernant la réponse de la Congrégation aux Dubia sur la liberté religieuse sera étudié avec toute l’attention requise et le résultat vous en sera communiqué en temps opportun. Votre grand désir de sauver la tradition en lui procurant les moyens de vivre et de se développer témoigne de votre attachement à la Foi de toujours, mais ils ne peuvent se réaliser que dans la communion au Vicaire du Christ, à qui sont confiés le dépôt de cette foi et le gouvernement de l’Église.

Le Saint-Père comprend votre souci et le partage. C’est pourquoi en son nom je vous transmets une nouvelle proposition, espérant vous donner ainsi une ultime possibilité d’un accord sur les problèmes qui vous tiennent à cœur : la situation commune de la Fraternité Saint-Pie-X et l’avenir de vos Séminaires.

En voici le contenu :

Le Saint-Siège ne peut accorder des auxiliaires à la Fraternité Saint-Pie-X sans que celle-ci soit dotée d’une structure juridique adéquate, et sans que ses rapports avec ce même siège apostolique soient réglés au préalable.

Le Saint-Siège est disposé à nommer, sans délai, sans aucune condition préalable, un cardinal visiteur dans le but de trouver pour la Fraternité une forme juridique aux normes du Droit Canon actuellement en vigueur.

En raison de l’institution divine de l’Église, une telle situation juridique comporte nécessairement référence et obéissance à l’autorité supérieure des membres de la Fraternité à l’égard du successeur de Pierre, Vicaire du Christ.

Dans les limites de cette obéissance, et dans le cadre des normes canoniques, le Saint-Siège est disposé à concéder à la Fraternité sa juste autonomie, et à lui garantir :

La continuité de la liturgie selon les livres liturgiques en vigueur dans l’Église en 1962.

Le droit de former des séminaristes dans des séminaires propres selon le charisme particulier de la Fraternité.

L’ordination sacerdotale des candidats au sacerdoce sous la responsabilité que, jusqu’à nouvelle décision, assumera le cardinal visiteur.

En attendant l’approbation de la structure juridique et définitive de la Fraternité, le cardinal visiteur se portera garant de l’orthodoxie de l’enseignement reçu au Séminaire dans l’esprit ecclésial de l’unité avec le Saint-Siège.

La structure juridique qu’il faudra trouver précisera en outre les modalités d’un rapport positif et convenable de la Fraternité avec les différents diocèses selon les normes prévues dans le Droit en des cas analogues.

Je vous demande, Excellence, de considérer attentivement cette proposition dans le but de trouver une solution positive et équitable, assurant la continuité de votre Œuvre dans la soumission du Siège Apostolique. Si malgré les efforts réitérés du Saint-Siège en vue d’une conciliation vous persistiez dans votre projet de vous donner un ou plusieurs auxiliaires, sans l’accord du Pape, et contre lui, il apparaîtrait clairement à tous que la rupture définitive dont vous faites mention dans votre lettre, ne saurait être en aucune manière attribuée à l’Église, mais qu’elle dépendrait exclusivement de votre initiative personnelle.

Les conséquences en seraient graves pour cette Église que vous dites tant aimer, pour vous-même et pour votre Œuvre. L’institution divine, l’Église a les promesses de l’assistance du Christ jusqu’à la fin des temps. La rupture de son unité par un acte de grave désobéissance de votre part lui causerait des dommages incalculables et détruirait l’avenir de votre œuvre elle-même parce que hors de l’union avec Pierre, il n’y aurait pas d’avenir, mais seulement la ruine de tout ce que vous avez voulu et entrepris. L’histoire a bien été souvent témoin de l’inutilité d’un apostolat accompli en dehors de la soumission à l’Église et à son chef.

En fournissant une interprétation personnelle des textes du Magistère, vous feriez paradoxalement preuve de ce libéralisme que vous combattez si fortement, et agiriez contre le but que vous poursuivez.

C’est en effet à Pierre que le Seigneur a confié le gouvernement de son Église ; c’est donc le Pape qui est le principal artisan de son unité, à assurer les promesses du Christ. Jamais il ne pourra mettre en opposition dans l’Église le Magistère authentique de celle-ci et la saine Tradition.

Excellence, peut-être trouverez-vous mes propos sévères. J’aurais aimé certes m’exprimer d’une autre manière, mais la gravité du problème en jeu ne laissait guère de choix. Du reste, je suis certain que vous reconnaîtrez la générosité de la proposition qui vous est faite au nom du Saint-Père et qui constitue le moyen réel de sauvegarder votre Œuvre dans l’unité et la catholicité de l’Église.

Au début de cette année mariale, c’est à la Vierge Mater Ecclesiæ que je confie le règlement de ce long différend qui nous oppose, certain que sa puissante intercession obtiendra les grâces et les lumières nécessaires à cet effet.

Avec l’assurance de ma prière veuillez agréer, Excellence, l’expression de mon religieux dévouement dans le Seigneur.



Les pouvoirs dont fut officiellement chargé le Cal Gagnon furent finalement bien moindres que ceux évoqués dans cette lettre, notamment, comme nous le verrons, grâce à l'intervention de Jean Guitton.

Le 4 septembre 1987, Mgr Lefèbvre donna lors de la retraite sacerdotale à Ecône une conférence dont voici quelques extraits.


Je l’ai résumé [comme quoi "Rome aurait perdu la foi"]au cardinal Ratzinger en quelques mots, n’est-ce pas, parce que c’est difficile de résumer toute cette situation ; mais je lui ai dit : « Éminence, voyez, même si vous nous accordez un évêque, même si vous nous accordez une certaine autonomie par rapport aux évêques, même si vous nous accordez toute la liturgie de 1962, si vous nous accordez de continuer les séminaires et la Fraternité, comme nous le faisons maintenant, nous ne pourrons pas collaborer, c’est impossible, impossible, parce que nous travaillons dans deux directions diamétralement opposées : vous, vous travaillez à la déchristianisation de la société, de la personne humaine et de l’Église, et nous, nous travaillons à la christianisation. On ne peut pas s’entendre. »
Alors, je lui ai dit : « Pour nous, le Christ c’est tout ; Notre-Seigneur Jésus-Christ c’est tout, c’est notre vie. L’Église, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est son épouse mystique. Le prêtre, c’est un autre Christ ; sa messe, c’est le sacrifice de Jésus-Christ et le triomphe de Jésus-Christ par la croix. Notre séminaire : on y apprend à aimer le Christ, et on est tout tendu vers le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Notre apostolat, c’est le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voilà ce que nous sommes. Et vous, vous faites le contraire. Vous venez de me dire que la société ne doit pas être chrétienne, ne peut pas être chrétienne ; que c’est contre sa nature ! Vous venez de vouloir me prouver que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas et ne doit pas régner dans les sociétés ! Et vous voulez prouver que la conscience humaine est libre vis-à-vis de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! — “Il faut leur laisser la liberté et un espace social autonome”, comme vous dites. C’est la déchristianisation. Eh bien nous, nous sommes pour la christianisation. »
Voilà. On ne peut pas s’entendre. Et c’est cela, je vous assure, c’est le résumé. On ne peut pas suivre ces gens-là.
[...]
« La liberté de la conscience, l’espace social autonome » : voilà leurs [Rome] grands mots. Qu’est-ce que cela veut dire ? Espace social autonome pour tous les sentiments religieux et les idées religieuses que l’homme peut concevoir dans sa conscience. Je vous demande un peu. Evidemment, derrière cela, il y a la moralité qui suit. Il n’y a pas seulement les idées ; derrière les idées, évidemment, il y a l’immoralité qui vient avec tout ça.
Alors, liberté, espace social autonome… Jusqu’où cela va, l’espace social autonome ? « Jusqu’à l’ordre public. » Si cela ne dérange pas l’ordre public, alors, on est libre, la société n’a rien à y voir. C’est inconcevable, inconcevable !
Cela, il me l’a dit le 14 juillet, il a commencé par ça. Par vouloir me prouver que l’État ne devait pas avoir de religion. Et que c’est dans sa nature.
Alors, je lui ai dit : « Mais enfin, il y a quinze siècles d’Église qui s’inscrivent contre ce que vous dites, Eminence, voyons ! tout de même. Et le sacre des rois, qu’est-ce que c’était que le sacre des rois et des princes ? Sinon supplier, demander à Dieu de leur donner la foi catholique, de leur donner la force de garder la foi catholique dans leurs pays, d’étendre les moeurs chrétiennes, les vertus chrétiennes, de défendre l’Église contre ses ennemis, etc. C’était tout le sacre du roi. On lui donnait l’épée, pourquoi ? Pour défendre [la chrétienté] contre les ennemis de la foi. »
— « Ah, mais cela, c’est une période exceptionnelle et anormale. »
Ça alors, quinze siècles !… c’est pas mal.
— « C’est anormal. Nous, nous rattachons à l’Évangile »,
Se rattacher à l’Évangile, je vous demande un peu, c’est facile à dire. C’est absolument faux. Comme si saint Paul n’avait pas dit : « Oportet illum regnare, Il faut qu’il règne ». Tout est pour le règne de Notre-Seigneur dans l’Évangile, voyons. Enfin, quand même ! Ou bien alors, il n’y a plus d’Évangile. C’est incroyable, incroyable !
Alors, comment voulez-vous que l’on puisse se fier à des gens comme cela ? Ce n’est plus possible.
Alors, évidemment, ils ont été un peu effrayés par le sermon du 29 juin. Il m’en a parlé, il l’a lu par conséquent, il l’a écouté en tout cas sur une cassette, je suppose. Et alors, il m’a dit : « Comment se fait-il que vous trouviez que la réponse aux objections que vous avez envoyées pour la liberté religieuse, notre réponse, est plus grave qu’Assise ? Vous dites que c’est plus dangereux qu’Assise. ».
J’ai dit : « Évidemment ! C’est toujours plus grave d’adhérer à un principe que de faire un simple acte. C’est le principe qui est à la source de tous les actes, qui est à la source de l’action et, par conséquent, avec un principe comme celui du libéralisme et de la liberté religieuse, eh bien, c’est cela qui vous fait faire l’oecuménisme, c’est ça qui vous fait faire la laïcité des États, n’est-ce pas, qui réclame la laïcité des États, et ainsi de suite. Alors, c’est bien plus grave. Assise, c’est très grave, c’est une apostasie, mais c’était un fait, un acte ; ce n’est pas un principe, c’est le résultat d’un principe. »
Alors, vous savez que le 28 juillet, il m’a envoyé une lettre pour faire des propositions, soi-disant des propositions concrètes.
Moi, j’ai toujours demandé qu’ils nous envoient un visiteur, qu’ils envoient, si possible, quelqu’un qui vienne voir, qui vienne se rendre compte, quelqu’un qui vienne pour parler tout simplement, pour voir, constater un peu ce que nous faisons, sans juger, sans porter de jugement, sans prendre de décisions.
Mais cela, ils ne le veulent pas. Ils veulent bien envoyer un visiteur, mais à la condition qu’il ait des pouvoirs très importants. Or, cela est inadmissible. Pouvoirs très importants pour nous contraindre à les suivre.
Ils veulent bien nous donner un évêque, ils veulent bien nous donner la liturgie de 1962 (les quatre livres liturgiques de 1962), ils veulent bien nous donner une certaine autonomie, comme ils mettent dans la lettre… – je pense que beaucoup d’entre vous peut-être déjà en ont eu connaissance :
Le Saint-Siège est disposé à concéder à la Fraternité sa juste autonomie et à lui ga-rantir la continuité de la liturgie selon les livres liturgiques en vigueur dans l’Église en 1962, le droit de former des séminaristes dans des séminaires propres, selon le charisme particulier de la Fraternité, l’ordination sacerdotale des candidats au sacerdoce sous la responsabilité que, jusqu’à nouvelle décision, assumera le cardinal visiteur…
Ah ! voyez : « l’ordination sacerdotale des candidats au sacerdoce » ; nous ne pourrons plus rien dire, ni le Supérieur général, ni moi-même, ni personne, ni le supérieur
du séminaire n’aura plus rien à dire sur les ordinations sacerdotales. C’est le cardinal visiteur qui en prend la responsabilité.
… En attendant l’approbation de la structure juridique définitive de la Fraternité, le cardinal visiteur se portera garant de l’orthodoxie de l’enseignement dans les séminaires, [quelle orthodoxie, je vous demande un peu, avec ce qu’ils enseignent, ce n’est pas pos-sible !], de l’esprit ecclésial et de l’unité avec le Saint-Siège.
Qu’est-ce qui nous reste? Il ne nous reste plus qu’à fermer le séminaire ! Vous pensez bien : « orthodoxie, esprit ecclésial, unité avec le Saint-Siège », il faut traduire cela par : « Suivez-nous ! Allez, pas d’histoires. »
Ce n’est pas difficile pour le cardinal visiteur de demander aux séminaristes : « Écoutez, maintenant, voyez-vous, les choses vont s’arranger entre la Fraternité et le Saint-Siège. Par conséquent, il y aura des relations normales entre les évêques et la Fraternité, là où seront les prieurés. Évidemment, vous aurez l’autorisation de dire la messe de saint Pie V, c’est entendu ; mais si votre évêque vous invite à concélébrer avec lui pour la fête patronale du diocèse, avec la messe nouvelle bien sûr, vous n’allez pas lui refuser. » — « Ah non, moi, je ne dis pas la messe nouvelle ! » — « Ah, bien, mon cher ami, vous attendrez pour votre ordination. »
Ce n’est pas compliqué. Cela, c’est sûr.
Ensuite : « J’espère que vous êtes bien d’accord pour accepter le Concile dans son ensemble ? » — « Ah, pas la liberté religieuse, ce n’est pas possible ! » — « Mon cher ami, vous attendrez votre ordination aussi. »

[...]
Et puis je le [le visiteur] vois d’ici, je le vois au milieu de nous, et avec de petits groupes, il va aller se promener avec des séminaristes : « Mais vous exagérez les difficultés. Mais voyons, le Concile : mais vous prenez ce que vous voulez, il ne faut pas comprendre le Concile à la lettre… mais ceci, mais cela… » Minimiser, minimiser, minimiser nos difficultés, n’est-ce pas, minimiser notre résistance. « Mais la liturgie, la liturgie… : puisqu’on vous accorde la messe de saint Pie V, vous pouvez quand même bien dire une fois de temps en temps la messe nouvelle. Elle n’est pas hérétique. Elle n’est pas schismatique. Il ne faut pas exagérer. » Minimiser, minimiser ; et puis, au contraire, magnifier ce que le Saint-Siège va nous donner : « Il faut s’entendre… Qu’est-ce que vous attendez ? Il ne faut pas être comme cela avec des catégories et un esprit difficile. »

Alors,
…au cours de cette période, le cardinal visiteur décidera également de l’admission des séminaristes au sacerdoce [c’est en toutes lettres, vous voyez], en tenant compte de l’avis des supérieurs compétents.)
Bon. Mais ce n’est pas sûr !
Voilà. Vous voyez : ils sont prêts à envoyer un cardinal visiteur, « dans le but de trouver une formule juridique conforme aux normes du droit canon actuellement en vigueur ».
Donc, évidemment, nous pourrions demander un cardinal visiteur sans pouvoirs. Cela, je ne sais pas s’ils en seraient d’accord.
Mais, même s’ils sont d’accord pour cela, j’ai très peur que ce cardinal visiteur, s’il est un peu habile, se présente comme un conciliateur et arrive, je dirai, à influencer les esprits et à finir par nous diviser. Pourquoi ? Parce qu’il va tellement bien s’y prendre pour expliquer : « Mais Rome, mais Rome, mais Rome… ; vous savez, il n’y a pas de danger. Il ne faut pas avoir peur. Faites confiance. » Alors bon, il y en a qui vont dire : « Pourquoi pas, pourquoi pas ? » D’autres diront : « Attention, attention, prenons garde ! derrière tout cela, on sait très bien comment ça s’est déjà passé. On sait très bien comment cela s’est passé à Fontgombault. On sait très bien comment cela s’est passé chez Dom Augustin. On sait très bien comment cela s’est passé avec les séminaristes qui sont partis et auxquels ils ont promis monts et merveilles, quand ils sont allés à Rome, et puis ensuite : “Allez-vous-en dans les différents séminaires, et laissez-nous en paix avec la messe de saint Pie V !”. »
C’est comme cela. Partout, ils ont toujours leur même but, on le sent bien, c’est d’en finir avec la Tradition, d’en finir avec cette messe de saint Pie V. Alors, on la donne un petit peu, mais à la condition que l’on accepte l’autre. Et puis, tout doucement on ramène à l’autre. C’est comme cela.
Alors, il n’y a pas de raison qu’ils ne fassent pas cela avec nous, pas de raison. Nous sommes un morceau un peu plus gros à avaler, un peu plus dur, mais le but est le même pour eux. C’est la même chose.
Voyez : on nous appâte avec la liturgie, avec le séminaire « selon notre charisme », etc. Mais toujours : « Soumission au Saint-Siège, unité avec le Saint-Siège, esprit ecclésial ! » C’est clair. Et cela, ils le répètent au moins quatre ou cinq fois dans la lettre. C’est clair, ce n’est pas possible.
Ils le mettent tout de suite au début, parce qu’ils refusent, bien sûr :
Le Saint-Siège ne peut accorder des auxiliaires à la Fraternité sans que celle-ci soit dotée d’une structure juridique adéquate et sans que ses rapports avec ce même Siège apostolique soient bien réglés au préalable. (…) En raison de l’institution divine de l’Église, une telle situation juridique comporte nécessairement révérence et obéissance de la part des supérieurs et des membres de la Fraternité à l’égard du successeur de Pierre, le Vicaire du Christ. Dans les limites de cette obéissance et dans le cadre des normes ca-noniques, le Saint-Siège est disposé à concéder, etc.
Vous voyez tout de suite ce cadre dans lequel ils veulent nous enfermer, c’est clair. Personnellement, je ne crois pas que ce soit possible. Et, vraiment, je crois que nous avons affaire à des gens qui n’ont plus l’esprit catholique, qui n’ont plus l’esprit catholique.

[...]

J’ai reçu aussi de longues lettres de M. l’académicien Guitton. Lui aussi, il a reçu la lettre. Alors, lui aussi, me dit : « Il faut accepter, il faut accepter » ; mais cependant il ajoute : « Voilà la lettre que j’ai envoyée au cardinal Ratzinger. » Et dans sa lettre au cardinal Ratzinger, il fait des réflexions assez justes, il dit : « Voilà, quand même, vous savez, Éminence, votre lettre est bien, mais qu’est-ce qu’il va rester de l’autorité de la Fraternité ? » En effet, il ne restera pas grand-chose !
Voyez, même les laïcs sont au courant de toutes nos affaires. C’est assez amusant ! Alors, il m’envoie [ce qu’il écrit au cardinal Ratzinger] :

Je pressens également les difficultés qui ne manqueront pas d’être soulevées et c’est pourquoi je me permets de vous suggérer quelques propositions et compléments qui ne remettent pas en cause l’économie générale de votre offre, [et] qui devraient favoriser une acceptation de la part du fondateur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.
1) Il est évident que tout tourne autour de la mission que le Saint-Siège envisage de confier au cardinal visiteur. Or la personnalité de ce dernier jouera un rôle déterminant. Il me semble qu’il devrait être possible de trouver un accord préalable, au moins offi-cieux, avec Mgr Lefebvre, sur la personne du cardinal visiteur. Je songe pour ma part au cardinal Siri qui vient de renoncer au gouvernement du diocèse de Gênes. Je le connais bien. Je pense qu’il ne risquera pas d’être récusé par Mgr Lefebvre. Je songe également au cardinal Gagnon.
2) La mission confiée au cardinal visiteur, dans son articulation avec les fonctions exercées au sein de la Fraternité par ses responsables, demeure sur certains points un peu ambiguë. Qui aura le pouvoir d’ordonner les prêtres ? Le texte parle « d’ordinations sa-cerdotales sous la responsabilité… ». Comment doit être compris et interprété le pou-voir de décision du cardinal visiteur en ce qui concerne l’admission des séminaristes au sacerdoce, etc. ? L’avis paraît donc, doit être obligatoire, mais doit-il être conforme ? Plus généralement, quel pouvoir est reconnu au cardinal visiteur pendant la période transitoire par rapport à l’autorité des supérieurs de la Fraternité ?

Et ainsi de suite.
Il conviendrait de fixer que les autorités, celle du visiteur et celles des supérieurs de la Fraternité, s’exercent conjointement. Enfin, l’acceptation par Mgr Lefebvre des pro-positions du Saint-Siège, ne devrait-elle pas comporter comme corollaire la levée des sanctions canoniques prononcées contre lui ? Un tel geste de mansuétude aurait sans conteste une grande portée. »

Donc, il voit bien un peu les difficultés, n’est-ce pas ?

Mais, je pense que, à mon sens, nous n’avons pas affaire à des gens honnêtes. C’est cela qui est terrible, nous n’avons plus affaire à des gens honnêtes. Autrefois, quand j’allais à Rome comme délégué apostolique, j’avais affaire à des gens honnêtes, à des gens qui voulaient le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à des gens qui travaillaient pour le salut des âmes. Maintenant, ce n’est plus cela, ce n’est pas cela.
Ils ne travaillent pas pour le salut des âmes, ils travaillent pour la gloire humaine de l’Église dans le monde, la gloire purement humaine.

[...]
Nous avons affaire vraiment à une mafia incroyable, invraisemblable, liée à la maçonnerie certainement, n’est-ce pas. L’abbé du Chalard nous aide bien dans ce domaine, parce que Si Si No No nous éclaire bien sur la situation à Rome et il en dit plus que moi encore, ce n’est pas peu dire. Oh, c’est abominable !

[...]
Enfin, je pense qu’il faut prier.
Je ne sais pas évidemment… Il y en a qui demandent : « Monseigneur, quand est-ce que vous allez faire cela ? » — « Je ne sais pas. » — « Qui vous allez faire [évêque] ? » — « Je ne sais pas non plus. C’est encore dans le secret. Je n’en sais rien. »
On verra bien ce que le bon Dieu inspirera au moment où il faudra le faire, si toutefois je dois le faire. Je l’ai même demandé au bon Dieu ; voyez, je ne suis pas attaché particulièrement à faire ces consécrations épiscopales, ne croyez pas. Notez que j’en ai déjà fait, des consécrations épiscopales. J’en ai fait trois déjà, n’est-ce pas : Mgr Guibert, Mgr Dodds et Mgr N’Dong. Donc, trois évêques que j’ai déjà consacrés. Si je consacre des évêques, je les consacrerai exactement dans la même intention et dans les mêmes dispositions que j’ai consacré ces évêques-là.
Bien sûr, ces évêques-là avaient un mandat romain. C’est clair, c’est évident. Mais enfin, je pense que, dans les circonstances actuelles, on peut penser au mandat que donnera le pape à sa conversion, ou le pape qui suivra, le pape qui retournera à la Tradition. Car il est impossible que Rome demeure en dehors de la Tradition indéfiniment. C’est impossible. Le bon Dieu permettra un jour le retour, avec leurs successeurs. Pour le moment ils sont en rupture avec leurs prédécesseurs, ils sont en rupture avec leurs prédécesseurs. Ils n’acceptent plus les encycliques depuis Mirari vos jusqu’à Humani generis du pape Pie XII ; les encycliques, ils ne veulent plus les considérer. Ils ne veulent pas en tenir compte, n’est-ce pas. Alors, cela n’est pas possible, quand même ! On n’est plus dans l’Église catholique. Le jour où le pape reviendra à la Tradition, il est clair qu’il ne pourra s’appuyer que sur la Fraternité et sur ceux qui travaillent comme la Fraternité, sur ceux qui ont les pensées et les principes de la Fraternité, enfin des catholiques, quoi. S’il veut reconstruire l’Église catholique, où va-t-il trouver les appuis ? Où ? Cela est obligé, c’est impossible autrement. Ce n’est pas pour nous vanter, ce n’est pas pour vanter la Fraternité, mais, qu’est-ce que vous voulez, c’est comme cela, c’est un fait.
C’est pourquoi, il faut avoir confiance. Si le bon Dieu ne veut pas que je fasse des évêques, je lui ai demandé, eh bien, qu’il me fasse mourir avant. Mon caveau est prêt ! Ce n’est pas difficile, je n’ai pas loin à aller. Ce n’est pas difficile pour le bon Dieu de me faire mourir avant. Je peux être assassiné. Je peux avoir un accident de voiture. Je peux avoir n’importe quoi, ce n’est pas difficile, une maladie quelconque. On verra bien.
Alors priez, et continuons à prier. Comptons quand même sur Notre-Dame de Fatima. Je crois que le pèlerinage que nous avons fait à Fatima a fait beaucoup de bien, et puis a été vraiment une consolation pour tous ceux qui ont été présents là-bas, c’était vraiment une belle chose. Nous sommes de nouveau consacrés à la très sainte Vierge, et puis même la Russie, et enfin le monde entier.
Alors, espérons que la très sainte Vierge va nous dévoiler ce mystère qui se trouve derrière la situation que nous constatons, mais dont nous ne connaissons pas la clé, de ce mystère : pour le bien des âmes, pour que l’Église retrouve sa Tradition. C’est pour cela, ce n’est pas pour autre chose, pour la gloire du bon Dieu.



Cordialement
Meneau


La discussion

 Chronique d'un échec (I), de Rémi [2009-03-16 19:23:55]
      Avant, de Meneau [2009-03-16 22:26:12]
          Ca se tente,, de Rémi [2009-03-16 22:48:21]
              Sermon des ordinations sacerdotales, 29 juin 1987, de Meneau [2009-03-16 23:22:48]
              Lettre au St Père, 31 août 1985, de Meneau [2009-03-16 23:40:50]
                  Grand merci, de Rémi [2009-03-17 17:38:26]
      Chronique d'un échec (II), de Rémi [2009-03-17 17:30:13]
          Vif du sujet, de Meneau [2009-03-17 23:00:21]
              Merci cher Meneau, de Rémi [2009-03-18 19:20:18]
      Chronique d'un échec (III), de Rémi [2009-03-18 19:25:46]
          Encore avant, de Meneau [2009-03-19 22:05:35]
          La visite du Cal Gagnon, de Meneau [2009-03-21 14:19:35]
          Entre temps, de Meneau [2009-03-21 14:40:14]
          Sermon du 13/12/1987 à St Nicolas, de Meneau [2009-03-24 22:57:19]
              Merci pour ces superbes textes! Tout reste à fair [...], de Gentiloup [2009-03-25 12:56:01]
      Tout cela est effectivement fort intéressant, de Gentiloup [2009-03-20 00:51:19]
          J'approuve votre prudence, de fadadunucléaire [2009-03-25 06:32:17]
      Chronique d'un échec (IV), de Rémi [2009-03-24 23:16:41]
          15/04/88 - Lettre de Mgr Lefebvre au Cal Ratzinger, de Meneau [2009-03-26 21:17:23]
              Et avant cette lettre, petite chronologie de janvi [...], de Meneau [2009-03-27 00:40:36]
      Chronique d'un échec (V), de Rémi [2009-03-26 17:57:45]
          Juste avant, et juste après la signature, de Meneau [2009-03-27 01:06:42]
          Correspondance Lefebvre - Ratzinger entre le 6 mai [...], de Meneau [2009-03-31 21:54:58]
          Perte de confiance, de Meneau [2009-04-15 22:05:09]
      Chronique d'un échec (VI), de Rémi [2009-03-31 21:27:05]
          Partialité, de Meneau [2009-03-31 21:46:23]
              Bien entendu, de Rémi [2009-03-31 22:01:46]
      Chronique d'un échec (VII), de Rémi [2009-04-15 19:48:24]
          et ça prouve quoi votre chronique, de Scribe [2009-04-15 19:57:38]
              C'est vite dit, de Maïe [2009-04-15 20:05:03]
          Erreur de chronologie - ce télégramme est plus t [...], de Meneau [2009-04-15 22:12:36]
              Reçu., de Rémi [2009-04-15 22:51:31]
          2 juin : lettre reçue par Mgr Lefebvre, de Meneau [2009-04-23 22:39:09]
              Admettons., de Rémi [2009-04-23 23:02:38]
          9 juin : conférence aux séminaristes, de Meneau [2009-04-23 22:49:37]
      Chronique d'un échec (VIII), de Rémi [2009-04-17 14:59:30]
          12-13 juin, Ecône, de Meneau [2009-04-23 22:42:48]
          15 juin : Conférence de presse, de Meneau [2009-04-23 22:51:48]
      Chronique d'un échec (IX), de Rémi [2009-04-23 17:57:42]
          19 juin, communiqué de Mgr Lefèbvre sur l'arrêt [...], de Meneau [2009-04-25 00:12:25]
      Chronique d'un échec (X), de Rémi [2009-04-30 13:15:39]
      Chronique d'un échec (XI), de Rémi [2009-05-15 17:25:26]