qu'il craignait (en fait il était sûr) que cette Berceuse de la Mère-Dieu n'ait quelque saveur protestante, pour la raison qu'elle se termine par une mention de la mort de Notre-Seigneur, sans évocation de la résurrection glorieuse, sans même une ouverture en cette direction.

Comme c'est un ami, je l'ai laissé parler, tout en me demandant dans quelle mesure il pouvait avoir raison.

La nuit portant conseil, je me décide à lui dire – car il lit le forum – que je ne vois pas comment lui donner raison sur ce point (et Dieu sait combien il est agréable de donner raison à ses amis).

Ce poème de Marie Noël – que je persiste à trouver magnifique – n'est pas une méditation sur la Passion, mais sur la vérité de la nature humaine de Notre-Seigneur, nature humaine qu'il tient de la sainte Vierge Marie. Et la vérité de la nature humaine de Jésus non seulement trouve sa plus haute preuve dans la mort, mais encore elle est pour la mort, pour le sacrifice, pour notre salut.

Et l'amour maternel de la sainte Vierge, berçant son enfant, arrivant à cette terrible conséquence de l'incarnation, s'abîme dans un silence d'amour et d'acceptation.

En vérité, cela est très beau et très catholique. Le vieillard Siméon n'a pas dit davantage en annonçant le glaive de douleur qui doit transpercer le cœur de Notre-Dame. Lui non plus n'a pas évoquer la grande gloire dont cette douleur était la prémice.

Et puis quand bien même cette berceuse serait une méditation sur la passion, le chemin de croix ne s'arrête-t-il pas à la mise au tombeau. Ce sont les modernes qui ont éprouvé le besoin d'ajouter une quinzième station...
La contemplation de la mort de Jésus-Christ n'ignore en rien la résurrection, mais elle s'arrête volontiers à la mort, pour y voir l'amour de Dieu, la gravité du péché, la nécessité de la conversion. Elle s'y arrête volontiers du soir du vendredi jusqu'au matin du dimanche.

Mais, en tout état de cause, ce poème est une berceuse, et une berceuse en laquelle la sainte Vierge Marie prend possession, pour ainsi dire, de la vérité de la nature humaine de son fils. Et c'est beau, tout simplement.

Abel

P.S. Je ne dis pas qu'il n'y a que ça dans cette berceuse, oh ! non, mais je ne considère que ce point particulier.