Dans le numéro 3051 de France Catholique (en vente en kiosques à partir du 8 décembre 2006), Tugdual Derville, délégué général de l’Alliance pour
les Droits de la Vie ( http://adv.org ) répond, dans sa chronique
hebdomadaire, à ceux qui ont pensé que la mise en cause des dérives
éthiques du Téléthon relevait d’un plan de bataille concerté au plus
haut niveau de l’épiscopat français. C’est à la fois beaucoup plus
simple et plus complexe…
TELETHON : L’heure de vérité
Tout est parti, en fait, de l’initiative d’un laïc agissant dans le cadre
de fonctions que lui avait confiées son évêque, par un document diffusé
par Internet, à l’intention des catholiques du Var. La caisse de
résonance médiatique a ensuite donné à l’affaire une ampleur nationale.
Les positions bioéthiques de l’Eglise sont connues de longue date. Elle
n’a attendu ni le Téléthon, ni l’année 2006, pour les exprimer. Elle a
toujours récusé le DPI (Diagnostic Pré Implantatoire). Il donne les fameux
Bébéthons, exhibés depuis une dizaine d’années sur les plateaux de
télévision par l’association française contre les myopathies (AFM), au
prix d’une sélection éliminant, à l’état d’embryons, les frères et
sœurs malades des enfants en bonne santé. Contrairement à ce qu’a
affirmé la présidente de l’AFM, l’Eglise s’est exprimée fortement,
notamment par la voix du cardinal Philippe Barbarin, lors des débats
bioéthiques de 2004. L’archevêque de Lyon avait qualifié de
"transgression sans précédent" l’autorisation d’expérimenter sur les
embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Et
c’est logiquement que cette mise en garde prend du poids à l’approche de
l’événement cathodique. Comme chaque année, de nombreuses institutions
chrétiennes ont été sollicitées pour participer au Téléthon. Or,
c’est avec une partie des fonds récoltés que l’AFM héberge le
professeur Marc Peschanski. Et c’est lui qui effectue actuellement les
premières recherches françaises sur l’embryon.
La défense de l’AFM a quelque chose de désespérément incantatoire :
“C’est pour la vie”, “C’est légal”. Mais son refus de débattre
plus en profondeur révèle l’ambiguïté d’un positionnement qui la
traverse mais aussi la dépasse : cette tendance de plus en plus affirmée à
supprimer, au premier stade de leur vie, les êtres humains porteurs des
maladies qu’on entend combattre. “J’aimerais tellement que ce ne soient
pas véritablement des êtres humains” a confié un ancien responsable de
l’association, en avouant que la souffrance des familles et des malades
tend à leur fermer les yeux sur les manipulations des embryons. Dans des
statistiques des IMG (interruptions médicales de grossesse) qu’elle vient
de rendre publiques, l’Agence de Biomédecine révèle que 100% des 23
myopathies de Duchenne diagnostiquées en France en 2003 se sont traduites
par l’avortement ! Comment nier la réalité de cet “eugénisme
démocratique” ou “familial” que, d’ailleurs, des députés comme le
professeur Bernard Debré revendiquent explicitement ?
L’AFM finance, pour 1,5 million d’euros, des recherches sur l’embryon.
Quatre autres millions sont dépensés pour des actions “de
revendication”, ce qui autorise à questionner l’association sur la
nature de ce qu’elle demande aux pouvoirs publics. Notamment en matière de
clonage, dont la légalisation est une réclamation récurrente de Marc
Peschanski.
Le poids économique et médiatique incontestable du Téléthon (il a
récolté plus de100 millions d’euros l’an dernier) explique que tant de
personnalités publiques soient montées au créneau pour le défendre :
ministres de l’actuel gouvernement comme Philippe Bas et Xavier Bertrand,
députés de l’opposition comme Manuel Vals et jusqu’au président Chirac
qui reçoit ses leaders avant l’émission. De son côté, le président du
Comité Consultatif National d’Ethique a cru devoir réagir en affirmant à
propos des positions de l’Eglise sur l’embryon : “elle n’a pas le
droit d’en faire une manifestation publique“. Une tentative révélatrice
de placer l’institution ecclésiale sous l’étouffoir en la cantonnant à
la sphère privée ou aux médias alternatifs. Certains ne s’y trompent
pas. Des journalistes, comme Jean-Yves Nau du quotidien Le Monde, se montrent
choqués de la posture de l’AFM refusant tout débat public. Invité à
s’expliquer sur France Culture (1), Marc Peschanski a même dû annuler sa
présence sur injonction de son financeur. Il promet de parler après la fin
du Téléthon…
Un vent de panique souffle donc sur les organisateurs de l’événement. Sans
doute sont-ils désarçonnés par le fonctionnement de l’Eglise qui
s’exprime par des voix diverses, avec des sensibilités contrastées, tout
en se montrant cohérente sur le fond (la protection de l’embryon) mais
sans véritablement “communiquer”, sans avoir calculé son impact en
termes d’avantages ou d’inconvénients pour elle-même. Jean-Christophe
Parisot, diacre et myopathe, et défenseur du Téléthon, a par exemple
offert à l’AFM une porte de sortie : pourquoi ne pas proposer au donateur
de choisir le type de projet qu’il veut financer ? Solution pour le moment
écartée par l’AFM, même si certains parrains de l’édition 2006
commencent à la préconiser.
Avec un audimat dopé par la polémique, le 20e Téléthon constitue une
édition attendue. Comme institution, l’Eglise n’a rien à gagner. Si les
dons grimpent, on moquera son “échec” ; si les dons plafonnent, on
l’accusera d’avoir porté préjudice à une belle entreprise de
générosité. Mais est-ce le critère d’évaluation de son succès ?
La culture de vie sera “nouvelle” préconisait Jean-Paul II dans son
encyclique l’Evangile de la Vie, “parce qu’elle sera capable de
susciter un débat culturel sérieux et courageux avec tous”. Loin des
feux de la rampe médiatique, certains dirigeants de l’AFM ont enfin
commencé à rencontrer ceux de l’Eglise pour s’expliquer.
Comprendront-ils que c’est la défense des plus vulnérables et des
personnes souffrantes qui est la clé du message évangélique ?
(1) Emissions “Science publique” du 1er décembre à 14 h,
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/science_publique/archives.php
http://www.france-catholique.fr
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