Les archives du Forum Catholique
Forum | Documents | Liens | Q.F.P. | Oremus

Les archives du Forum Catholique

JUILLET 2003 A MARS 2011

Retour à la liste des messages | Rechercher

Afficher le fil complet

L'essence de l'Offertoire dans le rit romain Imprimer
Auteur : Ichtus
Sujet : L'essence de l'Offertoire dans le rit romain
Date : 2006-04-27 13:37:12

Bonjour,

Voici de larges extraits de Pius Parsch, La sainte Messe expliquée dans son histoire et sa liturgie, Bruges, Beyaert, 1945, suivis d'un commentaire personnel mettant en rapport ces extraits avec l'Offertoire du Novus Ordo de Paul VI.

Cette contribution s'inscrit dans le sillage des précédents débats qui ont eu lieu sur cette question, et que l'on retrouvera sans difficulté à l'aide de la fonction "rechercher".


L’évolution historique :

C’est à la suite de cette pratique [l’agape] que l’offrande des fidèles se développa dans la messe des premiers chrétiens. Au début de la messe proprement sacrificielle, ils portaient processionnellement leurs offrandes sur la table du sacrifice (Prothesis), placée non loins de l’autel. Ces offrandes se composaient surtout de pain et de vin (plus tard on fit usage de petites cruches, amulae), mais il y avait aussi d’autres offrandes : des lainages, de l’huile, des fruits, de la cire, de l’argent, de l’or : tout à quoi tenait d’une manière particulière. Ces dons étaient recueillis par le diacre et disposés sur la table. Qu’en faisait-on ? Ce qui était nécessaire au sacrifice : pain et vin, était porté sur l’autel par le diacre. Tout le reste était mis de côté pour servir à l’entretien du clergé et des pauvres. Dans ces conditions, l’Offertoire durait longtemps et était une cause facile de distraction. Aussi, dès le Vème siècle, on y exécutait un chant de procession : le peuple et le clergé devaient avoir une attitude de recueillement et approfondir la signification de l’Offertoire. Pendant ce temps, l’évêque choisissait parmi les offrandes, et, à la fin, récitait une seule prière, l’ “oratio super secreta”, l’oraison sur les dons qu’il avait séparés. Tel était l’Offertoire en un temps où le prêtre et le peuple prenaient une part active à la célébration de la messe. Nous voyons que l’essentiel et le sens même de l’Offertoire résidaient dans l’offrande des fidèles. - p. 138.

Au moyen âge, l’Offertoire devint de moins en moins l’affaire du peuple. En vain des synodes en recommandèrent-ils la pratique. Mais, par le fait de l’accoutumance populaire, les lacunes qui résultaient de cette abstention furent comblées par un ensemble de prières récitées par le prêtre. Ce sont les prières que nous avons aujourd’hui à l’Offertoire et qui, dans leur teneur actuelle, étaient en usage dès le XIVème siècle. Par leur contenu, ces prières expriment des idées comparables à celles du Canon ; c’est pourquoi on les appelait au moyen âge “petit canon”. Toutefois ce ne sont pas ces pières, mais c’est l’antique Offertoire qui en donne le sens. - pp. 142-143

Autrefois, l’Offertoire était surtout un acte ; aujourd’hui, il est surtout une prière. (...) Dès qu’il se détacha du peuple, des abrévations se produisirent dans le chant, mais en même temps on incorpora tout un ensemble de prières propres au prêtre, dont le but était, notamment aux messes privées, de remplir les vides produits par l’absence du peuple à l’Offertoire. Ces prières sont passées en usage dans l’Eglise romaine, selon leur ordonnance actuelle, aux XIVème siècle. Hors de Rome, il y eut jusqu’à Pie V une diversité considérable. Depuis lors, bien des choses ont été changées, quant au contenu, en ce qui touche l’idée que l’on se fait de l’Offertoire. Autrefois, la pensée était exclusivement tournée vers les offrandes du peuple : elles exprimaient sa participation à l’Offertoire. C’est ce que nous pouvons voir encore aujourd’hui d’après les anciennes Secrètes (1). Mais depuis qu’a cessé la procession de l’Offertoire, la pensée se tourne en premier lieu vers les offrandes à consacrer. - pp. 147-148

(1) Quant à leur contenu, les plus anciennes Secrètes parlent des offrandes des fidèles et supposent l’Offertoire. Les plus récentes ont trait à l’acte sacrificiel qui suit. - p. 163

On peut dire en général que la stricte unité, le style classique et les idées de l’ancienne liturgie sont absents des prières de l’Offertoire au missel actuel. - p. 148

Le sens de l’antique Offertoire :

1- (...) l’offrande est le symbole de la personne qui offre. (...) à l’Offertoire, nous apprenons à faire le sacrifice le plus beau, le plus dur, mais aussi le plus agréable à Dieu, notre véritable offrande, nous-mêmes (...) C’est cette entrée dans le sacrifice du Seigneur qui était si magnifiquement exprimée à l’offrande, quand les chrétiens apportaient leurs dons à l’autel. Leurs dons représentaient leurs propres personnes. Ainsi, ils se plaçaient eux-mêmes sur la table du sacrifice pour mourir avec le Christ. Alors ils montaient sur la croix pour être crucifiés avec le Seigneur. Tel est le sens profond de l’Offertoire : l’entrée dans le sacrifice de la mort du Christ. En bref : c’est le Christ et nous qui composons le sacrifice.
2- Le pain est l’image de notre travail (...) Dans le pain et le vin, nous apportons toute notre vie, tout nous-mêmes.
3- L’idée de communauté : chacun donne du sien, de ce qui lui appartient en propre, ce qu’il a personnellement choisi, et il l’apporte à l’autel pour qu’il en soit fait une seule grande offrande de la communauté. (...) ce sont des hommes qui viennent à l’Offertoire avec leur individualité propre ; cependant ils grandissent dans l’unité du corps mystique du Christ.
4- Il y a contenu dans l’Offertoire un fort beau symbole : le chrétien a porté le pain et le vin à l’autel et, à la communion, il vient reprendre le même pain et le même vin, mais divinisés, quand ils sont devenus corps et sang du Christ. Le pain et le vin représentent la personne ; l’homme naturel vient au sacrifice et il revient divinisé, changé en la personne du Christ. La parole de saint Paul ainsi se vérifie : “Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi”. L’Offertoire et la Communion nous montrent à l’évidence que, par la sainte Eucharistie, “nous devenons participants de la divinité (du Christ)”. - p. 143-146 | A la Communion, nous recevons de nouveau le pain que nous avons déposé à l’Offertoire, -mais il a été consacré, divinisé. C’est un profonde symbole de la messe : notre pain d’hommes est devenu pain de Dieu. Mais comme le don vaut pour le donateur, “l’homme naturel” venu à la messe s’en retourne chez lui “homme divinisé”. Nous sommes devenus participants de la divinité. Tel est le sens de la Rédemption qui nous est impartie au sacrifice de la messe. - p. 225

Résumé :

Essentiellement, l’Offertoire est l’offrande des fidèles ; par elle ils expriment leur participation au sacrifice. Depuis qu’a cessé l’offrande des fidèles, l’Offertoire est devenu une offrande anticipée du sacrifice eucharistique qui suit. Dès lors, elle est devenue la liturgie du prêtre. Toutefois, le laïc ne doit pas cesser de voir dans l’offrande l’essence même de l’Offertoire, cette offrande dût-elle être spirituelle. - p. 163



L’Offertoire de l’Ordo de Paul VI :

Il est essentiellement revenu à la grande tradition du rit romain (ad normam Sanctorum Patrum), à sa “noble simplicité” (dixit Paul VI).

Il ne prend toutefois sa véritable signification que dans le cadre de la procession des dons par les fidèles, ce qui est vivement encouragé par la Présentation générale du Missel romain 2002 :


Au commencement de la liturgie eucharistique, on apporte à l'autel les dons qui deviendront le Corps et le Sang du Christ.

D'abord on prépare l'autel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la liturgie eucharistique [70], en y disposant le corporal, le purificatoire, le missel et le calice, à moins que celui-ci ne soit préparé à la crédence.

Puis on apporte les offrandes : il est louable que les fidèles présentent le pain et le vin, toutefois le prêtre ou le diacre les reçoit à un endroit favorable et les dépose sur l'autel. Bien que ce ne soit plus, comme autrefois, de leurs propres biens que les fidèles amènent du pain et du vin destinés à la liturgie, néanmoins ce rite de l'apport garde sa valeur et sa signification spirituelle.

On peut aussi recevoir de l'argent, ou d'autres dons au profit des pauvres ou de l'Église, qui sont apportés par les fidèles ou recueillis dans l'église ; on les dépose à un endroit approprié, hors de la table eucharistique. (n° 73)



Par cette procession, l’Offertoire retrouve la plénitude de sens spirituel qu’il possédait autrefois, en rendant au peuple de Dieu une participation active, objectif premier de la réforme liturgique. Les dons offerts par les fidèles -le pain et le vin, fruits du travail des hommes- représentent leurs propres personnes, et signifient ainsi mieux que l’ancien Offertoire la part qu’ils doivent prendre au sacrifice : s’offrir eux-mêmes avec le Christ et dans le Christ. Car si c’est la Tête qui est offerte et qui s’offre, tout le Corps doit s’offrir avec elle. Les dons offerts par les fidèles à l’Offertoire, ils les retrouvent à la Communion, mais divinisés. On a souvent accusé le nouvel Ordo Missae d’avoir dénaturé l’offrande en la dégradant, ne la faisant plus consister que dans un simple échange entre Dieu et les hommes (cf. Bref examen critique). Ne tenant compte ni de l’ancienne forme de l’Offertoire, ni de la procession qui en était le centre, cette critique est injustifiée. Certes, il s’agit bien d’un échange, mais combien grand, combien profond et magnifique ! (cf. point 4 ci-dessus). C’est un échange de nature sacrificielle, et qui doit donc être agréé de Dieu : c’est ce qui est signifié sans ambiguïté dans les prières conservées de l’ancien Offertoire : le In spiritu humilitatis et l’Orate Frates (ce que le BEC ne remarque étrangement pas, lui qui aurait dû plutôt se demander pourquoi ces deux prières avaient été conservées...).

Disons-le clairement : l’Offertoire restauré a rétablit l’intégrité (j’insiste sur le mot) spirituelle et dogmatique de l’Offertoire romain classique :

1°- La procession des dons et les deux prières sur le pain et le vin mettent bien en valeur que l’essence de l’offertoire est l’offrande, à laquelle tous les fidèles doivent participer (au moins spirituellement) en s’offrant eux-mêmes avec leurs dons.
2°- Les deux prières conservées de l’ancien Ordo signifient clairement que c’est un sacrifice qui se prépare, et qu’il doit être agréé de Dieu.
3°- L’Orate Frates marque parfaitement la fin de l’offrande et le début du sacrifice ; la distinction limpide que cette prière établie entre le prêtre et les fidèles signifie bien que le sacrifice est uniquement réservé au sacerdoce consacré.

Comment être plus complet, plus concis et plus clair ?

En Christ,

Ichtus.


La discussion

 L'essence de l'Offertoire dans le rit romain, de Ichtus [2006-04-27 13:37:12]
      Pius Parsch?, de Athanasios D. [2006-04-27 14:23:40]
          J'ai bien Jungmann, de abbé F.H. [2006-04-27 14:38:41]
              Jungmann, de Ichtus [2006-04-27 19:22:10]
          PIUS PARSCH pour Athanasios, de baudelairec2000 [2006-04-27 15:38:55]
              Pourquoi pas?, de Athanasios D. [2006-04-27 15:52:22]
          [réponse], de Ichtus [2006-04-27 17:26:15]
              Très bien!, de Athanasios D. [2006-04-28 11:47:53]
      le développement de la liturgie, de abbé F.H. [2006-04-27 14:49:28]
          Question essentielle, de Ichtus [2006-04-27 17:42:58]
              Ne le prenez pas mal..., de XA [2006-04-27 18:12:06]
                  [réponse], de Ichtus [2006-04-27 18:51:57]
                      déférences, de Don Salluste [2006-04-27 19:43:37]
      l'offertoire du NOM: service rapide., de baudelairec2000 [2006-04-27 15:22:54]
          Sacré Baudelaire, de olo [2006-04-27 15:32:30]
              cher Olo, de baudelairec2000 [2006-04-27 15:55:42]
                  Au fait, z'avez eu ma réponse par mail ?, de Michel Jacques [2006-04-27 16:06:40]
                      cher Michel Jacques, de baudelairec2000 [2006-04-27 16:32:05]
          C'est amusant, et cela est toujours en petit, de JacqHou [2006-04-27 17:04:08]
          Quelques remarques, de Ichtus [2006-04-27 17:59:05]
              L'Offertoire dans tous ses états, de baudelairec2000 [2006-04-27 18:36:54]
                  pour votre missel, c'est normal, de abbé F.H. [2006-04-27 18:51:20]
                  Réponse, de Ichtus [2006-04-27 19:10:35]
                      et pourquoi, de abbé F.H. [2006-04-27 19:26:14]
                          WAOUW, de olo [2006-04-27 22:32:46]
          petite erreur, de abbé F.H. [2006-04-27 18:09:06]
      [réponse], de Abbé Sébastien DUFOUR [2006-04-27 15:28:51]
      Ichtus : je suis jaloux !, de Abbé Sébastien DUFOUR [2006-04-27 18:56:26]
          Monsieur l'abbé, de Ichtus [2006-04-27 19:18:40]