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JUIN 2001 A JUILLET 2003

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La NewChurch Imprimer
Auteur : Justin Petipeu
Sujet : La NewChurch
Date : 2003-06-21 10:50:21

Nommé évêque du Havre en 1974, Mgr Michel Saudreau aura passé près de trente ans à la tête de l’un des plus jeunes diocèses de France. Entretien dans "La Croix" :

-Voilà presque 29 ans que vous êtes à la tête du diocèse du Havre. Qu’est-ce qui vous a guidé pendant toutes ces années ?

-Mgr Michel Saudreau : Mon axe de travail a été de diffuser l’esprit et les valeurs mises en avant par Vatican II. C’est-à-dire organiser la vie de l’Église conformément à ce que le Concile a dégagé et tout d’abord aider les gens à accueillir la présence de Dieu dans leur vie et à vivre l’Alliance avec lui comme un don qui enrichit l’existence.


-En 1974, quand vous arrivez, le diocèse du Havre vient d’être détaché de celui de Rouen. Pourquoi ce nouveau diocèse ?

-Après Vatican II, une réflexion de l’ensemble des prêtres avait été menée sous la houlette de Mgr André Pailler, alors archevêque de Rouen. L’idée a été lancée d’avoir deux diocèses : en effet, celui de Rouen, avec 1,2 million d’habitants, était trop peuplé et trop étendu. Or, à l’époque, on cherchait au contraire à avoir des diocèses plus petits et plus proches des gens : l’idée était que l’évêque puisse connaître personnellement au moins les chrétiens actifs de son diocèse. Deux diocèses ont donc été créés, profitant de l’existence de deux régions économiques et humaines bien caractérisées. Au Havre, il s’agit de la zone d’influence de la ville et du port.


-Vous êtes donc le premier évêque du Havre. Il y a quelques semaines, devant les prêtres du diocèse, vous avez confié qu’il vous aura fallu quinze ans pour faire connaissance avec ce diocèse.

-Je venais de Paris. Il me fallait connaître le terrain, sentir son histoire et ce qui l’avait marquée.


-C’est-à-dire ?

-Le diocèse du Havre est d’abord une zone industrielle forte qui s’est surtout bâtie entre les deux guerres. C’est aussi une zone de communication, porte de sortie naturelle de la France et de l’Europe vers l’Amérique et l’Afrique. D’un point de vue religieux, cette zone à dominante industrielle est aussi une zone non pratiquante : dans cet environnement surtout ouvrier et urbain, nous ne comptons que 4 % de pratiquants. Il faut toutefois mettre à part la zone rurale, en pays de Caux, qui a hérité d’une tradition catholique forte avec une pratique qui va jusqu’à 13 %. Mais sur les 400 000 habitants du diocèse, elle n’en représente pas un quart…


-Vous avez été directeur de l’enseignement religieux à Paris, puis directeur du Centre national de l’enseignement religieux (CNER). Vos vingt années d’expérience de la catéchèse ont-elles été importantes dans votre ministère épiscopal ?

-L’action d’évangélisation m’a obligé à beaucoup travailler deux aspects de la vie du chrétien. Quel est le contenu de ma foi ? Si le chrétien partage toute la vie humaine, il a aussi un horizon plus haut : quel message qui ne soit pas totalement humain peut-il apporter à ses frères ? Et cet apport original, comment le communiquer aux hommes ? Dans ces questions, j’étais au cœur de ma tâche d’évangélisation et l’expérience que j’ai accumulée à travers toute la France pendant près de vingt ans m’a beaucoup servi. Elle me sert toujours !


-En quoi ?

-D’abord par le désir de parler clairement et simplement. Ensuite par celui de mettre en relief l’essentiel : les gens ont besoin de réalités simples dans leur vie.


-Au début des années 1990, vous lancez un synode diocésain, un des premiers en France. Qu’est-ce qui vous a motivé ?

-Après la création du diocèse, il fallait définir en commun sa charte de base et ses perspectives. C’est ce que j’ai cherché à faire avec les délégués du synode, en mettant en œuvre les orientations de Vatican II et avec la conviction que la vie de l’Église devait être prise en charge par l’ensemble des chrétiens. En effet, pour qu’une Église soit vivante, cela suppose des structures de réflexion et de concertation où le plus grand nombre possible de chrétiens soit impliqué. Ces structures sont indispensables à une Église proche du terrain et des gens.


-D’où une redistribution de la carte des paroisses ?

-Nous sommes effectivement passés de 56 à 21 paroisses. Cela s’est accompagné par la mise en place d’un management collégial. Aujourd’hui, le curé est entouré de trois conseils : le conseil pastoral, instance représentative qui discute des orientations, le conseil des affaires économiques et l’équipe animatrice paroissiale, qui sont, en quelque sorte, les adjoints du curé. Ces trois conseils ont un rôle important et ont profondément modifié ce que nous vivons. Même si le curé reste le décideur, il n’est plus un monarque absolu.


-À côté des paroisses, vous vous êtes aussi attaché à ne pas oublier le travail des services et des mouvements.

-Je me suis attaché à mettre en valeur l’apport des mouvements car la paroisse ne résume pas toute l’action de l’Église. Il fallait faire attention à ce que la vitalité des mouvements ne soit pas délaissée : c’est l’autre jambe du diocèse, nécessaire pour qu’il marche. Il y a toute une action dans la société, toute une influence sociale de l’Église, qui passe par les mouvements.


-Cette influence est-elle forte au Havre ?

-Traditionnellement, les chrétiens sont ici très présents dans la société. Le christianisme social s’est implanté dès le XIXe siècle quand les chrétiens démocrates y ont commencé à unir vie chrétienne et action sociale. Cela s’est transmis aux générations actuelles. Aujourd’hui, il y a au Havre une vie associative forte : même si ces associations ne s’affichent pas forcément comme catholiques, les chrétiens sont très présents. Ils apportent leurs idées et leurs valeurs et cela est très bien accepté. Même si la CGT a une énorme influence, si le communisme s’est fortement implanté dans cet environnement ouvrier et urbain, il n’y a jamais eu de persécution antireligieuse. Au contraire : si les gens sont très détachés de la religion, les chrétiens, dans la mesure où ils sont des chrétiens sociaux, sont très bien acceptés et ils peuvent faire route avec cette majorité non-croyante.


-L’Action catholique est-elle toujours forte dans votre diocèse ?

-Il y a toujours une certaine vitalité de ces mouvements. Dans huit des neuf équipes d’ACI (Action catholique des milieux indépendants), les membres ont moins de 50 ans : ce sont loin d’être des retraités ! L’ACO (Action catholique ouvrière) aussi est active. Bien sûr, comme partout, il y a des problèmes de recrutement, mais il s’agit plus de problèmes vis-à-vis de l’engagement en général que par rapport aux mouvements eux-mêmes.


-Finalement, que garderez-vous de ces trente années passées au Havre ?

-Je garde tout d’abord l’image d’une Église qui ne reste pas dans un ghetto, mais d’une Église qui est présente dans la vie de la société, dans le quotidien de tous les hommes, avec la volonté d’y traduire les valeurs de l’Évangile. Je retiens aussi l’idée d’une Église qui se sait minoritaire : c’est-à-dire que les chrétiens sont confrontés tout le temps à des gens qui bâtissent leur vie pour elle-même, sans Alliance étroite avec Dieu. La place de Dieu dans la vie n’est plus du tout évidente et il faut un véritable effort d’attention pour lui faire cette place. Par contre, la vie chrétienne est toujours porteuse de valeurs « sympathiques » qui suscitent une certaine curiosité. Ainsi, à la veille de la Pentecôte, j’ai confirmé une quarantaine d’adultes : la plupart m’ont confié qu’ils avaient connu une période d’éloignement mais qu’ils avaient été interrogés par la foi d’un mari, d’une femme, des enfants ou par leur préparation au mariage.


-Trente ans après sa création, quel avenir voyez-vous pour votre diocèse ?

-Minoritaires, les croyants ont besoin d’une foi plus personnelle et plus justifiée car une foi par habitude aura du mal à passer une nouvelle génération. Mais ce diocèse a des ressources. Y aura-t-il un moment où une certaine pratique de base de la religion redeviendra le fait d’une majorité ? Je ne sais pas. Mais quand je regarde la vitalité de nos équipes d’ACO ou d’ACI, ou encore le nombre de militants du Secours catholique, qui ne diminue pas, je me dis qu’il y aura toujours un avenir pour les chrétiens qui veulent s’engager.


La discussion

      La NewChurch, de Justin Petipeu [2003-06-21 10:50:21]
          ET BEN, de appuleius [2003-06-21 11:56:04]
              Oculos habent..., de Adso [2003-06-23 13:15:03]