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Une expérience Imprimer
Auteur : Justin Petipeu
Sujet : Une expérience
Date : 2002-11-12 13:00:39

Celle de Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus :

Partons d'un fait qui a frappé ses soeurs et que nous avons aussi du mal à comprendre. Thérèse allait vers sa mort dans l'allégresse : Ô mes petites soeurs, que je suis heureuse, je vois que je vais bientôt mourir ! Et elle expliquait: Ce n'est pas la mort qui viendra me chercher, c'est le bon Dieu. Que voulez-vous, pourquoi la mort me ferait-elle peur ? Je n'ai jamais agi que pour le bon Dieu.
Si on passe en revue les confidences faites par Thérèse durant ses mois de souffrance, on s'aperçoit que son courage, à l'approche de la mort, repose sur quelques certitudes très simples de sa foi, que l'on pourrait résumer ainsi :
- Mourir, c'est voir Dieu, c'est retrouver Dieu Père.
- Mourir, c'est rejoindre Jésus dans sa gloire. Le ciel, c'est Jésus lui-même.
- Mourir, c'est être accueilli par ses amis les saints, et surtout ses préférés, les ordinaires, les jeunes, les missionnaires, les martyrs : Jeanne d'Arc, Théophane Vénard. Les saints me connaissent, ils m'aiment; ils me sourient d'en haut et m'incitent à les rejoindre. Ils sont tous mes petits parents, là-haut !
- Mourir, c'est s'en aller vivre auprès de Marie, sa Mère, et Thérèse écrivait, en mai, dans son poème : "ourquoi je t'aime, ô Marie" :
Bientôt dans le beau ciel, je vais aller te voir,
Toi qui vins me sourire au matin de ma vie,
Viens me sourire encore, Mère, voici le soir.
Je ne crains plus l'éclat de ta gloire suprême,
Avec toi j'ai souffert et je veux maintenant
Chanter sur tes genoux, Marie, pourquoi je t'aime
Et redire à jamais que je suis ton enfant.

- Mourir, c'est entrer définitivement dans l'œuvre de Jésus Sauveur du monde, dans l'œuvre missionnaire de l'Église : Je désirerai au ciel la même chose que sur la terre : aimer Jésus et le faire aimer. La seule chose que je désire, c'est la volonté du bon Dieu et j'avoue que si dans le ciel je ne pouvais plus travailler pour sa gloire, j'aimerais mieux l'exil que la patrie.

Cette affirmation hardie, nous la lisons dans une lettre à l'Abbé Bellière, l'un des missionnaires qui lui avaient été donnés comme frères spirituels par sa prieure.
Telles sont donc les bases de la confiance de Thérèse, les certitudes qu'elle n'a jamais reniées. Elle a connu cependant, comme malgré elle, des moments de fléchissement. On sait mieux maintenant que la période de foi difficile a commencé, en fait, dès avril 1899, dix-huit mois environ avant sa mort. Sur cette épreuve de la foi et de l'espérance, Thérèse est toujours restée très discrète. Dans quelques confidences très brèves, elle en parle comme d'un trou noir, d'un mur, d'un tunnel, d'un brouillard. Le Père Madeleine, qui prêcha la retraite de communauté en octobre 1986, témoigne : " Son âme traversa une crise de ténèbres spirituelles où elle se croyait damnée et c'est alors qu'elle multipliait ses actes de confiance et d'abandon à Dieu. Extérieurement, personne ne pouvait se douter de ses peines intérieures".
L'aveu le plus bouleversant de Thérèse se trouve dans le manuscrit C, son petit carnet noir, écrit à partir de juin 1897 : Tout à coup, les brouillards qui m'environnent deviennent plus épais; ils pénètrent dans mon âme et l'enveloppent de telle sorte qu'il ne m'est plus possible de retrouver en elle l'image si douce de ma patrie du ciel. Tout a disparu. Lorsque je veux reposer mon cœur, fatigué des ténèbres qui l'entourent, par le souvenir du pays lumineux vers lequel j'aspire, il me semble que les ténèbres empruntent la voix des pécheurs me disant, en se moquant de moi : "Tu rêves la lumière ! Tu rêves la possession éternelle du créateur de toutes ces merveilles ! Tu crois sortir un jour des brouillards qui t'environnent. Avance ! Avance ! Réjouis-toi de la mort, qui te donnera, non ce que tu espères, mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant".

Pendant des mois, le quotidien de Thérèse a été fait à la fois de ces impressions paralysantes et d'actes volontaires de confiance en Dieu. Sa cousine raconte : "Un jour qu'elle me parlait des ténèbres, dans lesquelles se trouvait son âme, je lui dis, tout étonnée : Mais ces cantiques si lumineux que vous composez démentent ce que vous dites'. Elle me répond : Je chante ce que je veux croire".
Quelques rares paroles de Thérèse, au cours des quatre derniers mois, attestent la même lutte intérieure, la même victoire de l'espérance qui la rendent si proche de nos propres combats :
- en juin
Un matin, pendant mon action de grâces après la communion, j'ai ressenti comme les angoisses de la mort, et cela sans aucune consolation.
- quelques jours après
Mon âme est exilée. Le ciel est perdu pour moi, il est fermé pour moi, et, du côté de la terre, c'est l'épreuve aussi.
- en juillet
C'est sur le ciel que tout porte. Comme c'est étrange et incohérent!
- au mois d'août
Faut-il tant aimer le bon Dieu et avoir ces pensées-là ? Mais je ne m'y arrête pas. Comme c'est facile de se décourager quand on est bien malade !
- ou encore :
Je voudrais être sûre qu'elle m'aime, la Sainte Vierge l
- mais trois jours après :
Quand on a prié la Sainte Vierge et qu'elle ne nous exauce pas, c'est signe quelle ne veut pas ; alors, il faut la laisser faire à son idée et ne pas se tourmenter.
- en septembre, le mois de sa mort
J'ai peur d'avoir eu peur de la mort... mais je n'ai pas peur d'après, bien sûr ! … C'est la première fois que j'ai éprouvé cela, mais je me suis tout de suite abandonnée à Dieu.
- puis, la veille de sa mort
Comment vais-je faire pour mourir ? Jamais je ne vais savoir mourir ! …
Et pourtant, la même Thérèse qui, à certaines heures, étouffait ses cris de désespoir, vivait un sommet de son amitié avec Jésus Sauveur. Le 9 juin, elle écrivait dans son petit carnet noir : Il me semble que maintenant rien ne m'empêche de m'envoler, car je n'ai plus de grand désir si ce n'est celui d'aimer jusqu'à mourir d'amour.
"Mourir d'amour", l'image est tirée d'un poème de saint Jean de La Croix : la Vive Flamme d'amour. Mourir d'amour, pour Thérèse, c'était, non seulement aimer jusqu'à la fin, aimer jusqu'à la mort, mais faire de sa mort même un bel acte d'amour. Encore faut-il en être capable, et Thérèse sent, de plus en plus, que faire une belle mort n'est pas en son pouvoir, qu'elle mourra peut-être pauvrement, comme tant de petites âmes, dont elle veut être le chef de file. Elle sent, de plus en plus, que rien ne transparaîtra peut-être de cette mort dans l'amour. Thérèse n'exprime donc qu'un seul désir, que l'Esprit Saint fait grandir en elle : être identifiée à son Seigneur dans sa mort de pauvre sur la croix. C'est à ce moment qu'elle médite si souvent les textes d'Isaïe 53 sur les souffrances et la mort du Serviteur de Yahweh.
Notre Seigneur est mort sur la croix dans les angoisses, et voilà pourtant la plus belle mort d'amour, écrit-elle … Ne vous faites pas de peine, mes petites soeurs, si vous ne voyez en moi aucun signe de bonheur au moment de ma mort ; le Seigneur est bien mort victime d'amour, et voyez quelle a été son agonie !


La discussion

      Petite question..., de Torquemada [2002-11-11 20:31:27]
          Re : Petite question..., de Mary (194.158.98.xxx) [2002-11-11 21:21:10]
              Signe de Dieu (Paul Claudel), de Anne (62.142.81.xxx) [2002-11-11 21:46:34]
          Re : Petite question..., de valerie (66.93.240.xxx) [2002-11-11 22:47:09]
              Dieu..., de Athanasios D. [2002-11-12 11:51:52]
          Une expérience, de Justin Petipeu [2002-11-12 13:00:39]